Je propose ici une analyse des « composantes temporelles de la liberté ».
Bien sûr cette analyse étant elle-même « libre », sera elle-même récursivement analysable à l’aide de ce « même modèle » à deux composantes, ce qui signifie que, dans la mesure où il s’agit « récursivement » toujours du « même modèle« , la « méta-liberté » qu’il suppose est toujours au moins un minimum « constante« , et que cette « méta-liberté » ne choisit pas d’être uniquement et absolument « impulsive« , bien qu’elle comporte toujours aussi une composante « impulsive« , abusivement considérée comme « immédiate » ou « instantanée ».
S’agissant du rapport avec la dimension temporelle, et si on suppose une représentation du « temps » comme étant classiquement liée à un tripartition linéaire et irréversible « passé »-« présent »-« avenir », on pourrait s’attendre à ce qu’on se pose la question des « trois composantes temporelles de la liberté » .
Cependant si le rapport de la liberté au « passé » peut bien sûr être interrogé, cette question de la liberté par rapport au passé ne viendra qu’ultérieurement, car d’une certaine façon, la définition même de ce que nous appelons « passé », est au moins partiellement liée à l’idée que le passé ne peut plus être changé, comme on dit « le passé c’est le passé » : Certes, le « contenu » de ce passé, devenu « passif », est toujours considéré comme ayant « un jour » été « présent ».
Mais la part que nous considérons ( pas seulement librement ), comme « définitivement et irréversiblement passée’, signifie en fait que nous la considérons comme échappant « définitivement et irréversiblement » à l’action possible de notre « liberté ».
SI nous voulons remettre en question la dimension « réelle » du passé , en prétendant que la « passé » n’existe que dans notre représentation ( « présente » ou « à venir » ), c’est alors toute la question traditionnelle du rapport de nos « représentations » à la « réalité » que nous devons réexaminer.
En attendant je propose donc de considérer, de façon plus ordinaire, que les questions qui interrogent notre « liberté » se rapportent toujours, temporellement, soit au « présent » ( liberté immédiate en acte ), soit à l’ « avenir » où se déploie le potentiel d’une liberté future possible, qui ne sera « en acte » que lorsque cet « avenir » sera « présent », mais dont la « présence future » est au moins en partie statistiquement « prévisible » et donc aussi partiellement « préparable », en (pré-)supposant une certaine constance des conditions réelles de l’exercice de notre liberté.
Je propose d’appeler « composante impulsive » la composante de notre liberté qui considère que notre liberté en acte est liée à la conscience présente d’un acte volontaire « en train de se faire », « en cours de réalisation », et donc que « dans le même geste », dans le « même mouvement » ou « moment », la « réalisation » et le « contrôle conscient, « rétroactif et/ou proactif » de cette réalisation sont « concomitants » , mais que dans ce « même moment » ( voir note 1 en fin de page ) où cette concomitance se réalise, une variabilité non consciemment contrôlée dans son contenu, mais acceptée dans sa possibilité de « principe » ( composante « constante » ) vient se « composer » avec la « composante constante » de notre liberté, celle que précisément nous re-choisissons à chaque fois de « conserver »dans un tel « acte libre ».
La libre variabilité des contenus de nos libres choix n’est donc pas en contradiction, ( S’IL S’AGIT D’UN ACTE LIBRE ), avec la constance ou la conservation de certaines des conditions au moins qui permettent sa « libre réalisation en acte » .
Je propose donc de considérer que dans une telle conception où la « liberté » est toujours une re-prise de sa propre auto-re-configuration, l’idée même de liberté, dans son extension la plus « universalisable », comporte certes l’idée d’une très grande variabilité, et même en partie de la pure « contingence » des contenus de cette liberté ( et donc d’une « impulsivité » liée à cette contingence ), mais aussi simultanément un principe d’ « identité » ou de « conservation » de cette « liberté elle-même », notamment suivant sa dimension temporelle.
La mise en relation de la dimension « impulsive » de la liberté – nécessairement présente dans toute « ré-actualisation » de l’ exercice de la liberté – avec sa dimension « constante » par laquelle je peux présumer que je voudrai encore dans l’avenir « ouvert », vouloir, au moins en partie ( celle qui concerne précisément la préservation de ma liberté » ) la « même chose » que ce que je veux actuellement : à savoir notamment « préserver ma liberté ».
Dans « ma liberté« , je pense donc comme parfaitement compatibles, à cause de conception générale suffisamment constante que je me fais de ma propre liberté , la part « impulsive » nécessaire à la sauvegarde de la créativité de cette liberté et à sa capacité d’adaptation choisie à « tout évènement futur possible », et à sa part « rationnelle » et « raisonnable », posant et s’engageant en responsabilité constante des actes « librement choisis ».
Et je suppose donc aussi librement que d’autres que moi PEUVENT aussi – aussi librement que moi-même – coordonner dans leur propre « liberté personnelle », les aspects proprement « impulsifs et contingents » d’une telle liberté et les aspects constants de leurs libres choix.
Il est donc de la libre responsabilité de chacun ( telle que je peux librement la partager avec d’autres … ), de ne pas imposer aux autres la pure « impulsivité contingente » de sa propre liberté, s’il souhaite – librement – ne pas avoir à subir intempestivement la pure « impulsivité contingente » de la liberté des autres …
Autrement dit : nous POUVONS établir un minimum de « contrat moral commun » basé sur une reconnaissance mutuelle et réciproque de notre « Égale Liberté », dès que nous ne confondons plus la notion de « liberté »en général ( pour nous-mêmes et pour les autres ) avec la seule « impulsivité contingente » qui reste pourtant une des composantes de chaque décision libre, mais « contrôlée » par sa re-prise consciente comme décision volontaire continuée.
Nous pouvons alors accepter de construire en commun un cadre contractuel des bases « raisonnables » d’une telle « Égale Liberté », par et pour des « personnes libres et égales » qui se considèrent à la fois chacune comme telle ( en pure auto-nomie d’une telle décision ) et décident en même temps de considérer que d’autres personnes PEUVENT faire ce « même libre choix ».
De telles « personnes qui se considèrent elles-mêmes comme libres et égales », n’ont alors plus « besoin » de prétendre que leur volonté d’être « libres et égales » et de reconnaître d’autres personnes comme « tout aussi libres et égales » leur est imposée par un quelconque « devoir » extérieur à leur propre volonté.
En particulier par un « devoir » qui leur serait fixé, soit par une volonté divine, soit par la « volonté générale d’un peuple », ou d’une quelconque communauté d’appartenance ou d' »identité collective ».
De telles personnes ( dont VOUS POUVEZ librement faire partie … si VOUS le voulez librement ), acceptent alors la responsabilité morale de gérer par elles-mêmes et pour elles-mêmes l’articulation entre la composante « impulsive contingente » de leur propre liberté et la composante « raisonnable constante » de leur propre liberté. En acceptant donc aussi une certaine « impulsivité contingente » de la liberté des autres et une certaine « constance raisonnable » de la liberté des autres, qui ne correspond pas exactement à l’équilibre tout provisoire de ces deux composantes dans leur propre liberté personnelle …
Quant à VOUS, c’est VOUS qui voyez …
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Note 1 : J’ai parlé de « concomitance », « dans le même mouvement ou moment », et non pas d' »instantanéité », si on donne à ce terme « instant » la signification « ponctuelle » d’une représentation géométrique linéaire du temps, où le « présent » serait représenté par un « point » particulier de la « droite du temps ».
Le « présent en acte » dont je parle est donc temporellement « étendu ».
Si on veut se donner une représentation « géométrique » du temps, il faudrait plutôt alors désigner, comme « représentant géométrique du présent », non pas un « point » de la droite, mais un « intervalle semi-ouvert », dont une des « bornes », du côté du « passé » est plutôt « fermée », et l’autre, du coté de l’ « avenir », plutôt « ouverte ».
De plus, rien ne nous oblige à considérer qu’un tel « présent » non ponctuel , mais temporellement « étendu » , soit confiné à un « segment de droite du temps ». En tant qu’espace de notre « liberté actuelle » ou « liberté en acte », cet « intervalle » peut être considéré comme plus généralement représentable par des notions mathématiques de « topologie générale ».
Même si nous considérons que la dimension temporelle de notre existence consciente est fondamentalement contrainte par les dimensions de l' »espace-temps physique », la représentation d’un tel « temps physique » ne se résume pas dans la géométrie de la « droite euclidienne » ou de la « droite de l’ensemble des « réels », mais suppose que l’on se réfère au moins aux conceptions les plus « actuelles » des théories scientifiques de physique fondamentale.
( Avec notamment les difficultés de compatibilité entre relativité générale et physique quantique … )
Quant aux contraintes « biologiques » actuelles qui encadrent notre « liberté actuelle » et le rapport de notre liberté avec le « temps historique » ( par exemple la structure générale actuelle d’un « cerveau humain »), nous pouvons assez facilement comprendre sa « relativité » : non seulement à cause des mécanismes complexes de l' »évolution des êtres vivants », mais parce que de plus en plus, notre activité humaine rétroagit sur notre propre « constitution biologique ».