Deux aspects de l’ « identité de la conscience »

  • Quelques bribes de liens pour « commencer » cet article :

Dans la thèse classique de Locke, il y a une distinction importante entre l’ individu et la personne.

« Identité et mémoire »

Identité et mémoire chez Locke et chez Ricoeur

  • Mon objectif, dans cet article , n’est pas d’abord de me situer dans la constellation des théories philosophiques ou de l’histoire des idées concernant la notion d’identité personnelle consciente, mais de préciser les enjeux d’une telle question pour « ma propre conception de moi-même », sachant bien sûr que ces enjeux PEUVENT aussi être en partie communs avec ceux de bien d’autres personnes en ce qui concerne la conception propre que ces personnes ont d’elles-mêmes, et ceci sans faire nécessairement partie de la classe des « philosophes ».
    Comme je l’ai déjà plusieurs fois souligné, je n’attends pas de la pensée « philosophique » la capacité à produire une « vérité objective universellement reconnaissable ».
  • S’il est possible de produire, au sujet de la question de l’ « identité personnelle » comme sur bien d’autres questions, une théorisation « objective » potentiellement universalisable, elle se trouvera nécessairement du côté des disciplines scientifiques qui, tout en étant évolutives, mais soumises à des procédures de contrôle de diverses « communautés d’expertise scientifique », sont seules susceptibles de produire une connaissance suffisamment stable et universalisable du « réel », pour autant qu’une telle connaissance puisse être produite : aucune autre forme culturelle de « connaissance » ne peut prétendre « dépasser » un état actuel de connaissance scientifiquement validée ( en termes de réfutabilité poppérienne ), sauf à accepter de n’être qu’une représentation « relative » à une subjectivité ou une culture données, ou une « anticipation imaginaire » qui pourrait peut-être un jour accéder au statut de « connaissance scientifique ».

    Je pose donc le postulat qu’une « véritable connaissance » de ce qu’est « mon identité personnelle », deviendra alors également, pour toute autre personne qui se pose des questions sur sa propre « identité personnelle », un outil de pensée et de représentation des particularités de sa propre identité personnelle, tout à fait semblable à la mienne, dans la démarche de construction scientifique commune de « ce qu’est une identité personnelle en général ».
    Autrement dit : je postule qu’il n’y a aucune ontologie d »essence » ou de « substance » singulière qui distinguerait radicalement « mon identité personnelle » de ce que serait en général l’ « identité personnelle » de toute autre personne : les distinctions conceptuelles entre ces différentes « identités personnelles », qu’elles soient différences « numériques » ou « catégorielles », seraient des modalités très variables suivant les réalisations individuées de ces « identités », mais répondant fondamentalement aux mêmes possibilités procédurales de définir, de construire ou de « re-construire » de telles « identités personnelles », dont on disposerait d’une théorie scientifique suffisamment « unifiée » et stabilisée.
    La seule possibilité scientifique de prétendre échapper « scientifiquement » à la possibilité d’établir une telle connaissance scientifique rationnelle de ce qu’est une « identité personnelle », serait d’en faire une réalisation statistique purement contingente de « cas » totalement singuliers, d’une organisation sui generis , ou chaque « identité personnelle » résulte d’une combinaison totalement « improbable » de déterminants, à la manière dont une suite aléatoire donnée suffisamment longue devient de plus en plus improbable dans sa propre reproduction.

    Je postule donc, que si beaucoup de caractéristiques secondaires d’une « identité personnelle », peuvent être ainsi en grande partie contingentes, la procédure générale d’auto-organisation » matérielle/formelle d’une identité personnelle, et notamment l’auto-organisation d’une « conscience de soi autonome » peut, elle, faire l’objet d’une connaissance rationnelle scientifique future, en particulier par le développement conjoint des connaissances biologiques des systèmes complexes « naturels » de traitement de l’information et des connaissances abstraites de type logico-mathématico-informatiques produisant des simulations suffisamment puissantes, pour interagir avec les systèmes complexes « naturels » ( neuro-cérébraux ou autres ) en co-produisant ainsi des « identités personnelles » de plus en plus capables de se « comprendre » consciemment elles-mêmes au niveau des conditions à la fois « matérielles » de leurs « supports organisés » et de l’agencement artificiellement formalisable de leur auto-organisation.

    Un tel « postulat » est pour le moment de nature encore très « philosophique », voire « métaphysique » ou de « science-fiction », mais il pose que dans un avenir plus ou moins proche, mais pas reporté à l’infini, ce type de question concernant l’identité personnelle » pourra faire l’objet d’un traitement par la boucle réciproque « scientifico-technique » ou « techno-scientifique »en termes de connaissance du fonctionnement général de la construction développementale de la conscience de l’identité personnelle, telle qu’elle se produit chez la plupart des êtres humains, même si elle est modulée par le contexte socio-culturel de la personne, et la réaction aux évènements singuliers de sa vie.

    La question proprement « philosophique » fait alors intervenir – par la libre intervention d’une « normativité » ( dans mon cas, celle de la « proposition d’ Égale Liberté Libre Égalité ) par laquelle « NouS » décidons de « contrôler » la boucle réciproque « scientifico-technique » – l’ordre propre de la Liberté telle que NouS en auto-organisons la formulation « libre et égale » …

    Donc d’un côté nous admettons que notre « identité consciente personnelle » est au commencement fondamentalement conditionnée par son origine « naturelle » ( évolution biologique aboutissant actuellement au genre « homo » et plus spécialement à « homo sapiens » rétro-conditionnée par ses propres productions « socio-culturelles », et son organisation cérébrale ainsi modulée ).

    Mais d’un autre côté, grâce à ces capacités conscientes précisément, un rétro-contrôle conscient volontaire devient possible, sur ces capacités et plus largement sur l’ensemble des conditions « originaires » de ces capacités, qui pour moi ne sont ni « transcendantes, ni « transcendantales » au sens kantien, ni « originaires » au sens phénoménologique, mais bel et bien constituée de « matière auto-organisée » dont la connaissance scientifique et donc le contrôle technique devient de plus en plus POSSIBLE, ouvrant par là même encore davantage la question dite « éthique » de la normativité volontaire consciente que « nous » ( en général ) , et « NouS » – personnes libres et égales – VOULONS ( … ou PAS ) instituer comme contrôle a posteriori retro-actif sur cette boucle « scientifico-technique » elle-même auto-re-productrice de sa propre logique interne.
  • A titre provisoire donc, une telle connaissance scientifique de l’ « identité personnelle consciente » n’étant pas encore suffisamment clairement établie,
    je me donne un modèle simplifié où la modélisation de la « conscience personnelle » suppose deux aspects :


    – d’une part une capacité auto-organisée générale ( particulièrement développée dans l’espèce humaine, mais déjà présente dans le monde animal ) qui n’est pas spécifique à telle ou telle personne, mais qui permet à chacune de ces personnes de construire cérébralement un système de représentations suffisamment unifié par une connectivité communicationnelle interne, et qui fait que chacune de ces personnes peut, en gros, se penser elle-même comme une « identité personnelle consciente autonome » ( tout en se pensant aussi comme incluse dans de multiples réseaux d’interactions extra-personnelles )

    – d’autre part d’un système de mémoire, notamment consciemment mobilisable ( comme le suggère Locke ) comme « mémoire biographique » , grâce à laquelle la personne se constitue au fil du temps un récit auto-biographique de sa propre « identité personnelle », « catégorielle » et pas seulement d’unité numérique de sa conscience : une « personnalité » donc , modulée et modelée par le vécu des situations qu’elle est amenée à vivre dans le cheminement de sa perspective « singulière » propre . Je ne parle pas ici des mécanismes généraux d’une telle mémoire biographique », qui comme tels font partie de la capacité générale précédemment envisagée, et qui peuvent donc être scientifiquement étudiés puisque transversaux à tous les organismes capables de se donner une « mémoire biographique ».
    Je parle des contenus distincts des traces particulières voire singulières différentes utilisées par ces différentes « mémoires biographiques » pour apparaître à elles-mêmes comme différentes des autres « mémoires biographiques » et supposer ainsi certifier l’identité numérique de cette « biographie » : Le contenu de « ma mémoire biographique » est supposé ici ne pas être le même de celui d’autres « mémoires biographiques », sauf pour une partie de cette mémoire qui est censée relater des « évènements vécus en commun » … .
    Il existe à ce propos une sorte de croyance générale de « bon sens » qui voudrait que forcément, il n’y a qu’une conscience personnelle numérique singulière – en tant que capacité connective organique de son cerveau et de son corps propre, qui puisse avoir accès à une singularité suffisante de sa « mémoire biographique » , et que cette singularité est donc codée comme un message tellement aléatoire ( comme un message codé supposé incassable pour qui ne dispose pas de la clé ) qu’il est impossible à tout jamais à un autre dispositif matériel organisé de réutiliser cet ensemble de traces pour reconstituer la « mémoire biographique » d’une personne consciente ayant déjà vécu, en utilisant le simple pouvoir général de constitution / reconstitution d’une mémoire biographique, pouvoir qui existe dans sa généralité chez tout un ensemble de formes organisées de traitement capables d’être conscientes d’elles-mêmes.

    La distinction de ces deux aspects, me sert notamment à distinguer ce que seraient deux types de conditions de « reproductibilité » post-mortem de mon « identité personnelle consciente« , en postulant précisément non pas une « immortalité de substance » ( du genre « âme » ou d’un noyau matériel concentré susceptible d’être « réveillé » ) , mais simplement la capacité d’une conscience en général de quelque système matériel organisé futur , à penser et construire sa propre « identité » à la fois comme l’incarnation ou l’ « implémentation » numériquement singulière de la capacité générale d’une « conscience de soi actuelle » ET comme pouvant en même temps reproduire en elle-même l’identité personnelle consciente de plusieurs, voire de multiples autres « identités personnelles » contemporaines ou passées, en particulier par l’ exploration partiellement reproductive de « mémoires biographiques » potentielles qui, actualisées, se reconnaîtraient elles-mêmes comme ayant déjà existé dans le passé « quelque part dans l’univers » ( ou quelque part sur Terre si l’ évolution des systèmes conscients que j’imagine reste centrée sur notre petite planète ou gardant suffisamment la mémoire historique globale de son « origine terrienne » ).

    Dans une certaine mesure, une telle possibilité – simplement imaginaire aujourd’hui – peut cependant être suffisamment explicitée pour trouver des connexions avec les capacités scientifico-techniques actuelles ou du moins assez facilement projetables dans un futur proche « réaliste ».

    Certes, je comprends bien que certains – au nom de leurs propres idéologies philosophiques – considèreront ma proposition comme idéologiquement proche du « transhumanisme » – et donc – de leur point de vue – « éthiquement et politiquement condamnable » …

    Je n’ai bien sûr pas plus à tenir compte de leurs récriminations éthico-politiques que je n’ai à tenir compte de systèmes de croyances religieuses qui prétendraient m’expliquer l’impossibilité métaphysique de telles perspectives, sous prétexte qu’ à la naissance ( ou la fécondation ) « Dieu joint une âme à un corps » et qu’à la mort « Dieu sépare de nouveau cette âme du corps » , et que par conséquent imaginer une reproduction contrôlée future possible d’une « identité personnelle consciente » est une « folie métaphysique » – hors de la croyance en un pouvoir créateur exclusivement « divin »…

    Par rapport à l’objection prétendument « éthico-politique »de certains, même nombreux …, je répondrai bien sûr que ma référence « éthique » propre est celle de ce que j’appelle ma « loi morale nouvelle » comme « Proposition de l’Égale Liberté Libre Égalité » , et que c’est seulement à la Lumière de ce principe moral personnel ( mais extensible à toute personne qui en ferait le libre choix ) que j’accepterai d’éventuelles objections « éthiques », si ces objecteurs arrivent à me démontrer en quoi une telle perspective de « reproduction » partielle librement choisie de mon « identité personnelle consciente » actuelle serait logiquement contradictoire avec ma proposition d’ Égale Liberté Libre Égalité.

    Quant à leurs propres idéologies éthico-politiques anti-transhumanistes
    supposées opposées à mes propres propositions, ils sont libres de les cultiver de leur côté … car je suis certain qu’ils ont et auront assez de travail intéressant à faire pour savoir, entre eux, à quelle commune « racine » ou « fondement universel  » ils veulent ou peuvent référer leurs propres objections « éthiques » …

    Qu’eux-mêmes ne veuillent à aucun prix imaginer ou pouvoir imaginer une « reproductibilité » au moins partielle de leur propre « identité personnelle consciente actuelle » … c’est leur libre choix … aussi longtemps qu’ils acceptent de ne pas me contraindre à accepter le leur …


    Quant à VOUS, c’est VOUS qui voyez …