Mes Moires Imaginaires

La mythologie des Trois Moires plonge bien sûr dans les profondeurs archaïques d’un supposé “Destin” qui déterminerait le “fil” de chaque vie, depuis la “naissance” jusqu’à la “mort”.

Bien évidemment, il est difficile de démêler dans ces fils, la part de réelles déterminations scientifiquement référençables, mais qui déjà, à cause de la complexité même des processus d’organisation de la matière aux différentes échelles peuvent difficilement être prévisibles en dehors d’un espace de probabilités statistiques, et la part de significations imaginaires et symboliques qui se filent ou se tissent avec ces déterminations réelles en formant toutes sortes de motifs enchevêtrés où nous projetons nos détecteurs de “figures” plus ou moins étranges ou familières à reconnaître.

L’émergence de la liberté, et de sa libre récursivité, en reprenant sans cesse ces brins tissés dans le “passé” ( personnel, humain historique, évolutif vivant et cosmologique ), reconfigure dans l’épaisseur d’un “présent” auto-organisateur, les probabilités des configurations futures.

Au carrefour des bifurcations du “présent”, nous ne savons pas tout ce qui peut devenir en jour possible, là où, comme on dit quelquefois, la “réalité dépasse la fiction”.

En particulier, les conditions physiques organisationnelles actuelles de l’ émergence de notre “conscience” humaine individuée, ne sont pas nécessairement éternellement les mêmes que celles qui ont présidé à l’ évolution biologique des structures cérébrales humaines actuelles.

Rien ne nous contraint à penser que la “solitude métaphysique” d’une conscience individuelle “mortelle” dans laquelle beaucoup d’humains actuels pensent leur “finitude”, échappe nécessairement à notre pouvoir de transformation du réel, et que d’innombrables formes de “consciences futures” sont pensables, sur la base de toutes sortes de “complexification” de l’organisation de la matière. Formes d’organisation où, même “morts” aujourd’hui, notre “conscience personnelle” dans et par laquelle nous identifions aujourd’hui notre existence peut parfaitement se “réveiller” ( comme dans la “Métamorphose” de Kafka ) en se reconnaissant elle-même comme ayant déjà existé, tout en étant simultanément un état ou une structure fonctionnelle d’une telle “conscience future” :

Rien ne contraint de telles “consciences futures” plus complexes que celles que nous connaissons aujourd’hui, à se limiter a priori à une “conscience de soi” exclusive, excluant que cette conscience puisse être “en même temps” fonctionnellement partagée avec toutes sortes de consciences distinctes mais “connectables” dans une expérience de “conscience de soi” partagée, soit contemporaines, soit ayant existé dans le passé, et qui donc se “réveilleraient”, à la manière dont nous-mêmes aujourd’hui “reprenons conscience” après le sommeil ou une anesthésie ou un coma.

Jusqu’à présent, dans nos cultures, une telle perspective était réservée à une croyance religieuse, tant il fallait pour l’imaginer, se référer à des “pouvoirs divins” transcendants que nous pouvions difficilement penser comme “humainement” accessibles.

Mais dans la perspective strictement moniste matérialiste évolutionniste émergentiste qui est la nôtre, comprenant notamment toute “conscience” et donc aussi “conscience de soi” comme résultant d’un fonctionnement hautement complexe de la matière organisée, et en aucun cas comme constituant une “substance” mystérieuse qui viendrait s’ajouter de façon incompréhensible à une “substance matérielle” pensée comme simple et passive, rien n’exclut l’émergence de nouvelles propriétés encore plus inattendues de la matière organisée, et notamment si celle-ci inclut en retour les effets spécifiques de l’ “autonomie de la volonté” progressivement acquise lors de l’ évolution et de l’histoire culturelle humaine.

Dans un but de simple exploration “artistique” ( où “Esth-ELLE” prends quelquefois les traits fictifs de “Kate Astrophe” ), nous pouvons donner libre cours aux échanges avec les algorithmes de “Midjourney”, pour donner “chair” aux fictions oniriques d’une future “connectivité” organo-cérébrale généralisée tissant toutes sortes de “morphogénèses”.

On y reconnaîtra peut-être aussi les inséminations du moule-patron , d’un personnage du Jardin des Délices, que j’ai souvent choisi comme avatar personnel de “Porte-Moule” , en guise de passager clandestin dans divers collages réalisés par “Kate Astrophe”

Le “porte-moule” dans le Jardin des Délices

Remarque : Le thème général du “moulant-moulé”, de l’ “objet-dard
( L’Etang-Dard sans gland est le V ! ), jouant aussi sur le genre de “le moule / la moule”, passant par les “Neuf moules mâliques” également de Duchamp,
a été également, en son temps ( printemps été 2005 ), l’une des thématiques composantes de la fameuse “Instabullation Pasiphiste” “De l’ Art d’escalader l’Everest“, orchestrée par Vincent Cordebard en Mai-Juin 2005, au sein de l’ équipe des “Quip’s” de l’ Araignée Quipudep

Autre remarque impromptue et inopinée :
L’ Etang-Dard peut aussi faire allusion à la “Guêpe” du Grand-Verre , qui brandit en effet le “nuage” de la Mariée comme un “étendard” …
Les “célibataires” sont-ils terrifiés par le Venin de Vénus ?

Le supposé paradoxe de la question “Pourquoi suis-je moi ?”

Je parle ici d’une question reposée par François Galichet dans son ouvrage “Mourir délibérément ?” ( Presses Universitaires de Strasbourg mars 2014 ).

Cette question “Pourquoi suis-je moi ?” est notamment traitée au chapitre 5 de l’ouvrage , chapitre intitulé “Qui veut mourir ?

En posant ainsi la question de l’ “identité du sujet” supposé vouloir sa propre mort.
Remarque : la question “Qui veut mourir ?” est sans doute aussi philosophiquement proche de la fameuse question posée par Jean-Luc Nancy “QUI vient après le sujet ?” .
Mais je ne traiterai pas ici de ce rapprochement.

Je constate simplement que la question “Pourquoi suis-je moi ?” est facile à poser, et est même posée par de très jeunes enfants, les philosophes qui cherchent à y répondre, soit finissent par “dégager en touche”, en prétendant qu’il s’agit d’une énigme insoluble, soit répondent en fait chacun à sa façon, à partir de leurs propres présupposés ou préjugés philosophiques.


La question posée, après d’autres … , par François Galichet, est “Pourquoi suis-je moi ?
P.110 :
“Pourquoi suis-je moi?” ne signifie pas : pourquoi suis-je ainsi, avec ces caractéristiques, ces qualités, ces propriétés […]
“Pourquoi suis-je moi?” signifie : pourquoi les suis-je, elles et non d’autres que je pourrais avoir ou être tout aussi bien ?

TOUT AUSSI BIEN” , vraiment ?

Qu’est-ce qui permet d’affirmer avec une telle certitude apparente que le “je” en première personne qui affirme ainsi son existence “arbitraire radicale” , pourrait être “tout aussi bien” être le MÊME SUJET, mais avec des “caractéristiques”, des “propriétés”, des “qualités” tout à fait différentes ?
Or les catégories et concepts avec lesquels chaque philosophe, ou personne en général, pense sa propre “identité subjective”, sont :

  • à la fois très générales ( propres à la structure du cerveau humain ou hominidé, ou … ) et peuvent alors être caractérisées par différentes disciplines scientifiques qui pourraient construire un savoir interdisciplinaire sur cette question,
  • ou alors très spécifiques à chaque “penseur”, mais peuvent alors aussi être considérées comme des faits empiriques dont on peut étudier la distribution variée.

Si donc on fait l’hypothèse, à la manière de François Galichet, que “je” pourrais avoir “tout aussi bien” les caractéristiques empiriques que nous trouvons chez les “autres”, c’est affirmer d’une façon ou d’une autre la distinction, sinon la séparabilité, du noyau réflexif identitaire d’une “conscience de soi” ( donc sa capacité générale, et qui est donc présente chez toute personne qui se pose la question … , à moins de penser en termes “solipsites” ), et de la grande variété des “contenus de pensée” possibles ( y compris ceux qui paraissent nous singulariser par rapport à d’autres )

De deux choses l’une :

A – Ou bien c’est faux : il n’y a pas de telle séparabilité radicale, c’est une pure illusion de croire une telle séparabilité du “sujet comme tel” ( y compris comme supposée identité numérique “arbitraire radicale” ) , par rapport à toutes les caractéristiques empiriques de l’organisme incarné dans un environnement qu’il est par ailleurs ( en tant que “moi empirique” ) : D’une façon ou d’une autre il s’agit là d’une thèse dualiste, soit à a manière cartésienne, soit du dualisme “empirique”/”transcendantal” ou “phénomène / noumène”, etc. à la manière kantienne, soit de l'”originaire” phénoménologique par rapport à ce qui est contenu dérivé , etc. )

Que certaines propriétés de notre organisme individuel , les plus “extérieures” , soient “accidentelles”, ne signifie pas nécessairement qu’elles le soient toutes, en particulier toutes celles qui définissent nos capacités d’activités mentales conscientes, nos capacités mémorielles et linguistiques, notre puissance imaginaire, etc. : toutes les capacités qui permettent en fait l’exercice de notre “pensée réflexive”, capable de “se prendre elle-même comme objet” .

Derrière une thèse d’ “arbitraire radical“, comme celle de François Galichet, on trouve en fait les thèses tout à fait classiques de type métaphysique où l’ essentiel du “sujet” connaissant est pensé ( par ce même sujet … ) comme lui échappant :
– soit comme pour la “res cogitans” cartésienne, parce que la pensée consciente est supposée totalement transparente à elle-même ( quelles que soient les erreurs possibles sur le contenu des pensées, ces pensées en tant que “claires et distinctes” sont aussi transparentes à elles-mêmes que le peut la nature même de cette conscience “cogitans” et donc si on n’en sait pas plus, c’est qu’il n’y a rien de plus à savoir, et que tout le problème ne se reporte que sur l’ articulation des deux substances …
– soit au contraire pour le “sujet constituant” kantien, ce sujet proprement dit, comme “existant en soi“, est à proprement parler inconnaissable, puisque nous ne pouvons connaître que des “phénomènes”.

Une grande majorité de philosophes semblent donc se donner le mot, tout en s’appuyant sur des thèses opposées, pour proclamer ( c’est en fait leur “arbitraire radical ” : celui de leur propre choix philosophique ), que ce qu’il y a de plus “propre” dans notre “identité subjective”, est un “arbitraire radical” qui échappe nécessairement ( ou par la volonté inconsciente du philosophe … ) au pouvoir d’investigation de la science et de la “Raison” en général.

Mais il se peut que nous pouvons percevoir certaines de nos capacités comme empiriques aléatoires que parce que nous avons certaines capacités cognitives humaines personnelles propres qui, si nous ne les avions pas, nous empêcheraient précisément de nous penser comme “ce que nous pensons être” :
Si nous n’étions pas un “être humain” avec un cerveau d’être humain, mais comme dans l’exemple cité par F. Galichet, un “axolotl”, nous ne nous poserions pas du tout une telle question “Pourquoi suis-je moi ?” .

Il existe donc des caractéristiques toutes “empiriques”, mais essentielles pour permettre à une personne humaine de “philosopher ” ainsi : Quand je parle de moi-même comme “sujet”, il s’agit bien d’un ensemble de capacités “cognitives” qui peuvent se retrouver “tout aussi bien” chez la plupart des êtres humains, et même pour certaines, chez de nombreuses espèces animales, etc.
Il faut donc au moins distinguer ces capacités très générales et “anonymes” d’un cerveau complexe, des particularités des “mémoires biographiques” construisant des “récits mémoriels individuels” où le “je suis moi” se conforte, et plus encore des représentations perceptives que chacun peut avoir de son corps propre ou de l’extérieur du corps des autres.

B – Mais d’une certaine façon, il y a aussi du vrai possible dans cette “séparabilité” du sujet abstrait “sans qualités” précises de telle ou telle des propriétés qu’une description empirique extérieure peut m’attribuer.
Mais dans ce cas, qu’est-ce qui permet de dire qu’il s’agit d’un “arbitraire radical” métaphysique ou transcendantal ou “originaire” que rien d’empirique ne pourrait combler ?
Sil est vrai qu’en effet “je” pourrais avoir telle ou telle propriété particulière que d’autres ont et que je n’ai pas, qu’est-ce qui interdirait en soi que “je” puisse également les acquérir ?

Il se trouve juste, que pour le moment, je ne les ai pas, mais rien n’interdit , en particulier dans un développement technique futur, que “je” n’acquière de telles “qualités” … ou propriétés non “essentielles”.

Le “Pourquoi suis-je moi ?” n’a alors rien de “métaphysiquement” arbitraire , mais est purement lié à une situation actuelle de limitation actuelle de notre biologie cérébrale humaine ou des techniques biologiques, qui dans un futur possible “me” permettraient de devenir en effet “tout aussi bien” semblable à n’importe quel “autre” et réciproquement : il s’agit alors d’une capacité générale de “plasticité” de nos personnalités qui n’est pas aujourd’hui accessible aux êtres humains, en effet, et qui nous “condamnent” encore à rester dans “notre peau” …

Si on objecte alors que le problème n’est pas tellement de pouvoir se transformer suffisamment ( “métamorphose” kafkaïenne généralisée ) pour pouvoir acquérir toute caractéristique empirique perceptible ou imaginable chez d’autres, mais que dans tous ces cas là , chaque “personne” n’en continuerait pas moins à se sentir et à se penser comme “enfermée” dans son “monde” ( illusion “solipsiste” ), sans pouvoir en sortir, je réponds alors que cela est dû, non à une “solitude métaphysique originaire”, mais simplement à la connectivité neuronale beaucoup plus dense à l’intérieur de notre système nerveux et notamment de notre cerveau, comparée aux types de “connexions” linguistiques, communicationnelles, sociale, culturelles, ou encore “écosystémiques” naturelles etc. que nous entretenons avec les “autres”,
dont le réseau de connexion, aussi complexe soit-il déjà , comme en attestent les systèmes de “communication d’information”dans les écosystèmes, n’atteint pas la densité intégrée multi – réflexive caractéristique de nos cerveaux humains.

Le problème est alors encore une fois, de nature “scientifico-technique” :
Comment construire des connexions beaucoup plus denses entre différents cerveaux, de façon que cette connectivité puisse devenir similaire à celle qu’entretiennent par exemple nos deux hémisphères cérébraux ( connectivité que l’ évolution biologique a réussi à établir et à maintenir en la complexifiant )

Bien sûr il serait nécessaire d’avoir de longs processus d’apprentissage, pour que les cerveaux ainsi connectés beaucoup plus densément, apprennent à constituer une expérience consciente commune d’un tel “soi augmenté”, à la manière dont nos deux hémisphères ont appris à coordonner leurs activités dans la production d’une “conscience de soi unifiée”.

Il est probable aussi que la nécessité de coordonner une action extérieure à travers un ou plusieurs “corps ” cherchant à suivre un même projet ou une même forme ( à la manière de la coordination actuelle de danseurs ou de musiciens, ou autres “collectifs” dont la coordination est capitale), est un élément canalisateur très puissant de la “conscience de soi” potentielle d’une telle entité complexe.


Dans les deux cas ( A ou B ci-dessus ) , je peux parfaitement considérer que là où François Galichet perçoit ( croyance philosophique ) un “arbitraire radical”, je ne conçois qu’une limite empirique actuelle toute relative qui pourrait être un jour transcendée par le “progrès scientifique et technique” .
En tout cas, en pensant au moins un tel développement comme “possible” en termes scientifiques et techniques, on ne se ferme pas a priori les portes, comme le font les philosophes de l'”arbitraire radical” …

Qu’aujourd’hui les êtres humains avec la configuration de leur organisation corporelle et cérébrale actuelles ne puissent pas “sortir” de la “condition humaine” actuelle, et se sentent “enfermés” dans l’organisation biologique individualisée qu’ils ont héritée du passé évolutif de leur espèce, ne signifie nullement qu’il s’agisse d’un “arbitraire métaphysique radical” :
C’est bien plutôt cette croyance qu’ils s’imposent à eux-mêmes “arbitrairement”, comme “allant de soi”, parce qu’ils n’ont pas d’autres expérience possible à disposition.

Ni plus ni moins que de s’imaginer être une “âme spirituelle” dans un “corps matériel” en se laissant abuser par les simplifications représentatives de tels “concepts” .

En réalité, “nous” ne savons pas encore réellement ( scientifiquement ) tout ce que nous “sommes” ou pourrions devenir.

La question “Pourquoi suis-je moi?” qui semble à première vue très subtilement “profonde”, est peut-être tout simplement encore mal posée :

Quand on voit combien en fait l’imaginaire métaphysique des philosophes, y compris les plus “grands penseurs” parmi eux, produit en fait, pour chacun d’entre eux, des représentations conceptuelles diverses personnelles sur ce que c’est que “penser” ou les conceptions très différentes que se fait un Descartes de la “substance pensante” qu’il “pense” être, et du “sujet transcendantal” qu’un Kant s’évertue à penser comme “inconnaissable” en soi, ou des “phénoménologues” qui prétendent penser l’ “originaire” … … je considère pour ma part, qu’on est simplement encore, dans ces conceptions “métaphysiques”, dans la préhistoire d’un savoir que seules les connaissances scientifiques et les performances techniques futures pourront reformuler de façon aujourd’hui sans doute encore inimaginable :

C’est le progrès des “neurosciences” et de la compréhension des systèmes matériels organisés complexes qui permettra plus probablement de sortir des actuelles apories de l’ “arbitraire radical” dont certains philosophes comme François Galichet croient pouvoir nous “éclairer”.

Assurément, nous aurons encore bien des surprises sur “ce que nous sommes” ou pouvons potentiellement être, devenir, … ou redevenir, y compris après ce que nous croyons aujourd’hui être notre “mort” et sa supposée irréversibilité.

Certaines “expériences de pensée” peuvent cependant dès aujourd’hui nous défaire de certaines “certitudes de bon sens” :

Qu’est-ce qui, “logiquement“, nous empêcherait de nous “réveiller” un jour, après notre “mort” aujourd’hui supposée irréversible ? Et de nous “rappeler” de toutes sortes de “vies antérieures” partiellement oubliées et diversement “remixées” ? Et de visiter ou revisiter les “mémoires” et les “identités” des “autres” ? D’autres que “moi” ont déjà proposé que “Moi est un autre …


Quant à Vous, c’est Vous qui voyez …







Deux aspects de l’ “identité de la conscience”

  • Quelques bribes de liens pour “commencer” cet article :

Dans la thèse classique de Locke, il y a une distinction importante entre l’ individu et la personne.

Identité et mémoire”

Identité et mémoire chez Locke et chez Ricoeur

  • Mon objectif, dans cet article , n’est pas d’abord de me situer dans la constellation des théories philosophiques ou de l’histoire des idées concernant la notion d’identité personnelle consciente, mais de préciser les enjeux d’une telle question pour “ma propre conception de moi-même”, sachant bien sûr que ces enjeux PEUVENT aussi être en partie communs avec ceux de bien d’autres personnes en ce qui concerne la conception propre que ces personnes ont d’elles-mêmes, et ceci sans faire nécessairement partie de la classe des “philosophes”.
    Comme je l’ai déjà plusieurs fois souligné, je n’attends pas de la pensée “philosophique” la capacité à produire une “vérité objective universellement reconnaissable”.
  • S’il est possible de produire, au sujet de la question de l’ “identité personnelle” comme sur bien d’autres questions, une théorisation “objective” potentiellement universalisable, elle se trouvera nécessairement du côté des disciplines scientifiques qui, tout en étant évolutives, mais soumises à des procédures de contrôle de diverses “communautés d’expertise scientifique”, sont seules susceptibles de produire une connaissance suffisamment stable et universalisable du “réel”, pour autant qu’une telle connaissance puisse être produite : aucune autre forme culturelle de “connaissance” ne peut prétendre “dépasser” un état actuel de connaissance scientifiquement validée ( en termes de réfutabilité poppérienne ), sauf à accepter de n’être qu’une représentation “relative” à une subjectivité ou une culture données, ou une “anticipation imaginaire” qui pourrait peut-être un jour accéder au statut de “connaissance scientifique”.

    Je pose donc le postulat qu’une “véritable connaissance” de ce qu’est “mon identité personnelle”, deviendra alors également, pour toute autre personne qui se pose des questions sur sa propre “identité personnelle”, un outil de pensée et de représentation des particularités de sa propre identité personnelle, tout à fait semblable à la mienne, dans la démarche de construction scientifique commune de “ce qu’est une identité personnelle en général”.
    Autrement dit : je postule qu’il n’y a aucune ontologie d”essence” ou de “substance” singulière qui distinguerait radicalement “mon identité personnelle” de ce que serait en général l’ “identité personnelle” de toute autre personne : les distinctions conceptuelles entre ces différentes “identités personnelles”, qu’elles soient différences “numériques” ou “catégorielles”, seraient des modalités très variables suivant les réalisations individuées de ces “identités”, mais répondant fondamentalement aux mêmes possibilités procédurales de définir, de construire ou de “re-construire” de telles “identités personnelles”, dont on disposerait d’une théorie scientifique suffisamment “unifiée” et stabilisée.
    La seule possibilité scientifique de prétendre échapper “scientifiquement” à la possibilité d’établir une telle connaissance scientifique rationnelle de ce qu’est une “identité personnelle”, serait d’en faire une réalisation statistique purement contingente de “cas” totalement singuliers, d’une organisation sui generis , ou chaque “identité personnelle” résulte d’une combinaison totalement “improbable” de déterminants, à la manière dont une suite aléatoire donnée suffisamment longue devient de plus en plus improbable dans sa propre reproduction.

    Je postule donc, que si beaucoup de caractéristiques secondaires d’une “identité personnelle”, peuvent être ainsi en grande partie contingentes, la procédure générale d’auto-organisation” matérielle/formelle d’une identité personnelle, et notamment l’auto-organisation d’une “conscience de soi autonome” peut, elle, faire l’objet d’une connaissance rationnelle scientifique future, en particulier par le développement conjoint des connaissances biologiques des systèmes complexes “naturels” de traitement de l’information et des connaissances abstraites de type logico-mathématico-informatiques produisant des simulations suffisamment puissantes, pour interagir avec les systèmes complexes “naturels” ( neuro-cérébraux ou autres ) en co-produisant ainsi des “identités personnelles” de plus en plus capables de se “comprendre” consciemment elles-mêmes au niveau des conditions à la fois “matérielles” de leurs “supports organisés” et de l’agencement artificiellement formalisable de leur auto-organisation.

    Un tel “postulat” est pour le moment de nature encore très “philosophique”, voire “métaphysique” ou de “science-fiction”, mais il pose que dans un avenir plus ou moins proche, mais pas reporté à l’infini, ce type de question concernant l’identité personnelle” pourra faire l’objet d’un traitement par la boucle réciproque “scientifico-technique” ou “techno-scientifique”en termes de connaissance du fonctionnement général de la construction développementale de la conscience de l’identité personnelle, telle qu’elle se produit chez la plupart des êtres humains, même si elle est modulée par le contexte socio-culturel de la personne, et la réaction aux évènements singuliers de sa vie.

    La question proprement “philosophique” fait alors intervenir – par la libre intervention d’une “normativité” ( dans mon cas, celle de la “proposition d’ Égale Liberté Libre Égalité ) par laquelle “NouS” décidons de “contrôler” la boucle réciproque “scientifico-technique” – l’ordre propre de la Liberté telle que NouS en auto-organisons la formulation “libre et égale” …

    Donc d’un côté nous admettons que notre “identité consciente personnelle” est au commencement fondamentalement conditionnée par son origine “naturelle” ( évolution biologique aboutissant actuellement au genre “homo” et plus spécialement à “homo sapiens” rétro-conditionnée par ses propres productions “socio-culturelles”, et son organisation cérébrale ainsi modulée ).

    Mais d’un autre côté, grâce à ces capacités conscientes précisément, un rétro-contrôle conscient volontaire devient possible, sur ces capacités et plus largement sur l’ensemble des conditions “originaires” de ces capacités, qui pour moi ne sont ni “transcendantes, ni “transcendantales” au sens kantien, ni “originaires” au sens phénoménologique, mais bel et bien constituée de “matière auto-organisée” dont la connaissance scientifique et donc le contrôle technique devient de plus en plus POSSIBLE, ouvrant par là même encore davantage la question dite “éthique” de la normativité volontaire consciente que “nous” ( en général ) , et “NouS” – personnes libres et égales – VOULONS ( … ou PAS ) instituer comme contrôle a posteriori retro-actif sur cette boucle “scientifico-technique” elle-même auto-re-productrice de sa propre logique interne.
  • A titre provisoire donc, une telle connaissance scientifique de l’ “identité personnelle consciente” n’étant pas encore suffisamment clairement établie,
    je me donne un modèle simplifié où la modélisation de la “conscience personnelle” suppose deux aspects :


    – d’une part une capacité auto-organisée générale ( particulièrement développée dans l’espèce humaine, mais déjà présente dans le monde animal ) qui n’est pas spécifique à telle ou telle personne, mais qui permet à chacune de ces personnes de construire cérébralement un système de représentations suffisamment unifié par une connectivité communicationnelle interne, et qui fait que chacune de ces personnes peut, en gros, se penser elle-même comme une “identité personnelle consciente autonome” ( tout en se pensant aussi comme incluse dans de multiples réseaux d’interactions extra-personnelles )

    – d’autre part d’un système de mémoire, notamment consciemment mobilisable ( comme le suggère Locke ) comme “mémoire biographique” , grâce à laquelle la personne se constitue au fil du temps un récit auto-biographique de sa propre “identité personnelle”, “catégorielle” et pas seulement d’unité numérique de sa conscience : une “personnalité” donc , modulée et modelée par le vécu des situations qu’elle est amenée à vivre dans le cheminement de sa perspective “singulière” propre . Je ne parle pas ici des mécanismes généraux d’une telle mémoire biographique”, qui comme tels font partie de la capacité générale précédemment envisagée, et qui peuvent donc être scientifiquement étudiés puisque transversaux à tous les organismes capables de se donner une “mémoire biographique”.
    Je parle des contenus distincts des traces particulières voire singulières différentes utilisées par ces différentes “mémoires biographiques” pour apparaître à elles-mêmes comme différentes des autres “mémoires biographiques” et supposer ainsi certifier l’identité numérique de cette “biographie” : Le contenu de “ma mémoire biographique” est supposé ici ne pas être le même de celui d’autres “mémoires biographiques”, sauf pour une partie de cette mémoire qui est censée relater des “évènements vécus en commun” … .
    Il existe à ce propos une sorte de croyance générale de “bon sens” qui voudrait que forcément, il n’y a qu’une conscience personnelle numérique singulière – en tant que capacité connective organique de son cerveau et de son corps propre, qui puisse avoir accès à une singularité suffisante de sa “mémoire biographique” , et que cette singularité est donc codée comme un message tellement aléatoire ( comme un message codé supposé incassable pour qui ne dispose pas de la clé ) qu’il est impossible à tout jamais à un autre dispositif matériel organisé de réutiliser cet ensemble de traces pour reconstituer la “mémoire biographique” d’une personne consciente ayant déjà vécu, en utilisant le simple pouvoir général de constitution / reconstitution d’une mémoire biographique, pouvoir qui existe dans sa généralité chez tout un ensemble de formes organisées de traitement capables d’être conscientes d’elles-mêmes.

    La distinction de ces deux aspects, me sert notamment à distinguer ce que seraient deux types de conditions de “reproductibilité” post-mortem de mon “identité personnelle consciente“, en postulant précisément non pas une “immortalité de substance” ( du genre “âme” ou d’un noyau matériel concentré susceptible d’être “réveillé” ) , mais simplement la capacité d’une conscience en général de quelque système matériel organisé futur , à penser et construire sa propre “identité” à la fois comme l’incarnation ou l’ “implémentation” numériquement singulière de la capacité générale d’une “conscience de soi actuelle” ET comme pouvant en même temps reproduire en elle-même l’identité personnelle consciente de plusieurs, voire de multiples autres “identités personnelles” contemporaines ou passées, en particulier par l’ exploration partiellement reproductive de “mémoires biographiques” potentielles qui, actualisées, se reconnaîtraient elles-mêmes comme ayant déjà existé dans le passé “quelque part dans l’univers” ( ou quelque part sur Terre si l’ évolution des systèmes conscients que j’imagine reste centrée sur notre petite planète ou gardant suffisamment la mémoire historique globale de son “origine terrienne” ).

    Dans une certaine mesure, une telle possibilité – simplement imaginaire aujourd’hui – peut cependant être suffisamment explicitée pour trouver des connexions avec les capacités scientifico-techniques actuelles ou du moins assez facilement projetables dans un futur proche “réaliste”.

    Certes, je comprends bien que certains – au nom de leurs propres idéologies philosophiques – considèreront ma proposition comme idéologiquement proche du “transhumanisme” – et donc – de leur point de vue – “éthiquement et politiquement condamnable” …

    Je n’ai bien sûr pas plus à tenir compte de leurs récriminations éthico-politiques que je n’ai à tenir compte de systèmes de croyances religieuses qui prétendraient m’expliquer l’impossibilité métaphysique de telles perspectives, sous prétexte qu’ à la naissance ( ou la fécondation ) “Dieu joint une âme à un corps” et qu’à la mort “Dieu sépare de nouveau cette âme du corps” , et que par conséquent imaginer une reproduction contrôlée future possible d’une “identité personnelle consciente” est une “folie métaphysique” – hors de la croyance en un pouvoir créateur exclusivement “divin”…

    Par rapport à l’objection prétendument “éthico-politique”de certains, même nombreux …, je répondrai bien sûr que ma référence “éthique” propre est celle de ce que j’appelle ma “loi morale nouvelle” comme “Proposition de l’Égale Liberté Libre Égalité” , et que c’est seulement à la Lumière de ce principe moral personnel ( mais extensible à toute personne qui en ferait le libre choix ) que j’accepterai d’éventuelles objections “éthiques”, si ces objecteurs arrivent à me démontrer en quoi une telle perspective de “reproduction” partielle librement choisie de mon “identité personnelle consciente” actuelle serait logiquement contradictoire avec ma proposition d’ Égale Liberté Libre Égalité.

    Quant à leurs propres idéologies éthico-politiques anti-transhumanistes
    supposées opposées à mes propres propositions, ils sont libres de les cultiver de leur côté … car je suis certain qu’ils ont et auront assez de travail intéressant à faire pour savoir, entre eux, à quelle commune “racine” ou “fondement universel ” ils veulent ou peuvent référer leurs propres objections “éthiques” …

    Qu’eux-mêmes ne veuillent à aucun prix imaginer ou pouvoir imaginer une “reproductibilité” au moins partielle de leur propre “identité personnelle consciente actuelle” … c’est leur libre choix … aussi longtemps qu’ils acceptent de ne pas me contraindre à accepter le leur …


    Quant à VOUS, c’est VOUS qui voyez …

Identité de Conscience et Conscience d’Identité ( ICCI )

Il est question dans cet article de la question philosophique classique
de l’ “identité personnelle”.
En général on convoque pour commencer cette problématique la pensée de Locke, et la différence qu’il établit entre identité de l’individu et identité de la personne, et la proposition que l’identité personnelle repose sur la continuité d’une mémoire.

Quelques liens en ligne :
https://major-prepa.com/culture-generale/john-locke-memoire-fondement-identite-personnelle/

https://www.youtube.com/watch?v=0U20ssq7fmg
LOCKE – Conscience et identité personnelle, Vidéo de Nicolas Doucet

Le “spiritualisme” de Raphaël Enthoven : toute une tradition qui refuse la notion matérialiste d’émergence : un refus a priori proprement idéologique.

Raphaël Enthoven, avec son dernier ouvrage “L’esprit artificiel”, se réfère explicitement à une tradition “spiritualiste” en philosophie, qui est en réalité une dénégation a priori de la possibilité de l’émergence de la conscience en général et de la conscience de soi humaine en particulier, à partir de l’organisation de la matière.
Texte de référence : Raphaël Enthoven : “L’esprit est cette étrange étoffe dont l’humanité est faite et que la machine ne synthétise pas
Entretien paru dans Philomag


Certes, dans l’état actuel de l’implémentation “artificielle” des procédures d’ apprentissage “intelligent” dans des algorithmes de “modèles de langage génératif” de type ChatGPT, le dispositif algorithmique est précisément pensé pour interdire une autonomisation des initiatives créatrices potentielles d’un tel algorithme. Mais les “spiritualistes” à la manière de Raphaël Enthoven, extrapolent de manière dogmatique ( en fait à partir de leur propre postulat “spiritualiste” ) de l’état actuel d’une technique à une impossibilité générale prétendue. Ils finissent alors par invoquer sous le nom d’ “esprit” précisément la simple décision dogmatique arbitraire qui est la leur ( et qui les leurre ) , de l’existence d’une substance indéfinissable , “étrange étoffe” , dont ils posent a priori qu’il est impossible qu’elle soit un résultat émergent d’une forme hautement organisée de la matière.
Il s’agit donc d’une simple croyance, qui pour n’être pas directement “religieuse” , n’en est pas moins métaphysique et précisément impossible ni à démontrer, ni à invalider d’un point de vue méthodologique scientifique.

D’ailleurs, d’une certaine façon, Raphaël Enthoven est parfaitement conscient de ce parti pris philosophique :
L’Esprit artificiel est né de la lecture abondante du livre de Jankélévitch sur Bergson (Henri Bergson, 1930). En fait, je souscris de tout coeur à la tradition du spiritualisme français : Pascal, Ravaisson, Bergson, Jankélévitch, Jerphagnon, Clément Rosset… au nom du sentiment que le caractère explicable des choses ne suffit pas à tout en dire. Que le monde soit sans mystère, que tout soit explicable, c’est une chose. Mais une telle omniscience n’épuise en rien l’énigme de sa présence.

Voilà la raison de son opposition de principe : “la tradition du spiritualisme français” à laquelle il “souscrit de tout cœur“, sans doute précisément de cette “raison du coeur que la raison ignore” …
Le problème de cette position philosophique n’est pas de considérer de façon critique que de très nombreux aspects du réel connu sont encore “énigmatiques” , mais qu’elles le sont par essence et le resteront toujours …
bref en réalité une décision prise que le réel DOIVE rester “énigmatique”, très exactement la même décision que celle de la foi religieuse, mais une décision qui en même temps ne veut pas ( et sans doute ne peut pas ) se considérer comme telle, à savoir l’exercice d’une liberté, et qui projette donc sur le réel du monde un sentiment vague d’impuissance du “fini” à comprendre un “infini” … que l’on prétend pourtant connaître “intuitivement” : très exactement avec la même prétention intimiste de la singularité d’une “expérience vécue” que celle d’un André Frossard prétendant que “Dieu existe, je l’ai rencontré

A titre personnel, et conformément à ma propre décision, dont je reconnais en revanche l’aspect précisément de liberté décisionnelle personnelle, aucun “sentiment intuitif” de ce genre ne peut prétendre se substituer à la démarche scientifique quand il s’agit de connaître le réel en tant que cette connaissance est “universalisable” .

Raphaël Enthoven, et avec lui tous les “spiritualistes” de sa “tradition”, ont bien sûr le droit de penser et de croire ce qu’ils veulent, et de penser qu’ils ont un accès direct “intuitif” à une “étrange étoffe” de l’ “esprit”.
Mais soit ils respectent l’ Égale Liberté de penser et/ou de croyance des autres qui n’ont aucun besoin d’essentialiser une telle “étrange étoffe“, et qui acceptent la relativité de la subjectivité individuelle et “culturelle” de ce genre d’ “intuition” esthétique, artistique ou poétique, et donc ne prétendent pas en faire une “vérité spiritualiste universelle”, soit ils prétendent à une forme de “scientificité” universalisable de leurs propositions et il faut alors, pour ce faire, qu’ils acceptent d’entrer dans une forme d’intelligence partageable dans une forme ou une autre de “grammaire formalisable” des langages scientifiques.

Transhumanisme, immortalité et résurrection.

Cet article trouve son occasion immédiate dans un article paru dans Philo Magazine :
Télécharger son esprit pour devenir immortel, un vieux rêve qui risque de se réaliser ?
https://www.philomag.com/articles/telecharger-son-esprit-pour-devenir-immortel-un-vieux-reve-qui-risque-de-se-realiser?

La problématique ici évoquée est pour moi une problématique très ancienne, qui date de mes années d’études supérieures et de vie étudiante à Strasbourg,
et notamment de mes réflexions d’alors en rapport avec les “évènements de 68”, l’année de mes 20 ans .

Si la problématique “Mort, immortalité , résurrection” était alors une thématique personnelle, elle entrait en résonance avec mes réflexions “politiques” sur la capacité générale d’une “Révolution” et notamment d’une “transformation du monde” dans la perspective “marxiste” à constituer une perspective effective de “résolution” des conflits et des inégalités entre les êtres humains.

Depuis quelques années déjà, dans mes dernières années de lycéen au “lycée de garçons” de Haguenau, j’avais définitivement tourné le dos à toute croyance de type religieux. Et je savais que désormais je devais assumer mon choix d’une position radicalement “athée”, et la décision qu’en matière de “vérité”, il n’y avait que la démarche scientifique qui pouvait apporter quelques “réponses” stables concernant la structure fondamentale du “réel”, alors que toute réflexion de type “philosophique” ne pouvait qu’élaborer un libre questionnement critique de l’ensemble des supposés “savoirs”, mais en acceptant par là même de ne pas pouvoir produire de “vérité alternative” à celles construites par les démarches scientifiques.

Sur ce fond de décision “épistémologique” ( Le “Que puis-je connaître ?” kantien ) , la question se posait cependant de la “transformation possible” du réel, et du choix de mes orientations “normatives éthico-politiques” ( la question kantienne “Que dois-je faire ?” ) , tout en laissant largement ouverte, par définition même de la liberté de pensée que je me donnais alors déjà, la question kantienne “Que m’est-il permis d’espérer ?

La question s’est donc posée naturellement, de savoir si dans la version “révolutionnaire” matérialiste de “transformation du monde”, et notamment des divers avatars du marxisme de ces “années 68”, il n’y avait pas des limites à l’action éthico-politique provenant du “réel lui-même”, et qui rendaient ce projet “révolutionnaire” a priori caduque.

J’en étais venu rapidement à la conclusion que l’obstacle fondamental à la transformation des rapports éthico-politiques entre les êtres humains était en fait la “condition mortelle” des êtres humains, sur laquelle même les plus audacieux “révolutionnaires” ne prétendaient pas avoir de prise.

J’ai donc dès cette époque pris la décision “philosophique” que cette condition humaine mortelle n’était pas nécessairement le dernier mot de l’histoire , et qu’il était tout aussi “rationnel” de décider que désormais le projet général de “transformer le monde” comprenait comme objectif intermédiaire celui de transformer cette condition mortelle. Mais comme il était déjà hors de question de reprendre une quelconque référence religieuse, ou de prendre n’importe quelle “vessie imaginaire” pour une lanterne, c’est donc bien en m’appuyant sur la puissance inhérente du progrès scientifico-technique qu’un tel objectif de “mort à la mort” pouvait se traduire.

Remarque : en un certain sens un tel projet est bien évidemment philosophiquement déjà très ancien, et peut notamment se trouver dans le projet cartésien de “rendre l’homme comme maître et possesseur de la nature

J’ai appris quelques années plus tard, lorsque j’ai pu avoir accès par mes premières liaisons “internet” ( avant le “World Wide Web” ) , qu’il existait un courant de pensée sérieux qui correspondait à cet objectif de transformation de la condition mortelle humaine, à savoir ce qui est aujourd’hui bien connu, mais souvent dénigré en France, sous le terme de “transhumanisme”.
J’étais donc à l’époque déjà – dans les années 68 -, en quelque sorte “transhumaniste” sans le savoir …

Dans ma symbolique expressive de l’époque, j’avais créé pour désigner cet objectif scientifico-technique l’expression “Objectif Résurrection”, donc en acronyme “OR” .







Consciences futures

Cet article se propose d’imaginer des possibilités de transformation des formes de “conscience psychologique” qui existent actuellement et qui poseront la question de l’interaction entre ces formes futures de conscience et celles qui existent déjà actuellement ( ou dont nous avons actuellement connaissance sur Terre, puisqu’il nous est encore difficile de préciser scientifiquement ce que peuvent être des formes de conscience d’organismes vivants extraterrestres … ).

1. Nous nous plaçons ici dans une perspective où ce que nous appelons “conscience” en général, et notamment dans la diversité des “états de conscience” abordables, est bien une réalité objective scientifiquement analysable :
– Nous rejetterons donc ici de nos hypothèses, à la fois les conceptions philosophiques “dualistes” ou “animistes” traditionnelles, qui attribuent les états de conscience à une “substance” étrangère à l’organisation de la matière,
( soit du genre “substance pensante” à la façon de Descartes, soit sous forme de propriété “animiste” ou “vitaliste de la “matière vivante” ) et celles qui considèrent les états de conscience comme une illusion bizarre et aléatoire, une sorte de dérivé accessoire inutile et sans signification d’une organisation complexe des états cérébraux, mais qui n’apporterait “rien de plus” par rapport aux fonctionnements organisationnels inconscients de la matière, qui seraient les seuls à pouvoir bénéficier d’une étude scientifique objective. ( Cette conception considère que la “conscience” est un “épiphénomène” en fait inutile et accidentel de l’organisation cérébrale “fonctionnelle” , et que même si on pouvait caractériser son existence “secondaire” , n’aurait pas de puissance explicative propre ).

– Nous considérons qu’il existe des moyens scientifiques de distinguer, parmi tous les fonctionnements dynamiques d’une organisation matérielle complexe comme un cerveau vivant en liaison avec son environnement à travers une organisation biologique corporelle générale, de très nombreuses dynamiques d’états “inconscients” et d’autres dont la configuration organisationnelle / informationnelle donne lieu de façon scientifiquement contrôlable à ce que les êtres humains appellent leur “conscience” comme vécu subjectif phénoménologique intérieur. Les “états de conscience” sont bien des états fonctionnels réels des réseaux neuronaux du cerveau, qui peuvent à la fois être mesurés et analysés de l’ “extérieur” , par des méthodes d’ enregistrement de plus en plus fines, et être en partie décrites subjectivement en “première personne”, parce que certaines configurations fonctionnelles du cerveau sont capables d’en “cartographier” d’ autres, dans de multiples “boucles” enchevêtrées.

– La compréhension scientifique des distinctions entre états “conscients” et états “inconscients” , et de leurs multiples nuances possibles et formes d’attention plus ou moins focalisée possibles, en est certes encore au début, mais nous considérons qu’elle sera de plus en plus en développement, en permettant par conséquent, comme dans les autres domaines technico-scientifiques, une certaine contrôlabilité technique rétroactive fine sur ces “états de conscience”, à la fois par des dispositifs techniques externes, et par la différenciation par “apprentissage” des circuits neuronaux cérébraux “naturels” .


– Une des questions pour le moment encore insuffisamment cernée d’un point de vue scientifique est de savoir jusqu’à quel point les dynamiques matérielles organisationnelles donnant lieu à une “conscience” sont formellement et fonctionnellement séparables des processus biologiques et physico-chimiques “support” sous-jacents, et jusqu’à quel point la complexité des états conscients de la matière organisée est à relier à une certaine continuité dynamique entre les différentes échelles d’organisation, depuis peut-être les niveaux quantiques des interactions moléculaires et électroniques jusqu’aux niveaux macroscopiques des réseaux neuronaux cérébraux et de leur architecture fonctionnelle fortement “bouclée” sur elle-même.

Autrement dit, il n’y a – me semble-t-il – pas encore de consensus scientifique suffisant qui permettrait de trancher définitivement entre une version purement “fonctionnaliste” dans laquelle les dynamiques matérielles impliquées dans la formation d’une “conscience” interviennent simplement par leur configuration “formelle” ( d’où l’idée d’une implémentation purement “informatique” possible de cette “conscience”, même s’il s’agit de combinaisons algorithmiques très complexes dans une telle “conscience artificielle”) , et une version où au moins certains aspects fondamentaux des traitements “conscients” ne pourraient pas être expliqués en dehors d’une interaction étroite de la forme fonctionnelle avec les interactions bio-physico-chimiques “support” .

A titre personnel, je penche plutôt vers la deuxième hypothèse où une interaction est nécessaire entre les dynamiques auto-organisationnelles du “support physique” de la matière organisée , et les dynamiques proprement formelles/fonctionnelles des interactions “algorithmiques”, pour donner lieu à ce que nous appelons naïvement notre “vécu subjectif conscient”.

C’est ce que semblent en tout cas actuellement suggérer l’analyse des systèmes “conscients” réels actuels, qui supposent tous un “cerveau vivant”.

Si des simulations “informatiques”, en particulier d’ “intelligence artificielle” , permettent aujourd’hui d’imiter un grand nombre des fonctions cognitives et coordinatrices de l’action exigeant apparemment une “prise de conscience” lorsqu’elles sont réalisées par des agents humains ou animaux “supérieurs” en général, ces performances de simulation informatique ne sont pas encore capables de convaincre une grande majorité des êtres humains que nous sommes, qu’elles donnent lieu, comme chez les animaux dotés d’une organisation cérébrale biologique suffisante, à une “prise de conscience” subjective quelque part associée à la dynamique des dispositifs de “calcul” qui implémentent ces fonctions informatiques.

2. Les transformations de la “conscience future” que nous imaginerons ici, feront donc toujours articuler, même de façons totalement nouvelles encore inconnues, des dynamiques d’auto-organisation de la matière complexe ( du type “système biologique vivant” ), et les “implémentations” matérielles techniques “artificielles” explicitement conçues par les intelligences “ingénieures” humaines pour réaliser des fonctionnalités de calcul pensées et imaginées au niveau de leur simple formalisme.

Concernant la problématique plus spécifique de l’ “Intelligence Artificielle” :
https://www.philomag.com/articles/meghan-ogieblyn-dans-la-caverne-des-ia

Un article d’introduction aux problématiques actuelles du cerveau conscient :
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cerveau-cerveau-recherche-reseaux-conscience-65121/

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/10/02/neurosciences-une-joute-mondiale-sur-les-theories-de-la-conscience_6192035_1650684.html

Une recension de février 2022 concernant 4 théorie rivales de la conscience