Loi Morale Nouv’ ELLE et Loi Morale kantienne

  1. Dans toute “loi morale”, depuis longtemps, les philosophes et même les théologiens qui considèrent que la “loi morale” est fondamentalement une “loi divine”, ont considéré qu’une action proprement “morale” suppose la LIBERTÉ de la personne qui “doit obéir” à cette “loi morale”.
    L’idée apparaît donc très tôt que si la liberté de celui qui “obéit” à une loi n’est pas garantie, son choix entre le “bien” et le “mal” défini par la “loi morale” n’est pas “purement moral”, mais obéit en fait à d’autres déterminations et notamment à des sentiments ou des émotions, comme la peur, la crainte d’être puni, ou inversement le désir d’une récompense, l’ attachement affectif à certaines personnes , la recherche de la sécurité, ou à toute forme d’ “intéressement” personnel.
    Autrement dit il y a très tôt une claire perception de la différence entre la contrainte de soumission à un ordre social, politique, juridique etc. reposant en dernière instance sur la force ou la peur, et l’ “obligation morale” supposant un rapport de soumission libre et volontaire à une telle loi.
    Mais dans toutes ces formes de morales “hétéronomes” traditionnelles, la “loi morale” elle-même est posée comme extérieure et/ou préalable au “sujet” qui “doit” lui obéir  ( loi divine, loi sociale, traditions, coutumes,
    droit naturel, “structure  anthropologique”, “nature humaine” …) , et où la personne elle-même n’interviendrait pas elle-même dans la définition de la loi.La distinction est encore plus facile à faire entre la liberté liée à la moralité et donc le type de lien volontaire conscient établi entre la “raison” de l’ acte libre et le contrôle volontaire de cet acte libre, et d’autre part tous les aspects de notre comportement qui sont simplement “automatiques” ou déterminés inconsciemment ( qu’il s’agisse de l’ inconscient freudien, ou de toute forme de dynamiques physico-bio-socio-éco-culturo …  dont les effets se manifestent dans notre comportement réel observable ou analysable après coup , mais dont nous n’avons soit aucune conscience, soit une conscience très vague ou limitée ou illusoire, etc. ).

2.  Rousseau du point de vue juridico-politique et Kant du point de vue proprement moral, essayent de dégager un rapport beaucoup plus fort et direct entre la Liberté et la “Loi” ( “juridico-politique” dans le contrat social rousseauiste, “loi morale” dans le cas de la critique de la “raison pratique” kantienne ) : c’est la forme universelle suivant laquelle la “loi” se rapporte à la “liberté” de la personne et non le contenu particulier de telle ou telle loi ou règle qui caractérise l’aspect “moral” chez Kant.
Ou chez Rousseau, la forme de la participation de chaque personne à la constitution même de la loi politique ( pouvoir législateur  démocratique) qui le transforme de simple “sujet” soumis à la loi en “citoyen” co-législateur de la loi.

Mais ni chez Rousseau, ni chez Kant nous ne trouvons d’identification de la “Loi” elle-même avec la Liberté elle-même, comme si le principe d’ “égalité devant la loi” empêchait une telle “Égale Liberté” d’être “librement voulue” par les personnes, donc par certaines personnes, mais pas nécessairement par toutes.
On trouve donc une “rigorisation” parallèle de la loi morale chez Kant, et de la loi démocratique et républicaine du contrat social rousseauiste :
L’idée que la liberté de tous ( qui est la nouvelle définition de la “loi” ) ne peut provenir que d’une restriction drastique de la liberté individuelle de chaque personne …
Il en est ainsi de la façon dont Kant pense devoir appliquer son principe d’universalisation dans l’ “impératif catégorique”, et de la façon dont Rousseau pense que c’est seulement l’abandon entier par chaque citoyen de sa “liberté naturelle” au profit du collectif “souverain” qui permet la garantie de la “liberté civile” égale qu’il en reçoit en retour.

3. Le relativisme moral.
Depuis longtemps aussi, existent toutes sortes de contestations critiques de l’existence ou de la valeur universalisable d’une quelconque “loi morale”.
Ces critiques consistent à relativiser les lois morales existantes : les lois concrètes qui prétendent obtenir l’obéissance de leurs “sujets” sont variables, dépendent des cultures, des circonstances, des forces et des intérêts en présence, ou même d’un pur hasard.
Une telle critique de la notion même de “moralité” et de “loi morale” est par exemple déjà celle des “sophistes”, ou de multiples morales particulières qui considèrent les autres morales comme “relatives”.
On a aussi de nombreuses analyses qui ne voient dans les “lois” et normes de toutes sortes ( politique, juridiques, morales, religieuses )  qu’une inscription forcée ou physiquement déterminée de divers rapports de forces présents dans le réel, et donc que la notion même de “morale” n’a pas de sens parce que la notion de “liberté” n’en aurait pas non plus.
Remarquons cependant que ce type de critique met quand même aussi en relation, même si c’est pour s’opposer aux deux, la notion de “morale” et la notion de “liberté”.

Bien sûr aussi, dans ce cadre critique relativiste des supposés “fondements de la morale”, on peut reprendre toute l’ évolution de la pensée des “maîtres du soupçon” ( dont la triade Marx, Nietzsche, Freud  a souvent été mise en exergue symbolique ) , l’ essor des “sciences humaines” au XXème siècle, et en particulier dans les aspects philosophico-politiques de ce qu’on a appelé le “structuralisme” dans les années 1960, ou plus récemment tout ce qui a pu être produit sous le vocable de “post-modernité“.

4. Ceux qui voudront replacer la proposition de “Loi Morale Nouvelle” comme proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité”, dans une telle “histoire des idées”, comme une résultante de mécanismes évolutifs de la pensée humaine qui ont donné localement cette “variante” de “proposition morale”, peuvent bien sûr forger toutes les hypothèses de leur choix à ce sujet, et ne pas du tout s’intéresser à ce que je peux moi-même dire subjectivement des “raisons” d’une telle initiative.

Cependant, ceux qui voudraient suivre une analyse proprement philosophique de telles raisons, peuvent chercher du côté d’une radicalisation du rapport entre l’ idée de Liberté comme directement  et Librement … constitutive de la Loi Morale , en tant qu’elle se pose elle-même comme universalisable  à la condition de cette Liberté même : universalisable par et pour toute “personne” qui veut l’établir et qui se définit alors aussi comme Égale à toute autre Liberté qui pose cette même finalité commune.

Le verrou “rigoriste” de l’universalisation kantienne des “maximes” saute donc parce que le seul critère d’universalisation devient donc celui de la Liberté elle-même en tant qu’elle peut être universellement partagée … par toutes les personnes qui veulent librement la partager … en toute Égalité  … entre elles.

Car toute autre personne, qui pourrait partager cette “Égale Liberté”, mais tout simplement ne le VEUT PAS, est en effet “libre de ne pas le vouloir”, mais se coupe par là même de la possibilité de recourir à la justification et à la protection spécifique  de cette “Loi Morale Nouvelle” dont toute l’ “obligation” ne peut, par la définition donnée de cette Loi, provenir que de la Liberté elle-même que chaque personne se propose de partager avec les autres, et non d’une “nature humaine”, ni d’une “constitution transcendantale”, ni d’une “anthropologie originaire”, ni d’ aucun “Grand Autre” qui imposerait sa marque de l’extérieur des personnes libres elles-mêmes ( par exemple l’ “Autre” de Lévinas )

Le “devoir moral” ne résulte donc pas de la “Loi Morale Nouvelle” comme telle, mais uniquement de la libre volonté de certaines  personnes de poser cette Loi Morale Nouvelle comme leur volonté commune.
La “définition” de cette Loi Morale Nouvelle est posable par n’importe qui veut la poser ( comme toute “définition” d’un langage formel ou d’une création langagière artistique … ).
Mais son effet proprement “obligeant” ne peut provenir que de la personne elle-même qui choisit librement d’adopter ou de recréer cette “même définition“comme idée régulatrice de sa propre liberté.

Ce n’est donc pas un “impératif catégorique” au sens d’une morale kantienne “transcendantale” ( constitutive de l’ “humanité de l’homme” ), mais un “impératif conditionnel”, qui ne vaut que par et pour ceux qui en choisissent librement la valeur.

Pour tous les “autres”, la situation actuelle reste inchangée, les mêmes problèmes et les mêmes “solutions” philosophiques, éthiques,politiques, esthétiques, culturelles … leur restent disponibles, et donc toutes les difficultés dans lesquelles ils se débattent s’ils veulent sortir du “relativisme individualiste généralisé” où seule la “loi du plus fort”, individuelle ou collective – communautaire – ou mondialisée joue la suite des mécanismes de l’ “évolution” darwinienne généralisée ( pas seulement “biologique”, mais culturelle, politique, etc. ) …  où tous ces “mèmes” culturels et leurs innombrables variantes recombinées trouvent ou ne trouvent pas les ressources de cerveaux et de processus économiques disponibles pour se reproduire …

Quant à VOUS donc, c’est VOUS qui voyez.

 

“Libre Égalité” et “Loi Morale Nouvelle”

La “Loi Morale Nouvelle” dont nous parlons ici se définit elle-même dans le résumé de sa formulation comme ” Égale Liberté Libre Égalité“.

Ceci signifie :

  1.   Comme “Égale Liberté“, ELLE se veut comme un cadre de légitimité morale possible, autrement dit une forme d’ “Égalité devant cette Loi”, qui demande à chaque personne concernée de respecter la Liberté des autres personnes comme elle veut que la sienne soit respectée par les autres.
    En cela la proposition est très proche en apparence de nombreux autres essais de formulation d’une “Loi Morale” à prétention  “universalisable” et bien sûr de la plus connue d’entre elles, la “Loi Morale” kantienne et son “impératif catégorique“.
    Si notre proposition se limitait à une “nouvelle” formulation de cette très ancienne et bien connue tentative  de définir une “Loi Morale universelle”, je n’aurais pas parlé de “Loi Morale Nouvelle“, mais simplement de “nouvelle formulation” de la “Loi Morale”, en présupposant, après beaucoup d’autres, qu’il y aurait une sorte de “fond commun” humaniste implicite entre toutes les “morales” particulières, d’origines religieuses ou laïques “anthropologiques”, etc… et j’aurais encore une fois essayé, vainement en effet, de dire une “nouvelle” fois, à ma manière, ce que d’autres philosophes se sont déjà de nombreuses fois essayés à formuler, et notamment le plus caractéristique d’entre eux à ce sujet, à savoir Kant.
  2.  OR, une remarque toute simple à ce sujet, que peut faire n’importe quel lecteur de ces philosophes ou de tout autre penseur moraliste, ou de textes traditionnels divers concernant la ou les morales et leur plus ou moins grande universalité possible ou leur relativisme culturel ou individuel, c’est que toutes ces propositions philosophiques de “Loi Morale” à prétention “universelle”, sont en fait toujours très fortement marquées par la personnalité philosophique de leur auteur et / ou par des “considérations morales” propres à leur contexte culturel, social, historique, etc.;
    Plutôt que de parler de “Loi Morale”, même s’il existe apparemment une problématique commune, il vaudrait mieux parler à chaque fois de “la loi morale de Kant“, “la loi morale chez Aristote“, “la loi morale chez Épicure“, etc. En remarquant bien combien cette prétention universalisante est toujours celle d’une liberté de pensée personnelle particulière, qui énonce “sa propre morale”, ou encore ne fait que répéter explicitement une référence dogmatique religieuse ou philosophique antérieure ou existante ou socialement et juridiquement déjà admise.
    Mais cette remarque n’est pas “nouvelle” non plus !
    Le soupçon philosophique,  esthétique ou politique concernant ces prétentions à l’ “universalité” d’une “Loi Morale” est depuis longtemps aussi à l’oeuvre : Marx, Nietzsche, Freud, les sciences humaines, et tout ce qu’on peut trouver dans la littérature comme formes de “relativisme moral” , de “déconstruction”, de “post-modernité”, ou toute critique qu’on voudra d’une telle prétention “universalisante”.
    En un certain sens, je souscris évidemment aussi à ce questionnement critique et donc à une forme de “relativisme moral”.
  3.  Mais précisément, malgré toutes leurs différences critiques, les auteurs, à la fois de multiples nouvelles formulations d’une supposée “Loi Morale” universelle introuvable, ou au contraire d’une réfutation relativiste systématique de toute tentative de définir une quelconque “Loi Morale”, s’entendent en fait la plupart du temps pour pratiquer leur propre “liberté d’esprit” ou “liberté de pensée” personnelle à ce sujet, et acceptent d’en débattre avec d’autres, sans s’entre-tuer …
    Certains de ces auteurs  ont d’ailleurs pensé y trouver un moyen détourné de refonder sur ce simple constat “pragmatique” ou “performatif” du dialogue entre pensées divergentes, un “fondement” méthodologique d’une forme morale “universalisable” qui n’arrivait plus à se fonder autrement d’un point de vue “théorique”.
    ( Voir par exemple Marcel Conche, ou encore Habermas, etc. ).
    Ou encore la question du “débat démocratique” qui serait une forme de moralité politique en acte …
    Récemment, le débat avec la critique venue d’une une certaine “ultra-gauche” ( “décoloniaux”, “féminisme intersectionnel”, etc. ) contre l’ universalisme, a relancé la problématique théorique à ce sujet :
    Ainsi Francis Wolff en fait une analyse précise dans son ouvrage de 2019 : “Plaidoyer pour l’universel” ( Ed. Fayard ), et prétend retrouver après d’autres, un “propre de l’homme”, dans la faculté de dialoguer …
  4.  En conséquence de cette reconnaissance “post-moderne” d’un pluralisme et d’un relativisme des valeurs, je propose donc que toute nouvelle tentative de définir une “Loi Morale” quelconque comme “Égale Liberté” ainsi instituée par cette “Loi de Liberté”, soit explicitement accompagnée dans sa formulation, de l’indication qu’une telle “Loi” ne peut ELLE-MEME être légitimement auto-posée que sous l’expresse condition de la libre adhésion des personnes qui y souscrivent.
    La “circularité” entre la liberté personnelle “naturelle-culturelle” qui choisit d’entrer dans le contrat social de cette”Loi Morale Nouvelle” et le type d’ “obligation morale” qui résulte en retour d’une telle adhésion est donc explicitement reconnue et formulée dans l’ expression même “Égale Liberté Libre Égalité“:
    Toute formulation de l’institution d’une  “Égale Liberté” comme “Loi Morale Nouvelle” reconnaît explicitement en même temps sa relativité pleine et entière au libre choix personnel de la personne qui s’y engage( donc sa “Libre Égalité”).

    Il n’ y a donc dans ce cadre aucun “renoncement” rousseauiste où la personne individuelle abandonnerait sa “liberté naturelle” pour se soumettre entièrement à la “volonté générale” ( désormais”politique” collective ) qui serait seule capable de garantir à chaque “contractant” sa nouvelle “liberté civile” égalitaire. Ce n’est donc pas une “volonté générale” distincte de chaque volonté particulière qui est chargée de la “régulation” de l’ “Égale Liberté” nouvelle, mais bien chaque personne elle-même, pour autant qu’elle VEUT que d’autres personnes puissent bénéficier de la même “Égale Liberté” dont elle voudrait se garantir elle-même  l’usage légitime, et se charge donc librement elle-même d’une telle participation à sa mesure dans ce Projet Idéal Commun.

    Libre à toutes les autres personnes de continuer à se débrouiller avec leurs “appartenances” collectives …. plus ou moins librement choisies … et avec les “citoyennetés”  libres et égales que leurs communautés ou leurs collectifs ( États, Nations, peuples, etc. ) de “volonté générale” sont censés leur garantir, en échange de leur “obéissance à la loi commune”.

    Libre à chaque personne aussi de choisir de n’entrer dans ce nouveau contrat de “Loi Morale Nouvelle” qu’à son propre rythme et suivant sa propre “liberté naturelle” maîtrisée, si elle respecte alors en conséquence l’ “Égale Liberté” des autres de faire comme elle, c’est à dire de “mesurer” de la même façon  la progressivité de leur adhésion formelle théorique et / ou de leur adhésion concrète réelle pratique à une telle “Loi Morale Nouvelle” définie par la “maxime” d’ Égale Liberté Libre Égalité”.

Égale Liberté Libre Égalité, complémentarité et réciprocité

ÉGALE LIBERTÉ :
La Liberté, OUI, mais ÉGALEMENT  acceptée et reconnue par chaque personne à chaque autre personne qui choisit d’entrer dans ce même contrat.

LIBRE ÉGALITÉ :
L’ Égalité, OUI, mais LIBREMENT reconnue et acceptée par chaque personne participant à ce même contrat.

Ces deux “OUI”,
consciemment énoncés par ces “personnes morales libres et égales“,
non seulement ne sont pas contradictoires, comme le pensent certains,
mais se complètent et se renforcent l’un l’autre :
Les “personnes morales libres et égales” sont à la fois :
D’autant plus égales qu’elles sont chacune plus libre et libres donc notamment de choisir leur égalité.
D’autant plus libres qu’elles sont plus égales entre elles et peuvent donc se reconnaître mutuellement une telle Égale Liberté et qu’elles n’ont plus alors à craindre que la Liberté d’une de ces personnes veuille dominer la Liberté d’une autre, puisqu’elles ont alors, par définition même de leur “contrat moral”, librement choisi de ne plus chercher une telle domination.

Mais pour autant ces “personnes morales libres et égales” ne renoncent pas définitivement à leur “liberté naturelle” en entrant dans le “contrat moral” de cette “Loi Morale Nouvelle”.
Elles gardent précisément chacune la responsabilité morale de réguler l’ articulation entre leurs “libertés naturelles” respectives, et les “libertés civiles” résultant des différents contrats partiels passés – formellement ou non – avec les autres “personnes morales libres et égales”.

Bien sûr, chacune de ces personnes peut aussi choisir d’entrer avec d’autres personnes ou de reconnaître des lois ou des règles communes associatives diverses et s’engager alors à les respecter pour autant qu’elle exige que les autres participants d’une telle association partielle particulière respectent également ces règles communes.

Il s’agit d’une façon générale de “communautés” de nature diverse, dont beaucoup sont déjà préalablement constituées par les circonstances de l’ histoire, et dans et par lesquelles les personnes ont été “éduquées” sans l’ avoir explicitement choisi.

Mais une “personne morale libre et égale“, au sens où nous l’ entendons ici, doit se poser la question de son propre choix, soit de continuer à “appartenir” et à participer aux cadres normatifs de ses “communautés d’appartenance” initiales, ou à certains d’ entre eux, ou plus ou moins, ou au contraire de s’ en “émanciper”, soit pour rejoindre librement d’autres formes associatives similaires, soit pour en créer de nouvelles avec d’autres personnes libres et égales.

L’originalité de la Proposition ou du Projet de l’ Égale Liberté Libre Égalité, est précisément de considérer que cette Égale Liberté des personnes n’est plus présupposée dans une quelconque “loi naturelle”, ni dans un “droit naturel”, ni dans une quelconque “nature humaine”, ni évidemment dans une “loi divine” ou “transcendantale”,  ni évidemment dans une “souveraineté” qui appartiendrait spontanément à des “États de droit” , à des “Nations” ou à des “Peuples” déjà  empiriquement constitués par l’ histoire.
Cette Égale Liberté des personnes est librement choisie et voulue par ces personnes elles-mêmes, à partir précisément de la Libre Égalité qu’elles se donnent en même temps, en toute “souveraineté de chaque personne sur elle-même“.
C’est l’ auto-fondation circulaire de ce droit moral nouveau par et pour les personnes qui s’y reconnaissent  qui est constitutif du cœur et de la maxime centrale de ce que nous pouvons par conséquent appeler “Loi Morale Nouvelle“.

Cette auto-fondation circulaire de la “Loi Morale Nouvelle” par et pour les “personnes libres et égales” qui s’en réclament est aussi différente de la proposition de la “délibération démocratique” telle qu’elle peut être développée par Jürgen Habermas ou encore d’autres façons, par Karl-Otto Apel, ou encore , au niveau du “fondement de la morale” de Marcel Conche, auteurs qui continuent de croire qu’ils peuvent prétendre que leur propre interprétation personnelle puisse prétendre à l'”universalité” en trouvant une voie et une voix argumentatives qui seraient “supérieures” à celles de leurs interlocuteurs.
Pourtant, sachant ce qu’ils savent de leurs différences d’approche, il suffirait qu’ils acceptent que les autres approches ne sont ni plus ni moins un simple “point de vue perspectif”, et qu’il n’ont plus qu’un intérêt purement anecdotique ( une sorte de “plaisir du jeu de rôles”), à confronter leurs idées distinctes, et que chacun accepte de reconnaître à l’autre une “Égale Liberté” d’ exprimer et de développer son propre point de vue dans sa propre sphère perspective, sans chercher à en faire un point de vue “dominant”.

Bref, ceux qui sont pour accorder librement à l’ “Égale Liberté” une valeur supérieure aux contenus distincts et “différents” que chacun peut créer en exerçant cette “MÊME LIBERTÉ”, peuvent alors accepter tout aussi librement une “Libre Égalité” qui énonce en effet la Liberté de chacun de ces points de vue personnels subjectifs de se distinguer des autres, tout en pouvant aussi librement choisir de changer de “point de vue”, sans renoncer , ni à la possibilité de revenir au précédent, ni surtout à la commune libre adhésion au principe d’ “Égale Liberté”, comme principe librement choisi en commun ou “règle du jeu des je” .

En effet, de la POSSIBILITÉ d’une telle coordination réflexive ( sur une base d’ argumentation critique “philosophique” ) entre les points de vue philosophiques différents , ne résulte pas un “devoir” universalisable à toute conscience possible de construire une telle coordination, mais seulement l‘ouverture d’un espace dans lequel les “personnes libres et égales” PEUVENT entrer, plus ou moins, suivant leurs propres choix, sachant en effet qu’au “centre” de cet espace, elles “doivent” ( par définition de la “règle du jeu des je” axiomatique qui définit un tel “barycentre de l’égale valeur des positions “philosophiques” ” ) respecter le plus possible le principe de leur “Égale Liberté”.
Autrement dit, en employant le vocabulaire rawlsien : l’entrée dans la “position originaire” , de “personnes libres et égales”, est elle-même circulairement dépendante de leur libre décision personnelle d’Y entrer , et n’a plus aucune autre “autorité” ( “originaire” ou “transcendantale” ou “collectivement immanente”, etc. ) que cette libre décision personnelle d’Y participer .

C’est donc bien “VOUS qui voYez” …

Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

L’ expression “Égale Liberté” a déjà une longue histoire qui se confond presque avec l’ histoire de la philosophie “moderne” ou encore de l’ “Esprit des Lumières”.

En voici une formulation célèbre en termes de définition du “droit”  :

Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord à la liberté de tous en tant que celle-ci est possible selon une loi universelle.”      Kant, Théorie et pratique Dans la Critique de la Raison Pure
( trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, 1944, p. 264 ) :

Une constitution ayant pour but la plus grande liberté fondée sur des lois qui permettraient à la liberté de chacun de subsister en même temps que la liberté de tous les autres (je ne parle pas du plus grand bonheur possible, car il en découlerait de lui-même), c’est là au moins une idée nécessaire qui doit servir de base non seulement aux grandes lignes d’une constitution civile, mais encore à toutes les lois, et où il faut faire abstraction, dès le début, des obstacles actuels, lesquels résultent peut-être moins inévitablement de la nature humaine que du  mépris que l’on a fait des vraies idées en matière de législation

En un certain sens , du point de vue de l’ énoncé de l’idéal théorique “formel”, tout de ce que “NouS” proposons sous l’ expression “Égale Liberté” y est déjà dit et en quelque sorte inclus, et tout objecteur à notre proposition peut ainsi à la fois prétendre récuser une certaine “originalité” ou “nouveauté” de notre proposition dans laquelle “NouS” ne ferions que répéter inutilement ce que d’autres penseurs ont depuis longtemps déjà proposé, et NouS objecter précisément toutes les mêmes objections qui ont été faites depuis longtemps à cet énoncé d’un principe d’ “Égale Liberté”.

Cependant, qu’il s’agisse de Rousseau, de Kant, des penseurs de la Révolution française ou américaine, ou plus récemment de philosophes de la politique ou du droit comme John Rawls, etc. il s’agissait toujours pour eux de prétendre qu’une telle proposition faisait partie du fondement d’un “Droit Naturel”, quelles que soient par ailleurs les ambiguïtés de la référence à une “nature humaine” ou à une “nature” en général.
Comme si la “justification” d’une telle proposition devait nécessairement se trouver dans un “fondement” extérieur à la liberté même dont cette proposition proclame la valeur.

Certes, des auteurs comme Rawls ( ou Habermas, ou ceux qui proposent en général une “éthique de la discussion”, ou comme Francis Wolff un “principe de réciprocité” dérivé d’une “raison dialogique humaine” ) ont bien vu qu’on ne pouvait pas se contenter d’un simple appel à une “nature” toujours suspecte de revenir à un fondement “ontologique” plus ou moins “divin”, même si on emploie des termes alternatifs alambiqués comme “transcendantal” ou “originaire” pour prétendre énoncer une “valeur rationnelle  objective” constituante de l’ “humanité”,  de l’ éthique et du droit, mais qui ne soit pas elle-même “constituée” par les hommes réels, par leur évolution bio-psycho-sociologique et par l’ histoire de leurs relations.
Chez Rawls on voit ainsi ( à travers la fiction du “voile d’ignorance” ) un essai de formuler les “premiers principes de justice” en prétendant les tirer d’une simple “procédure” que l’on suppose cependant à valeur “universelle” … ( du moins pour les “démocraties occidentales” ).

Mais toute “procédure” ne VAUT que pour ceux qui font le libre choix de l’utiliser pour réguler leurs interactions à partir de cette “valeur commune” ou de cette “procédure” commune.
Si l’intérêt de toute démarche d’explicitation procédurale est en en effet de pouvoir constituer une base de représentation “explicative” ou même “compréhensive” commune à des interlocuteurs qui ne partagent pas a priori les mêmes convictions, opinions ou représentations, elle est insuffisante pour conférer de la “valeur” aux conclusions tirées de cette démarche procédurale si la “valeur” de la procédure n’est pas elle-même reconnue. Car il faut déjà que les interlocuteurs se soient eux-mêmes suffisamment mutuellement reconnus comme libres participants à la “règle du jeu” “dialogique” proposée par l’un d’entre eux …
Sinon on en revient, même implicitement, à une méta-règle du jeu “transcendante”.

Si notre propre proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité” se limitait en effet à son premier membre ( “Égale Liberté” ) , NouS aurions en gros les mêmes problèmes et difficultés à répondre aux objections historiques des contradicteurs ou des opposants au principe d’ “Égale Liberté”.

Mais précisément, NouS déclarons que notre propre version de cette proposition d’ “Égale Liberté” ne se prétend plus, ni  “fondée en nature”, ni reposer sur une “raison” a priori universelle , ni sur une quelconque “structure anthropologique” et encore moins sur une quelconque “constitution transcendantale” ou “originaire” qui échapperait à la volonté humaine tout en la “constituant”. 
Nous reconnaissons donc la légitimité des objections “positivistes” ou “historicistes” , “relativistes” ou encore “matérialistes” ou “empiristes”, qui visent à relativiser toute cette prétention à l’ universalité du fondement du droit ou d’une “éthique universelle”.
Ou encore celles qui ont été énoncées depuis longtemps par les “maîtres du soupçon” ( Dont la triade Marx, Nietzsche, Freud et leurs multiples descendances hybrides ), ou par les dénonciations “post-modernes” du “sujet” ou de l’ Homme”, structuralistes ou post-structuralistes.

Cependant une telle “relativisation” liée à une analyse empirique factuelle des phénomènes évolutifs humains, culturels, politiques, économiques, sociaux,  ou encore plus radicalement, à la simple créativité esthétique ou artistique personnelle, n’ “oblige” précisément personne non plus à renoncer à un tel IDÉAL d’ “Égale Liberté”,  sous prétexte qu’il ne serait pas inscrit dans un marbre “transcendantal” d’une table de la loi “universelle et nécessaire”, ou dans une “loi naturelle”, ou qu’il ne serait pas implicitement “reconnaissable” dans quelques régularités culturelles ou sociales empiriquement et statistiquement déjà constatables dont un tel Idéal ne ferait que représenter l’ “idéal-type” caricatural et simplificateur.
( Ce qui est la thèse de différentes formes de scientismes ou de positivismes pour lesquels le “droit” n’est jamais qu’une consolidation postérieure artificielle  de comportements et d’évolution de ces comportements déjà existants dans le réel et obéissant par conséquent intégralement  à toutes sortes d’autres causalités que celles qui résulteraient d’une rétroaction d’une telle formulation idéale du droit sur la réalité elle-même ).

D’où peut alors venir un tel “fondement” de ce qui est proposé ici sous l’ expression “Égale Liberté“, PAR QUI et POUR QUI, sinon des personnes elles-mêmes qui, EN TOUTE LIBERTÉ PERSONNELLE précisément, font le choix éminemment personnel d’en faire pour ELLES-MEMES, leur propre IDEAL commun. LIBRE CHOIX dont NouS proposons l’institution, sous le nom de “Libre Égalité“, en même temps ( dans la même formulation et proposition “constitutionnelle” ), que celle de l’ “Égale Liberté“.

C’est donc leur liberté même, auto-posée comme valeur, qui “justifie” et “fonde en droit”, la valeur de cette liberté pour les personnes concernées, c’est à dire qui se sentent ou se veulent concernées par une telle proposition, probablement parce qu’elles l’ont déjà plus ou moins implicitement formulée pour et par elles-mêmes, sans attendre qu’une autre personne la formule à leur place.
Il suffit alors de s’apercevoir qu’une telle libre auto-fondation de la valeur de sa propre liberté personnelle, toute autre personne capable d’ en comprendre le principe ( VOUS par exemple ), PEUT aussi Y adhérer et accepter que d’autres personnes qu’elle-même en partagent à la fois les droits et les devoirs éventuels, en toute “Égale Liberté“.
Ce n’est plus alors une quelconque “transcendance” ni structure a priori du fondement du droit ou de la morale qui obligerait un “sujet” à Y adhérer, ni bien sûr non plus une quelconque entité collective empirique existante ( État, Nation, Peuple, Communauté, Société, Humanité … ) considéré comme “préalable” ou empiriquement constitutive de la “subjectivité” de ses membres.  C’est purement et simplement, un acte libre de la personne elle-même qui instaure et institue la VALEUR de sa propre liberté à ses propres yeux.

Décision qui en conséquence lui pose la question OUVERTE, non seulement de sa propre liberté actuelle, présente, hic et nunc, mais de toute liberté future possible ouverte en droit à partir d’une telle décision, et de sa reconnaissance dans les mêmes termes, de l’ Égale Liberté de toute autre personne dans l’ univers qui prend ou prendra un jour, pour et par elle-même une telle décision.
La libre décision personnelle de considérer toute autre personne faisant un tel choix comme rigoureusement ÉGALE “en dignité et en droits”  pour autant que celle-ci, prend elle aussi, cette “même” libre décision.

S’agissant des “Droits Humains” , il s’agit alors d’une nouvelle extension de ces droits et libertés et donc des “devoirs” qui en découlent pour leur réalisation “effective”, mais non plus fondés sur un “droit naturel” supposé “valoir” pour tous les êtres humains et obliger tous ces êtres humains à partir d’une “constitution” ou un “contrat originaire” qui échapperait à leur propre libre volonté personnelle, ni d’un “droit positif” supposant la “légitimité” préalable de la “souveraineté” instituée par le jeu des “forces” sociales, politiques, historiques, culturelles, etc.
( Nations, peuples, communautés d’origine éthniques, linguistiques ou religieuses, etc. )

Il s’agit du fondement d’un nouveau type de DROIT  DES PERSONNES qui ne vaudra que PAR et POUR les “personnes souveraines” qui  instituent collectivement entre elles la valeur autonome de leur “Égale Liberté et Libre Égalité“.

Tout “être humain” ( et plus largement tout être conscient de l’ univers capable de comprendre ce qui est en jeu …) est bien sûr “invité” à rejoindre ce nouveau statut de “personne souveraine, libre et égale” , mais il ne peut, PAR DÉFINITION, ni y être contraint par la force, ni même “obligé” par un supposé “contrat humain ou anthropologique originaire”, ni par une “dignité inhérente à l’ espèce humaine” mais qui ne serait pas elle-même définie et décidée par ces mêmes êtres humains ( ou en général êtres personnels conscients et capables de volonté.individuée )

Ce n’est qu’une libre décision de sa part, et donc la reconnaissance de l’ Égale Liberté des autres qui l’ accompagne, qui peut l’ engager lui-même dans cette voie.

Quant à VOUS, c’est vous qui voyez …

REMARQUES ET COMMENTAIRES


On peut trouver des éléments d’analyse historique du principe d’ “Egale Liberté” dans ce texte en ligne de Alain Laurent :
 http://www.catallaxia.org/wiki/Emmanuel_Kant:Les_justes_droits_d’%C3%A9gale_libert%C3%A9

Extrait :

” Lorsqu’il a invoqué cette norme dans la Théorie de la justice, Rawls n’a fait que reprendra son compte un principe énoncé depuis deux siècles déjà par Jefferson et Kant, qui, au beau milieu de… la Critique de la raison pure, présente comme une « idée nécessaire » celle d’une « constitution ayant pour but la plus grande liberté humaine fondée sur des lois qui permettent à la liberté de chacun de pouvoir subsister en accord avec celle des autres ». La formulation définitive en est revenu à Spencer dans les Social Statics puis les Principles of Ethics : « Chaque homme est libre de faire ce qu’il veut pourvu qu’il n’atteigne pas l’égale liberté de tout autre homme ». Ce que Popper a repris sous une forme négative : « la liberté de chaque individu ne doit pas être restreinte au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un égal degré de liberté pour tous » (La société ouverte et ses ennemis, II). “

On peut trouver en ligne de nombreuses références à l ‘ Idée centrale dont il est question, notamment formulée par Kant :

Voir par exemple ici : La philosophie du Droit de Kant  de Simone Goyard Fabre


( Sous – remarque :
Cette liberté pragmatiquement en acte ( pensée langage  outil ) rétroagit sur l’ “objet concept” qu’elle “construit” sous ce mot “liberté” et réciproquement :
c’est donc de cette spirale récursive auto-référente qu’il est ou qu’il devrait toujours déjà être question : encore faut-il attendre que l’ évolution des capacités technico-scientifiques en démultiplie les implications libres potentielles. ( par exemple par la modélisation informatique )
Il ne s’agit bien sûr pas d’oublier les “déterminismes culturels et sociaux” ou les contraintes proprement “formelles” ou linguistiques ou “structurales” qui peuvent infléchir de façon complexe les dynamiques personnelles, interpersonnelles et collectives des interactions entre ces nombreuses “libertés de penser” individuelles.
Mais dès qu’on s’aperçoit de la dimension proprement “récursive” donc en un sens “auto-référentielle” et par exemple “auto-éco-géno-phéno-ré-organisante” ( comme dirait Edgar Morin …) de la “liberté se posant elle-même”, nous ne pouvons plus nous laisser impressionner par le simplisme de supposés “déterminismes” univoques ou linéaires qui interdiraient de donner un sens quelconque au mot “liberté. Si on se place du point de vue d’une analyse “causale” naturaliste ou physicaliste alors il faut au moins se reporter à des modélisations en termes de “systèmes complexes”, car ce que nous appelons “liberté” ne se “réfère” qu’à des dynamiques organisationnelles “émergentes”  supposant une “complexité” suffisante des interactions, notamment cérébrales, pour former une “prise de conscience psychologique”. )

2. Mais la plupart de ces penseurs de l’ “Égale Liberté” ont proposé cependant que cette “même idée” soit un “principe universel”, voire même que leur propre formulation personnelle prétende à une telle “universalité” ( C’est notamment le cas de Kant … ).
La problématique d’une telle universalité elle-même problématique est bien sûr à relier au concept même de “liberté” : un même MOT ( ou éventuellement quelques uns comme en anglais “liberty” et “freedom” ), peut être “librement” pensé avec une certaine variabilité de son contenu liée notamment à l’ exploration personnelle LIBRE de cet espace sémantique et de ses implications linguistiques, culturelles, poétiques  ou “pragmatiques”.
Comment se fait-il que ces penseurs n’ aient pas remarqué que la notion même de “liberté de penser” était réapplicable “récursivement” à l’ expression “liberté de penser” ? Et donc que chacun est précisément “libre de penser” ce que signifie “être libre de penser” … tout en étant en effet en train de “tourner” ou de “graviter” autour d’une “même idée”. Et que c’est donc cette liberté de penser elle-même qui d’une certaine façon limite l’ unicité et l’univocité radicales de l’idée de “liberté”.
L’ idée de “liberté” est donc par excellence à la fois “une” ( comme le signale l’usage d’un mot ou de quelques mots dénotant cette “idée” ) et plurielle, à cause du contenu sémantique même de cette idée : “La liberté” se décline LIBREMENT en de multiples “libertés” et de significations possibles de ces “libertés” … pour chaque personne librement pensante et volontairement agissante.

Remarque :
Kant lui-même était bien placé pour savoir que la “critique de la Raison” ne pouvait être menée que par la Raison “elle-même, donc dans une “boucle” autoréférentielle. Évidemment, pour cela il faut renoncer à l’universalité a priori, sauf si on DÉCIDE LIBREMENT de définir désormais un tel “a priori” comme caractérisé par cette “autoréférence même”, qui n’ a donc plus rien de “transcendantal”, mais est – par sa propre autodéfinition autoréférente – totalement “immanente” à elle-même, c’est à dire au “sujet” personnel lui-même qui s’y pose en effet lui-même “comme tel”, comme “sujet libre”.
( On est alors plus proche de l’ “esprit absolu” hégélien , où tout “dehors” supposé nécessite au moins que cette “extériorité” soit pensée … de l’ “intérieur” de l’ esprit … ou devienne une “pensée vide” ).

3. Concernant l’ idée d’ “Égale Liberté”, l’usage de l’ adjectif “égal”  est bien sûr problématique aussi : il est évident qu’on ne peut pas comparer les “libertés” comme on compare des “grandeurs” numériquement mesurables ou ordonnées.
La plupart du temps où l’on pense, imagine ou perçoit la liberté d’une personne comme “supérieure” ou “inférieure” à celle d’une autre ou encore pour une même personne comme supérieure ou inférieure suivant les moments et les circonstances, ce sont précisément certaines “conditions” empiriques d’ exercice de la liberté qui sont considérées comme différentes ou “comparables” sur différentes échelles d’évaluation.
Si on parle d’ autre chose ( de la “liberté en soi” indépendamment des conditions empiriques d’exercice de cette liberté), il s’agit alors d’une valeur que l’on pose et qu’on “attribue” , et cette position dépend donc de la décision de la personne qui pose cette valeur et choisit cette forme d’ évaluation.
Rien ne m’ empêche de “décréter” la valeur intrinsèque et auto-référente de ma liberté … sauf éventuellement ma liberté elle-même qui alors s’affirmerait tout autant … :
Si je me décrète “libre” de décréter la valeur intrinsèque de ma liberté, je CRÉE ce cercle auto-référent, non pas certes de l’ ensemble des conditions empiriques  d’ exercice de cette liberté ( qui ne dépendent qu’indirectement de ma volonté  consciente ), mais le cercle auto-référent de sa “valeur morale” pour moi, puisque je décrète en même temps, que toute autre “valeur morale” supposée n’ en aura pour moi qu’ à l’expresse condition de ma propre liberté de jugement à cet égard.

Évidemment, il n’ en résulte nullement ( contrairement à l’ “universalisme a priori” de type kantien ) que “tout être humain” DOIVE en faire de même, et DOIVE de la même façon que moi, “décréter” la valeur auto-référente de sa propre liberté, au nom d’un “impératif catégorique” transcendantal :
l’ inconditionnalité de sa liberté signifie précisément qu’il PEUT le faire, comme moi j’ ai décidé de le faire, mais qu’il PEUT aussi le refuser, en participant ainsi à la “constitution” d’une autre conception éthique, juridique et politique que celle que je propose, mais à laquelle je ne me sentirai aucune obligation ni éthique, ni juridique ni politique de “participer”, si ma propre capacité de décision libre ultime m’ est refusée.

Dès qu’on cherche à traduire l’ énoncé formel d’une liberté en termes de “conditions réelles” de l’ exercice de cette liberté, on peut être amené à comparer ces diverses conditions entre elles.

L’ exigence de l’ “Égale Liberté” ne se traduit pas ( sauf dans une version “égalitariste” simpliste et totalitaire ) par l’ “égalité numérique” des grandeurs physiques ou économiques associées, mais par des questions posées au sujet de leur ÉQUIVALENCE en termes de “liberté” individuelle et/ou collectivement choisie. Or cette “équivalence” effective  des conditions réelles d’une “Égale Liberté” est bien sûr fonction des personnes, des situations, etc.
Elle concerne donc d’abord l’ “Égale Liberté” au moins formelle, de chacune des personnes concernées, de participer à une telle “évaluation” collective, lorsque cette évaluation collective devient nécessaire à cause des conflits qui surgissent dans la réalité, même entre des personnes dont on supposerait qu’elles adhèrent librement au principe d’ “Égale Liberté” entre elles. Bref cela suppose le droit de chacune à participer “également” à la définition des “lois minimales” nécessaires à la sauvegarde et au progrès de leur commune “Égale Liberté”.
Il appartient donc essentiellement à chaque personne de  définir avec d’autres personnes dans quels cadres de “bien commun”, d’ “intérêt commun”, de “projet commun”, etc.  elle veut établir des normes communes d’égale protection réciproque de leurs libertés respectives.

Bien sûr une telle mutualisation volontaire choisie des conditions concrètes d’ exercice des libertés ne peut pas s’installer du jour au lendemain dans des sociétés réelles marquées depuis une longue histoire culturelle, économique, sociale et politique par la “tutelle” exercée sur ses membres par une ou des collectivités complexes d’ “appartenances” multiformes et imbriquées.

Il appartient donc désormais à chaque personne de se poser dès aujourd’hui la problématique de ses “appartenances” ou “identités” collectives complexes, d’en analyser les causes et les effets, et de savoir qu’elle aura de plus en plus à décider par elle-même du type de lien culturel, social, économique, politique, etc. qu’elle voudra tisser avec d’autres personnes.
(
On peut aussi voir à ce sujet certaines approches “multiculturelles”, ou certains essais concernant la “créolisation”, ou du “faire rhizome” à la manière d’ Edouard Glissant, mais de nouveaux totalitarismes guettent rapidement ceux qui veulent que le “tout-monde” se fasse … à leur façon … )

4. Très rapidement, à partir d’une certaine idée d'”universalisation” possible de l’ idéal d’ “Égale Liberté”, se pose la question de savoir si, comment et par qui cet idéal sera ou devra être “partagé”.
D’autant plus que, comme nous venons de le voir, il n’y a pas pour “NouS”, de “vérité universelle” en cette matière normative, et que des points de vue particuliers différents de philosophie morale, politique ou économique sont défendables par les uns et les autres ( du genre “utilitarisme”, “droits naturels”, “libéralisme”, etc. )

– On connaît ici la “réponse” de certains, notamment de Rousseau, qui y répond en prétendant que la seule “solution” est de “contraindre chaque citoyen à être libre” ….
J’ ai déjà exposé plusieurs fois sur ce site en quoi précisément JE rejette radicalement cette idée que l’ “Égale Liberté” dont il est question puisse être imposée à tous par la contrainte : c’est très exactement ce qui a conduit aux totalitarismes d’ “extrême gauche” qui ont illustré notamment le XXème siècle.
C’est très exactement une des raisons fondamentales pour lesquelles je propose, de façon immédiatement complémentaire au principe d’ “Égale Liberté”, celui réciproque de la “Libre Égalité” .

– Ce qui signifie que ceux ( les personnes ) qui veulent cependant à nouveau tenter une telle “constitution” prétendant “contraindre les citoyens à être libres” , ou qui invoquent une “souveraineté nationale” ( ou “communautaire” ethnico-religieuse ou autre collectif coercitif, même prétendu de “droit naturel”  ou à la manière d’un “tout-monde” écologique ) permettant à une “majorité” d’imposer sa dictature sur l’ ensemble des personnes résidant sur un territoire, PEUVENT évidemment le faire ENTRE EUX si ça leur convient ( ils ne ME demanderont d’ailleurs probablement pas MON avis …)  : c’est à EUX de penser si et à quelles conditions cela est réellement possible dans le monde actuel …

Simplement JE ne participerai pas à leur “constitution”, j’ essayerai de “survivre en marge” … en ayant le moins besoin de leur accord ou de leur soutien “communautaire”, en “constituant” ma propre référence “collective” désormais avec TOUTE personne librement en accord ( à partir de son propre choix personnel ) avec un Idéal commun d’ Égale Liberté et n’ayant donc plus besoin au niveau “symbolique” ou théorique d’une quelconque “contrainte” ou “obligation” ( sauf celle qu’elle se donne à elle-même dans ce libre choix assumé de l’ “Égale Liberté” ) pour établir avec moi-même et les autres personnes animées par la même libre décision personnelle, la motivation projective commune fondamentale ( à long terme ), au-delà ou “par-delà” les anciennes autres “appartenances” ou “identités” multiples actuelles ou “alternatives”. Cette motivation ou “sens” d’un projet commun possible ( que je propose de nommer provisoirement “Projet de l’ Égale Liberté Libre Égalité” pour  en indiquer suffisamment simplement l’ esquisse ) est potentiellement constituant d’un “NouS” dans lequel désormais je reconnais librement toute “personne souveraine libre et égale” comme co-citoyenne pour autant qu’elle me reconnaisse ainsi qu’à toute autre personne faisant cette même démarche la même égale co-citoyenneté.

5. Prolongement et différence avec l’ Idéal d’ “émancipation” des Lumières.

En un certain sens , certains verront dans ma proposition une simple reprise de l’ Idéal “moderne” des Lumières :

– certains pour dire que ma proposition n’est qu’une pâle copie des Idées philosophiques “originales” de cette époque, et qu’il vaut donc toujours mieux s’adresser aux sources mêmes de la philosophie des “Lumières” , relire les “philosophes” du XVIIIème siècle,  ou parcourir la longue “histoire des idées” qui ont conduit à ces “Lumières” de la “Raison”.
– d’autres pour en conclure immédiatement que les critiques adressées depuis longtemps et actuellement à la tradition des Lumières ( romantisme, Marx, Nietzsche, Freud, … les sciences humaines, le structuralisme … ou tout “anti-modernisme”, “post-modernisme”, “déconstructivisme” ou “critique de la critique” contemporains qu’on voudra convoquer à cette fin  ) valent par conséquent aussi pour “déconstruire” ou réfuter d’avance ma propre proposition.

Je ne renie évidemment pas une telle “parenté” avec l’ “Esprit des Lumières“, dont le choix de l’expression “Égale Liberté” est aussi significatif.
Mais, dans ma propre proposition on ne retrouve plus du tout ni de recours à un universalisme a priori de type kantien, ni à un quelconque “droit naturel”, ni à une “loi de l’Histoire et du Progrès”, ni même à l’ idée qu’un tel “projet d’ émancipation” devrait “nécessairement” valoir pour tous dans un “commun” coercitif.

– si je retiens l’ universalisme POTENTIEL ( ouverture du projet à toute personne capable d’en comprendre le contenu de proposition minimal  ),
l’ exigence simultanée explicite de la “Libre Égalité” signifie précisément que cette proposition, loin d’ être basée sur une sorte d’ impératif catégorique, transcendantal ou anthropologique ou sur un quelconque ordre de la “Raison humaine universelle”, est directement indexé sur la LIBRE DÉCISION PERSONNELLE d’y adhérer.

Et qu’ en particulier la nouvelle inflexion de sens proposée pour l’ expression “Égale Liberté” est désormais  marquée en retour par le sceau de cette “Libre Égalité” dont la dynamique justificative ne peut provenir que de la liberté individuelle et non d’un collectif historique, culturel ou social supposé “préalable” ( même pas celui de la “Tradition des Lumières”, et ceci d’autant plus que les “Lumières” consistent précisément toujours à questionner toute “Tradition” de façon “critique” …)

Et encore moins de la supposée “démocratie” de “peuples” ou de “corps politiques” qui seraient déjà considérés comme “constitués”. Car c’est de la constitution même de nouvelles formes de “corporéités” politiques, qu’il est ici question, à partir de la libre décision de chaque “personne”, considérée comme “souveraine sur elle-même” , de former de tels “nouveaux corps politiques” avec d’autres personnes explicitement reconnues comme aussi “libres et égales” qu’elle-même se reconnaît ainsi “en toute souveraineté”.