La dichotomie du fait et de la valeur a une importance capitale par rapport à ma proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité” et à la question de l’ inscription progressive de la “valeur” d’une telle proposition dans la “réalité factuelle” du monde.
Mais il ne s’agit pas d’une dichotomie qui relèverait elle-même d’un “état de fait”, comme s’il s’agissait d’une proposition dont il faudrait démontrer ou établir préalablement la “vérité” :
La “dichotomie du fait et de la valeur” est certes un “objet” de débat philosophique, éthique, juridique, politique, voire économique, mais c’est avant tout une question dont on peut à son tour poser la question de sa “valeur”, en appliquant récursivement la question de la dichotomie du fait et de la valeur à cet objet linguistique, psychologique ou culturel lui-même :
Que “vaut” une telle distinction, pour qui et pour quoi faire ?
Autrement dit : toute la problématique dite de “la dichotomie du fait et de la valeur” est elle-même à son tour susceptible de s’appliquer à elle-même :
a) Elle existe bien comme “fait culturel” observable : De la même façon que malgré l’ “existence” fort problématique des “dieux” ou des “licornes” ( en particulier des “licornes roses invisibles” … ), il n’en reste pas moins qu’au delà de la question du “mode d’existence” de tels “référents”, ou même d’un “signifié” précis de telles entités “symboliques”, il est possible de se mettre d’accord sur l’existence des “signifiants”, même si au sujet de tels signifiants-support, peuvent ensuite se poser toutes sortes de débats scientifiques quant aux niveaux pertinents d’analyse de leurs interactions : même le mot “néant” – supposé par définition désigner ( comme “signifié” ) l’absence ou l’inexistence de tout “référent” ( du moins lorsqu’on essaye de définir un “néant pur”, “purement néant”, comme le “reines Nichts” dans la définition hégélienne ) ), existe cependant comme “mot” et donc avec toute une configuration linguistique, psychologique, sociale, culturelle, etc. des usages d’un tel mot par les locuteurs qui s’en servent.
b) Mais constater ou établir un tel “fait culturel” comme le constat que certains philosophes ou certaines personnes utilisent l’expression “dichotomie du fait et de la valeur” ( dans la complexité de ses relations avec les autres “faits scientifiques” corrélés ) , comme constater le “fait religieux”, le “fait éthique” ( il y a des gens qui attribuent une valeur morale ou éthique à tel ou tel comportement ou évènement ) ou n’importe quel “fait de croyance” n’implique bien sûr aucune conséquence logique quant à la “valeur morale” d’un tel fait pour “nous”, et en particulier, dans notre perspective, de sa “valeur morale” dans le cadre de ce que NouS appelons “Loi Morale Nouvelle”.
Ni plus ni moins que n’importe quel autre “fait” que nous pourrions établir et dont nous pouvons constamment revérifier ou contrôler l’ “existence” en ayant recours à une “démarche scientifique” adéquate.
Bien sûr cela signifie que nous nous soyons au préalable au moins implicitement mis d’accord minimalement sur des usages suffisamment communs du mot “fait” dans un nombre de situations elles-mêmes suffisamment clairement identifiables par les acteurs qui cherchent à s’accorder sur l’ existence ou l’ inexistence de ce “fait“.
1. Il existe donc un “réalisme” élémentaire dont le partage “réel” spontané conscient est commun non seulement aux êtres humains, mais est aussi immédiatement partagé avec d’autres autres organismes vivants, qui tout en “vivant dans leur monde à eux”, vivent aussi en partie dans le “même monde” que nous, ou même d’une certaine façon par l’ensemble des “phénomènes physiques” qui interagissent entre eux au niveau de l’univers, sans avoir la moindre “conscience” d’une telle interaction.
Ainsi : “il y a une souris qui court devant mes yeux dans la pièce” est un “fait ordinaire” que même mon chat – et lui encore plus que moi – pouvons constater en commun, même si les significations et les “valeurs” que nous pouvons attribuer à ce “fait ordinaire” communément constaté peuvent être extrêmement différentes, comme en témoignent les différences de “réactions comportementales” à ce “fait” communément “perçu” ou “vécu”.
Bien sûr, ni le chat, ni la souris, ni la mouche qui vole du museau de la souris à celui du chat en y trouvant de quoi se nourrir, ni même un grand nombre de congénères humains qui assisteraient à la “même scène factuelle” ( dans son “identité existentielle”) , ne seraient capables aussi, en plus, de se donner toutes sortes d’autres représentations et niveaux d’ analyse de cette même scène, comme interaction complexe d’organismes biologiques ayant des fonctions biologiques liées à leurs espèces respectives, ou comme agents économiques remplissant des fonctions diverses dans le marché comparé des raticides et des croquettes pour chats, comme système complexe d’interactions “physiques” entre des milliards de molécules diverses, des atomes ou des ondes-particules quantiques, ou des masses en interactions dans un champ gravitationnel … etc. etc. , ou de se dire que ce qui est ainsi naïvement “vécu” comme une “scène factuelle commune” par les différents protagonistes est aussi le résultat d’interactions neuronales complexes dans leurs systèmes nerveux respectifs ( pour ceux qui en ont ) …
2. Nous, êtres humains, pouvons ensuite nous demander si et comment “ce qui se passe” dans cette scène factuelle vécue par chaque perspective d’acteur, peut, doit ou non, appeler de notre part à la reflexion, et non au simple “reflexe” lui-même aussi factuellement constaté, sur d’autres types de réactions possibles que celles dont nous avons pu être les acteurs témoins immédiats de “ce qui s’est passé”. Réactions et conséquences à plus long terme, avec au moins un décalage temporel minimum de “reflexion” où interviennent précisément des “évaluations” conscientes et des décisions conscientes d’intervenir ou pas, soit pour “laisser le “fait” se dérouler comme il se déroule de facto” , soit pour mettre en oeuvre une action organisée consciemment motivée ou “justifiée” d’intervention et de modification au moins partielle de la situation factuelle “vécue” ou “constatée”.
La “dichotomie du fait et de la valeur” est donc elle-même explicitement reliable, dans un tel “délai de reflexion” qui désormais s’est ouvert pour nous “humains” au moins – mais déjà partiellement pour bien des organismes vivants conscients – à la volonté ou non de développer et de transformer à son tour les conditions de ce “délai reflexif” lui-même , non plus en nous laissant simplement guider intérieurement par une quelconque “réalité des valeurs” qui s’imposerait comme s’imposent encore nos autres réactions émotionnelles réflexes, mais bien en ayant aussi en tête, en même temps, la possibilité de la “reflexion sur cette reflexion” , désormais potentiellement “réplicable à l’infini”.
C’est-à-dire, d’une “reflexivité” récursivement applicable à elle-même aussi longtemps que nous le déciderons dans la mesure où l’immédiateté “reflexe” “automatique” ( ou psychologiquement, socialement, culturellement, économiquement “automatisée” par apprentissage ou stabilisation sélective d’un “habitus” ), des boucles actions-réactions interactives ( qui assurent aussi en partie notre survie ordinaire ) peut toujours à nouveau être suspendue par la création d’une nouvelle boucle-délai …
… Aussi longtemps que subsiste cette double capacité ( boucle ) d’ouverture au réel en tant qu’il nous “apparaît” et d’ancrage dans le réel, par le fait même que nous en faisons partie, et que précisément le “jeu” de ces deux grandes modalités de rapport au “réel” ( boucles externes, boucles internes ) , nous ouvre l’espace du je libre auto-re-producteur de soi, et dans lequel tout autre “je-nous” peut venir connecter et articuler ses propres boucles.