Le « triangle dramatique de Karpman » , avec ses trois rôles de « victime », »persécuteur » et « sauveur » est relativement bien connu et vulgarisé.
On trouvera facilement sur la toile des explications techniques concernant cet outil d’analyse de certains aspects des relations psycho-sociales, proposé par l’ « analyse transactionnelle ».
L’objet de ce billet est simplement d’ attirer l’ attention sur le fait que de tels outils peuvent être parfaitement utilisés par toutes sortes de « gourous manipulateurs », qui vont se placer précisément en situation de « méta-sauveur » en vous proposant d’analyser « avec vous » le tissu relationnel dans lequel vous vous situez vous-mêmes.
Autrement dit, en vous proposant de prendre de la distance réflexive par rapport au tissu des relations psycho-sociales où vous vivez ( au premier niveau des relations « spontanées » ), ce « méta-sauveur » vous propose un « outil », comme par exemple le fameux « triangle dramatique de Karpman » , grâce auquel vous êtes supposés pouvoir sortir des « cercles vicieux » précisément décrits par cet outil.
Que vous soyez vous-même alors, comme demandeur d’aide psycho-sociale ou du moins de demandeur d’explication ou d’éclairage par le « professionnel compétent » supposé, au premier niveau, plutôt en situation de « victime », de « persécuteur » ou de « sauveur » dans le tissu relationnel, n’est alors pas le plus important, puisque dans tous les cas, ce qui vous sera proposé, c’est de « sortir du cercle vicieux de ce jeu triangulaire, dont vous êtes supposé, au « méta-niveau », être … la « victime ». Victime non pas simplement d’un « persécuteur » de votre entourage psycho-social, mais des engrenages du « jeu » psycho-social ».
Nous avons donc la mise en place d’un « méta-triangle » :
1. Les personnes en interaction psycho-sociale : toutes « victimes » du « triangle dramatique » à ce méta-niveau , qu’elles soient « victime » au premier niveau, « persécuteur » ou « sauveur » au premier niveau .
2. Le « méta-sauveur » ou « sauveur » de deuxième niveau est bien évidemment le « thérapeute » ou l’ « aidant » , ou le « spécialiste compétent » qui va, bien entendu, apporter à toutes les victimes du niveau 1, les « outils » de compréhension et de communication nécessaires pour sortir du triangle dramatique ( de niveau 1 ).
3. Qui est le « persécuteur » , à ce niveau 2 ( « méta-niveau » ) : c’est l’emprise exercée par le « jeu psycho-social » lui-même … ou par l’ ensemble de toutes les personnes qui en tirent un « profit » ( psychologique ou bassement matériel ou financier … )
Nous avons donc tout ce qu’il faut pour que la structure formelle du « triangle dramatique » se remette en place, non pas forcément en perpétuant le triangle de premier niveau, en le renforçant rétroactivement par sa propre « représentation » au lieu d’en atténuer les effets dévastateurs, mais bien à ce deuxième niveau où les « thérapeutes » et « psy » en tous genres peuvent venir « jouer » les « sauveurs » pour toutes sortes de situations psychologiques, sociales, culturelles, économiques, etc. où des « victimes » diverses viennent se plaindre de leur malheurs et cherchent à trouver des « persécuteurs » responsables de leur situation souffrante.
« Mais non !« . J’entends d’ici le cri de protestation outré de tous ceux, professionnels de l’aide, ou aidants amateurs ou associatifs, qui vont se sentir injustement « visés », et donc « victimes » de la « méta-analyse » que je propose ici, en endossant ainsi le rôle du vilain « persécuteur » !
Ils sont de « vrais sauveurs », répondant à de vrais besoins de victimes en détresse, même s’ils peuvent concéder que parfois certains « confrères », mais surtout des gourous usurpateurs, « thérapeutes » auto-proclamés, ont tendance à profiter de la situation de pouvoir de « sauveur » …
Et surtout, beaucoup d’entre eux vous répondront que pour éviter précisément ces écueils de l’emprise thérapeutique, cela fait partie de la formation de leur compétence professionnelle, de se soumettre ( « victime » ? ) à une « super-vision » , ou du moins une régulation entre collègues …
Et que bien entendu, ils sont parfaitement au fait que les outils théoriques ou d’ « analyse des pratiques » qu’ils proposent devraient permettre une auto-régulation déontologique de ces professions …
Mais comme on sait aussi : le coiffeur le plus compétent n’est pas forcément lui-même le mieux coiffé …
Que l’on se rassure :
Si certains de ces professionnels en viennent à lire par hasard ce billet, et se sentent énervés par cette « mini-agression », et donc « victimes » de mon humeur caustique, et veulent eux-mêmes y réagir :
je ne me présenterai pas à mon tour comme « victime », car comme vous l’ aurez bien compris, à force de « méta-analyse », j’ ai bien compris que dans toute cette ténébreuse affaire, si « je » prétends être »victime », cela ne peut-être au fond que parce que d’une certaine façon je joue à être mon propre « persécuteur » … pour d’autant mieux me glisser ensuite dans la peau d’être mon propre « sauveur ».
Un certain « sauveur » socratique ne disait-il pas déjà : « connais-toi toi-même » ? Et le « sauveur » des Lumières kantiennes ne nous propose-t-il pas d’ « oser savoir » ? Mais avons nous besoin d’eux pour nous « sauver » de nous-mêmes en les transformant ainsi , éventuellement, en « persécuteurs malgré eux » ?
Sur ces bonnes paroles, je me sauve …
Et quant à Vous … c’est Vous qui Voyez …