Une critique de “Technopolitique” d’ Asma Mhalla

Dans un article critique publié sur AOC, Dominique Bouillé procède à un démontage de la stratégie de communication d’Asma Mhalla dans son dernier ouvrage “Technopolitique” .

Dans Technopolitique, Asma Mhalla use et abuse de l’hyperbole, procédé rhétorique très puissant pour fasciner voire sidérer le lecteur, et surtout les médias, épatés par cet essai tellement « fracassant » qu’il abandonne le registre scientifique pour celui de la prophétie, de la vision inspirée ou de l’oracle menaçant.

Ces deux auteurs sont sans doute aussi, chacun dans sa situation, des maillons acteurs du réseau “technopolitique” dont ils parlent.

Cette rétroaction des “communicants” supposés experts de ces questions, sur la définition des objets qu’ils sont supposer analyser … fait précisément partie de la “complexité” des réseaux dont ils parlent.

Comment leurs intérêts personnels et professionnels respectifs, se combinent-ils aux “fonctionnements complexes” des entités collectives … et dynamiques fluctuantes dont ils essayent de comprendre et surtout de faire partager les problématiques aux “citoyens ordinaires” ?



Lenia et vie artificielle

Dans l’esprit général des “automates cellulaires”, de nombreuses variantes peuvent être imaginées et expérimentalement explorées .

De nombreux sites proposent une introduction à ce type d’expérimentation.

Par exemple : pour “Lenia” :
https://chakazul.github.io/Lenia/JavaScript/Lenia.html

Une première approche explicative pour les novices :
Sur la chaîne Youtube “Science Étonnante”,
La vidéo “Lenia, une nouvelle forme de vie mathématique”
Ce type d’explication vulgarisée est sans doute suffisant pour qui veut simplement comprendre comment une organisation complexe peut “émerger” d’un fonctionnement d’interactions locales très simples, et qu’il n’y a nul besoin d’une intervention mystérieuse externe pour “piloter” un tel comportement auto-organisateur.
Il est capital de comprendre que dans tout ce genre d’auto-organisation, le “programmeur” humain ( ou lui-même déjà algorithmique ), n’a aucun besoin d’avoir une idée précise d’avance du genre de complexité qu’il veut obtenir :
il ne fait que définir un “germe formel” , à la fois au niveau des “données initiales”, souvent aléatoires, qu’au niveau des “lois d’interaction locales” qui sont en général mathématiquement ou logiquement très simples, et ne sont elles-mêmes complexifiées qu’en “retour d’expérience”, en ayant constaté que certains types de lois logico-mathématiques sont plus susceptibles de provoquer l’ouverture d’un espace d’auto-organisation particulièrement intéressant ou spectaculaire, ou ressemblant avec des auto-organisations “naturelles” similaires ( par exemple ressemblant à des phénomènes biologiques connus )


L’ IAG à l’ Assemblée Nationale

A la commission des lois le 14 février 2024 :

Les défis de l’ intelligence artificielle générative en matière de protection des données personnelles et d’utilisation du contenu généré.

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14649160_65cc714e3134f.commission-des-lois–les-defis-de-l-intelligence-artificielle-generative-en-matiere-de-protection-d-14-fevrier-2024

Le “spiritualisme” de Raphaël Enthoven : toute une tradition qui refuse la notion matérialiste d’émergence : un refus a priori proprement idéologique.

Raphaël Enthoven, avec son dernier ouvrage “L’esprit artificiel”, se réfère explicitement à une tradition “spiritualiste” en philosophie, qui est en réalité une dénégation a priori de la possibilité de l’émergence de la conscience en général et de la conscience de soi humaine en particulier, à partir de l’organisation de la matière.
Texte de référence : Raphaël Enthoven : “L’esprit est cette étrange étoffe dont l’humanité est faite et que la machine ne synthétise pas
Entretien paru dans Philomag


Certes, dans l’état actuel de l’implémentation “artificielle” des procédures d’ apprentissage “intelligent” dans des algorithmes de “modèles de langage génératif” de type ChatGPT, le dispositif algorithmique est précisément pensé pour interdire une autonomisation des initiatives créatrices potentielles d’un tel algorithme. Mais les “spiritualistes” à la manière de Raphaël Enthoven, extrapolent de manière dogmatique ( en fait à partir de leur propre postulat “spiritualiste” ) de l’état actuel d’une technique à une impossibilité générale prétendue. Ils finissent alors par invoquer sous le nom d’ “esprit” précisément la simple décision dogmatique arbitraire qui est la leur ( et qui les leurre ) , de l’existence d’une substance indéfinissable , “étrange étoffe” , dont ils posent a priori qu’il est impossible qu’elle soit un résultat émergent d’une forme hautement organisée de la matière.
Il s’agit donc d’une simple croyance, qui pour n’être pas directement “religieuse” , n’en est pas moins métaphysique et précisément impossible ni à démontrer, ni à invalider d’un point de vue méthodologique scientifique.

D’ailleurs, d’une certaine façon, Raphaël Enthoven est parfaitement conscient de ce parti pris philosophique :
L’Esprit artificiel est né de la lecture abondante du livre de Jankélévitch sur Bergson (Henri Bergson, 1930). En fait, je souscris de tout coeur à la tradition du spiritualisme français : Pascal, Ravaisson, Bergson, Jankélévitch, Jerphagnon, Clément Rosset… au nom du sentiment que le caractère explicable des choses ne suffit pas à tout en dire. Que le monde soit sans mystère, que tout soit explicable, c’est une chose. Mais une telle omniscience n’épuise en rien l’énigme de sa présence.

Voilà la raison de son opposition de principe : “la tradition du spiritualisme français” à laquelle il “souscrit de tout cœur“, sans doute précisément de cette “raison du coeur que la raison ignore” …
Le problème de cette position philosophique n’est pas de considérer de façon critique que de très nombreux aspects du réel connu sont encore “énigmatiques” , mais qu’elles le sont par essence et le resteront toujours …
bref en réalité une décision prise que le réel DOIVE rester “énigmatique”, très exactement la même décision que celle de la foi religieuse, mais une décision qui en même temps ne veut pas ( et sans doute ne peut pas ) se considérer comme telle, à savoir l’exercice d’une liberté, et qui projette donc sur le réel du monde un sentiment vague d’impuissance du “fini” à comprendre un “infini” … que l’on prétend pourtant connaître “intuitivement” : très exactement avec la même prétention intimiste de la singularité d’une “expérience vécue” que celle d’un André Frossard prétendant que “Dieu existe, je l’ai rencontré

A titre personnel, et conformément à ma propre décision, dont je reconnais en revanche l’aspect précisément de liberté décisionnelle personnelle, aucun “sentiment intuitif” de ce genre ne peut prétendre se substituer à la démarche scientifique quand il s’agit de connaître le réel en tant que cette connaissance est “universalisable” .

Raphaël Enthoven, et avec lui tous les “spiritualistes” de sa “tradition”, ont bien sûr le droit de penser et de croire ce qu’ils veulent, et de penser qu’ils ont un accès direct “intuitif” à une “étrange étoffe” de l’ “esprit”.
Mais soit ils respectent l’ Égale Liberté de penser et/ou de croyance des autres qui n’ont aucun besoin d’essentialiser une telle “étrange étoffe“, et qui acceptent la relativité de la subjectivité individuelle et “culturelle” de ce genre d’ “intuition” esthétique, artistique ou poétique, et donc ne prétendent pas en faire une “vérité spiritualiste universelle”, soit ils prétendent à une forme de “scientificité” universalisable de leurs propositions et il faut alors, pour ce faire, qu’ils acceptent d’entrer dans une forme d’intelligence partageable dans une forme ou une autre de “grammaire formalisable” des langages scientifiques.

Généalogies iconiques

Ceux qui ont expérimenté un peu, en tant que simples utilisateurs, des outils d’ “intelligence artificielle générative”, s’aperçoivent assez rapidement, par exemple dans le domaine de la génération d’images, que la capacité “générative” de l’outil est encore relativement limitée, même s’il produit un grand nombre d’exemplaires différents, et quelquefois surprenants, par rapport aux “questions” ou aux entrées iconiques proposées par l’utilisateur.

Au fur et à mesure des interactions “collaboratives” entre l’utilisateur et l’ “algorithme” ou “modèle génératif” préalablement entraîné à “catégoriser” toutes sortes d’ “images” sur des banques de données iconiques, l’utilisateur obtient ainsi toute un ensemble de “traces” de son “dialogue” avec l’ algorithme / banque de données, dont il peut conserver la mémoire des essais de toutes sortes, des relances, des reprises d’anciennes images, etc.

Dans mon cas, je me suis intéressé depuis cet été 2023 à “Midjourney” et à certaines de ses fonctionnalités simples.