Cet article s’appuie sur un dossier publié dans PhiloMag en septembre 2023 :
“Peut-on être en accord avec soi-même ?”
Les analyses qui y sont développées peuvent “nous” être très utiles, pour à la fois nous distancier consciemment de la masse considérable de nos conditionnements statistiques inconscients, et faciliter par là même leur mise en “cohérence”, qui n’est pas qu’une “co-errance” .
En effet la proposition “ELLE” est fondamentalement une façon de formuler la question de la “cohérence personnelle” , à la fois intra-personnelle et inter-personnelle, et de poser la réciprocité form- ELLE symétrique de la proposition “Égale Liberté” au sein d’un “collectif inter-personnel” construisant ainsi une sorte de “volonté générale” se donnant collectivement les moyens d’amplifier l’implémentation de cette “Égale Liberté” dans le réel ( social, politique, juridique, institutionnel, culturel, etc. ) et d’autre part de la régulation de la “Libre Égalité” interne à une personne individuée en situation en tant qu’elle se construit à travers son propre débat intérieur intra-personnel où ses différentes composantes partielles cherchent à construire “librement” sa propre “volonté personnelle” .
Certes, en tant qu’ “individu”, la personne “appartient” à toutes sortes de collectifs plus ou moins formels ou informels, qui modèlent inconsciemment la représentation qu’elle se fait d’ “elle-même” et de son rapport aux autres “individus-personnes” ( relativisme social, culturel, etc. ).
Mais précisément, par “personne“, nous entendons une capacité de mise en tension régulatrice de l’ensemble des “déterminations individuelles” pour l’ essentiel inconscientes d’un individu, avec une décision proprement fondatrice de la personne de se penser et de se vouloir projectivement comme une “personne” , donc capable de ne pas être seulement le “jouet” passif de ses propres conditionnements, mais un principe actif régulateur unifiant la “volonté personnelle”.
Une telle conception de la “personne”, proche de ce que Rawls appelait “personne libre et égale”, est aussi à rapprocher de la notion psycho-linguistique de “personne” au sens de la situation d’un “sujet parlant-pensant” , qui se positionne en “première personne : “JE”, et qui s’adresse à d’autres “personnes” en “deuxième personne” (” TU”, “VOUS” ), avec une réversibilité possible de cette “dualité” première personne / deuxième personne, dans ce qu’on appelle généralement un “dialogue” . Remarquons que cette réversibilité est récursive en ce sens qu’aussi bien, de la position “en première personne” je peux m’adresser “à moi-même” en deuxième personne : “je” me parle et “je” ré-écoute ce que “je” viens de dire”.
Ce bouclage intérieur intra-personnel possible des “dialogues intérieurs”, est alors corrélatif des “dialogues” conversationnels “extérieurs” entre des “interlocuteurs” se considérant comme des personnes distinctes, tout en pouvant avoir un “objet de discussion” commun, dans un espace sémantique et syntactique partagé, chacun pouvant partiellement anticiper ce que son interlocuteur “va dire”,, finir éventuellement les phrases des autres, etc.
Que cette décision de se penser comme une “personne”, soit “elle-même” un “résultat” de l’interaction de nombreuses “forces” inconscientes à l'”origine”
( en particulier de l’évolution socio-culturelle d’ Homo Sapiens ), n’empêche en rien l’auto-détermination de la personne pour autant qu’elle choisisse de vouloir s’auto-déterminer : C’est donc bien la mise en “projet” d’un “sujet” qui se veut comme tel – comme constituant – qui permet à la boucle régulatrice de la personne de mettre en cohérence la multiplicité incohérente voire contradictoire de ses dimensions d’ “objet” déjà constitué de se penser soi-même comme une “personne”.
La méta-boucle de la liberté en acte est bien sûr “dépendante” des ressources multiples dont elle se nourrit, mais c’est précisément sa propre méta-capacité de reconstruction permanente d’un tel “bouclage” qui permet de maintenir en équilibre dynamique la “fermeture de la boucle” de son “identité personnelle” et les dynamiques exploratrices d’ouverture, à la fois spontanées et provoquées de l’ extérieur, qui assurent le renouvellement adaptatif de la boucle dans un environnement global divers et changeant.
La question de la “liberté” proprement dite ne se trouve donc jamais seulement là où “on” se demanderait si “on” est libre ( préalablement à sa propre libre décision d’être libre ) , mais bien là où JE décide, par et pour moi-même “en personne“, de me penser comme libre et donc de prévoir et préparer les moyens et ressources de l’ auto-conservation d’une telle liberté.
En particulier, comme cette auto-conservation de la liberté doit être elle-même auto-posée par elle-même librement, il n’ Y a, par définition, aucune autre limitation à une telle liberté que celle qui ouvre simultanément cette même liberté radicale pour toute autre “personne” qui ferait elle-même ce libre choix.
Une conséquence de cette décision concernant le rapport de la “vie” et de la “mort” ( et qui n’est pas nécessairement partagée par d’autres personnes …) :
Il en résulte que l’auto-conservation de la LIBERTÉ se place délibérément au-delà de la distinction entre “vie” et “mort” et qu’ELLE contient donc, en ELLE-MEME, le principe de la réciprocité du passage “Vie /Mort” : la libre décision d’une personne d’être et de rester libre, ne peut certes être activée “en acte” pour elle-même, que lorsque cette personne est encore “vivante“, mais la possibilité, ou le potentiel “en puissance” de son retour à l’état “vivant”, “survit” du simple fait de sa volonté ( actuelle ) de laisser une telle voie de retour ouverte :
“Je” pourrai “revivre” ( en tant que “personne libre et égale” ), si j’accepte qu’à la “mort” de ma vie singulière actuelle contextualisée, il n’y ait aucune contradiction entre ma propre “renaissance” dans une forme vivante de “personne” – dans laquelle “je me” reconnaitrai consciemment – et la “naissance” non seulement de cette nouvelle forme vivante particulière – mais de toute autre forme vivante alors actuelle dans l’ Univers – qui se reconnaitrait elle-même comme “la même personne” que celle que je suis aujourd’hui.
Une telle réversibilité est aujourd’hui encore techniquement impossible, de même d’ailleurs que la réversibilité d’une “fusion / défusion” des expériences de conscience de soi individuelles, qui supposerait un minimum de connectivité réversible beaucoup plus forte possible entre deux ou plusieurs cerveaux , par analogie avec le type de connectivité existant aujourd’hui entre les deux hémisphères de notre cerveau, et permettant aux ressources neurologiques de ces deux hémisphères de collaborer à la constitution d’un même “état de conscience de soi” , renforcé bien sûr par la présence de ce cerveau dans un corps par ailleurs biologiquement “intégré”.
La possibilité d’une réversibilité temporelle “vie/mort” est donc à mettre en rapport avec la possibilité d’une réversibilité spatiale de la connectivité “fusionnelle/défusionnelle” entre une pluralité de cerveaux conscients, pouvant “fusionner” partiellement en fonction des circonstances et de leur commun consentement à une telle fusion en une même expérience de “conscience de soi” , et le choix réciproque de dé-fusionner lorsqu’il est intéressant ou utile pour chaque conscience partielle de se penser comme volonté et capacité de décision autonome.
A cette place là, où JE ne suis qu’à la mienne, comme conscience de soi autonome, VOUS pouvez bien sûr Y être aussi ou “également” … si VOUS en décidez ainsi pour VOUS même :
C’est donc bien “Vous qui Voyez” comment réguler vos propres voix et voies équivoques.
Il est fort probable que dans de prochains progrès scientifiques et technologiques, cette question de la fusion / dé-fusion d’une conscience individuée en une pluralité de consciences de soi autonomes et inversement, devienne une question , non plus seulement d’imaginaire de science-fiction, mais bien d’expérience “humaine” ( et “trans-humaine” … ) effective possible,
et donc de la question, pour tous et pour chacun, de sa propre prise de position “normative” ( éthico-politico-juridique ) par rapport à une telle possibilité.
Remarque : Cette perspective de relativisation future de la “vie” et de la “mort”, me fait bien sûr poser très différemment les questions de l'”identité personnelle” et de “philosophie de la vie et de la mort” que ne le font d’autres “philosophes” , comme par exemple François Galichet dans “Mourir délibérément ?”. Et cela bien que nous militions dans une même association “Ultime Liberté” !
Mais précisément : la même “Liberté de penser” ( ?) ne saurait contraindre quiconque à penser la même chose à propos de la “vie” et de la “mort” ou de l’ “identité personnelle”.
Quant aux possibilités scientifiques et techniques vraiment “futures”, personne n’en SAIT rien aujourd’hui … sinon elles seraient déjà au moins partiellement “en vue” …
Les projections lointaines sont donc le fait, soit de “croyances” que chacun peut librement construire ou “répéter”, soit de décisions “normatives” personnelles, elles aussi liées à la liberté en acte de chacun.
A titre personnel, comme je l’ai déjà plusieurs fois répété, je ne confonds pas ces trois modalités de réflexion :
– celles concernant la “vérité” ( le réel tel qu’il peut être scientifiquement analysé et où une “universalisation” provisoire des conceptions est possible), – – celles des goûts et les croyances et “perspectives singulières” que chaque personne doit pouvoir librement élaborer, développer ou modifier “à sa guise”
– celles de la “normativité” éventuellement inter-personnelle possible à construire ( éthiquement, politiquement, juridiquement ), à partir de la problématique de la Liberté “ELLE-MEME” …, comme “Également Libre et Librement Égale”.