Rappelons que la proposition fondamentale que nous formulons est celle de l’ « Égale Liberté Libre Égalité », qui institue un lien réciproque entre les deux membres de cette proposition, à savoir l’ « Égale Liberté » et la « Libre Égalité ».
Remarque :
En tant que proposition énoncée dans un langage et plus particulièrement le langage « philosophique » et dans une version énoncée en langue française , il s’ agit donc d’un rapport entre des « idées », des « concepts » et des « valeurs idéales », évidemment « formels » en ce sens que toute formulation dans le langage consiste en une mise en forme langagière et linguistique dont les liens avec le « réel » sont indirects à travers cette médiation linguistique.
C’est seulement en un deuxième temps qu’on peut se demander quels sont les « effets réels » dans d’autres secteurs ou dimensions de la vie humaine que le seul échange linguistique de la « conversation philosophique », des distinctions philosophiques conceptuelles établies dans et par ces compositions ou constructions langagières et communicationnelles.
Certains peuvent donc se poser à juste titre la question de savoir s’il n’y a pas beaucoup plus de distance entre les pratiques humaines « réelles », individuelles ou sociales des êtres humains réels ou du moins de la grande majorité d’ entre eux et ce que les « théories de philosophie politique » peuvent prétendre en DIRE , et d’autre part les distances internes supposées entre ces « théories de philosophie politique » elles-mêmes à l’intérieur du champ « disciplinaire » de la philosophie politique … Et ceci d’autant plus qu’elles font l’objet de « spéculations philosophiques savantes », entre un petit nombre de « spécialistes » appartenant tous à une forme de connivence culturelle commune, assurés d’un minimum de confort d’ « intellectuel universitaire ».
Nous ne nous posons pas pour le moment, dans cet article, la question de tels effets réels ( psychologiques, culturels, sociologiques, politiques, juridiques, etc. ) différents que pourrait avoir notre propre proposition « ELLE » par rapport à celles qui marquent la diversité bien connues et documentée des « théories de philosophie politique ». Par exemple de l’effet possible sur les prises de position politiques ou les tentatives de justification sociale et morale des actions réelles des uns et des autres.
Dans un premier temps, on peut simplement s’en tenir aux différences « conceptuelles » ou « théoriques » qui peuvent être exprimées en termes linguistiques entre ma propre proposition « Égale Liberté Libre Égalité » et tout l’ éventail des multiples « philosophies politiques » traditionnellement » envisagées dans un cours d’ « introduction à la philosophie politique » ou dans diverses formes de « vulgarisation » de ces théories.
Bref, en quoi ma proposition est-elle proche ou éloignée d’une position « libertarienne », d’une position communautarienne », d’une position « libérale », d’une position « rawlsienne », d’une position « marxiste », etc …
J’ai déjà à plusieurs reprises signalé une certaine parenté avec le point de vue de Rawls, en particulier en ce qui concerne l’usage d’une expression comme « Égale Liberté« .
Mais certains verront dans mon usage de la « Libre Égalité », une proximité avec la pensée « libertarienne ». Cependant, de même que toute assimilation rapide de mon usage de l’expression « Égale Liberté » avec la philosophie politique de Rawls et son « Principe d’Égale Liberté », serait trop grossière, de même toute assimilation du rôle fondamental de la « Libre Égalité » avec une position de philosophie politique « libertarienne » serait également erronée.
Je répète donc ici que je n’ai aucune prétention à développer une « théorie de philosophie politique » qui voudrait entrer en concurrence avec celles qui existent et dont les présupposés communs sont qu’elles pensent toutes énoncer une certaine forme de prétention à la « vérité », et donc se battent entre elles à coup d' »arguments » prétendant affaiblir ou même éliminer les positions adverses sur ce « terrain de jeu » de la philosophie politique.
Ma position constante est plutôt de dire que le terrain de la « philosophie politique » n’est guère plus consistant en matière de « vérité » possible, que celui de bien d’autres domaines de débats et d’argumentations philosophiques, comme par exemple la « métaphysique » ou l’ « ontologie », ou tout domaine « philosophique » où ce sont surtout des convictions idéologiques distinctes qui s’affrontent. Et ceci d autant plus que les différentes « philosophies politiques » sont instrumentalisées par des combats proprement « politiques », soit pour donner une vraisemblance théorique à ses propres opinions politiques, soit pour caricaturer celles des adversaires..
( Ainsi : « libéral » et encore plus « libertarien » sont des adjectifs destinés – dans une certaine gauche française – à dévaloriser toute position défendant la liberté individuelle, y compris de « penser par soi-même » … sous prétexte que toute pensée a des dimensions fortement « socialisées » … )
Revenons à notre question initiale de cet article :
Proposer la valeur de la « Libre Égalité » est-il une position « libertarienne » ?
NON, si par « libertarisme » on entend une position qui chercherait à considérer qu’il existe un « droit naturel » à une liberté individuelle fondamentale reconnue « en droit » … par « tous les autres » , ou par « tous les êtres humains ».
Car bien sûr, tout un aspect de ma proposition, et notamment la notion de « Libre Égalité » , vise à se passer de toute référence à un « droit naturel », en ce sens qu’une telle expression est précisément posée comme contradictoire :
La conception du « Droit » est précisément « instituée » par une volonté consciente explicite. Alors que ce que nous pouvons appeler « naturel », est précisément tout ce qui se produit de facto, sans que personne, aucune « volonté » ( ni humaine, ni divine, ni de « dessein intelligent », ni « sociale collective », ni « animiste » , etc. ) n’ai à intervenir dans cette production « naturelle ».
Bien sûr il existe dans cette conception des « conditions physiques » d’ organisation de la matière grâce auxquelles des formes de « pensée » conscientes et volontaires peuvent « émerger » au terme de très longs processus évolutifs de ces organisations matérielles . Ce sont ces organisations complexes à la fois individuées et collectives qui en arrivent à se donner une représentation suffisamment « efficace » de leur propre « volonté » pour prendre conscience des conflits entre ces volontés et donc se poser la question d’une régulation de ces conflits AUTRE que la seule « auto-régulation » des processus spontanés de « co-opétition » dans les « écosystèmes » qui arrivent à « survivre ».
Une régulation précisément consciemment pensée et voulue à partir de systèmes « institués » volontairement dans le but de rendre compatibles des projets d’existence qui seraient « spontanément » et « naturellement » en « co-opétition » dans le pur prolongement de l ‘auto-organisation inconsciente de la « nature » ( ou de la « culture » dont la part de fonctionnement inconscient auto-organisé prolonge les processus évolutifs « biologiques » ).