Ceux qui s’intéressent un peu à la physique fondamentale connaissent le « principe d’indétermination de Heisenberg ».
Par analogie avec cette indétermination physique essentielle qui rend impossible la précision infinie simultanée de la valeur de deux grandeurs physiques « conjuguées », à cause de l’existence du « quantum d’ action » élémentaire, je propose d’appeler « principe d’indétermination éthique« , une relation de ce genre qui empêche toute définition formelle universelle précise de la « loi morale » ou de son « principe » ou « impératif » formel central, à cause du couplage inévitable d’une telle « définition » avec la Liberté indispensable pour toute action morale.
C’est en particulier le cas de notre proposition de « Loi Morale Nouvelle ».
Il existe probablement une « raison » formelle commune à ces deux formes d’indétermination, liée au fait qu’une « décision », soit au sens classique de la décision consciente impliquée dans un acte moral, soit au sens simplement physique du « basculement »de l’état d’un système dans un autre, impliquent une forme de discontinuité binaire par « tout ou rien ».
Au niveau de la physique quantique, on connaît le problème du passage des probabilités associées aux « interactions virtuelles » à la réalisation effective de l’une d’entre elles ( problème de la « décohérence » ).
Mais revenons à notre propre question concernant la possibilité ou non de définir un principe éthique ou un « impératif éthique » central qui pourrait être « universalisé ». Les philosophies morales et politiques essayent depuis longtemps d’ « isoler » un tel principe, et en effet, en étudiant ce domaine, on a rapidement l’impression que beaucoup de penseurs « tournent autour’ d’une même idée ou d’un même idéal , sans pourtant arriver à en donner une « définition » ou une « description » universellement admissible :
chaque philosophe, penseur, ou chaque personne qui y réfléchit y va de sa propre « formule » , en supposant que la sienne sera meilleure que celles jusqu’à présent proposées par les penseurs précédents.
S’il est tellement difficile pour la pensée de se mettre d’accord sur une définition commune de ce qui serait « éthique » ou « moral » de façon « universelle », je fais l’hypothèse qu’il y a une sorte d’impossibilité interne à toute démarche d’analyse de la « définition » de ce qui serait universellement « éthique » ou « moral » , liée au fait que toute tentative de donner un sens aux mots comme « morale ou éthique universalisable » , suppose au minimum d’y inclure une réflexion sur la Liberté et donc de se demander s’il existe une signification conceptuellement universalisable de ce que les uns ou les autres entendent par « Liberté » .
Or toute tentative de « définir » la « Liberté » suppose précisément un minimum de « Liberté » dans cette définition, car si la « Liberté » était entièrement définissable par l’arbitraire d’une définition axiomatique, elle ne serait précisément plus la « Liberté », mais simplement un terme formel d’un système axiomatique, d’une « grammaire » .
La « Liberté » est donc par excellence, un « signifiant flottant« , mais pas n’importe quel « signifiant flottant », car il revient récursivement sur lui-même, en exigeant simultanément :
– suffisamment de stabilité dynamique ( celle que soutient précisément l’usage d’un même signifiant appelé « LIBERTÉ », et dont on peut très probablement trouver un ou des équivalents suffisamment approximatifs dans toutes les langues … )
– suffisamment d’ouverture sémantique, précisément également impliquée dans le mot « LIBERTÉ », pour que la boucle récursive auto-définitionnelle de ce « signifiant flottant », trouve de quoi se relancer, même dans des contextes extrêmement hostiles, où toute « liberté » semble définitivement compromise …
Chacun peut facilement comprendre qu’en parlant de « La Liberté », il parle toujours aussi » de la possibilité toujours renouvelée de choisir parmi de multiples sens ou nuances possibles de ce qu’il « entend par là » :
« Liberté » est donc un terme utilisé dans des langages particuliers et des langues particulières , de diverses façons, mais qui désigne aussi toujours la possibilité de sortir d’un niveau d’usage donné de ce mot, pour reposer « librement » sa reprise à n’importe quel « méta-niveau » :
Je suis « libre » de penser ma « liberté de penser » comme je veux la penser, à savoir « librement ». Ce n’est bien sûr pas par hasard que le mot « liberté » est souvent utilisé conjointement avec les termes d' »autonomie » et d’ « auto-détermination » :
Liberté d’une « Loi » qui se pose librement « ELLE-MEME » et à laquelle « NouS » adhérons « librement », pour la simple « raison » que NouS l’avons NouS-MEMES librement posée.
Ainsi donc aussi, au niveau allégorique iconique, notre formule « ELLE », comme « signifiant flottant », se manifeste par son apparence « ondulatoire » :
Le « liant » de ce lien est suffisamment souple ( à la manière du « roseau » ), pour « plier » sans se « rompre » ou encore « fluctuat nec mergitur« .
Et chaque « personne libre et égale » doit pouvoir Y trouver sa propre combinatoire de « fréquences » vibratoires.
Physique quantique et kantisme
Dans l’histoire des idées et des concepts fondamentaux de la physique quantique au début du XXème siècle, les spéculations philosophiques entre physiciens ont joué un certain rôle, et notamment toutes sortes de commentaires autour du rapport entre théories quantiques et kantisme, au-delà du simple jeu de mots de l’homophonie où le kantisme rivalisait avec le « Cantique des Quantiques » …
On comprend assez facilement pourquoi la notion même d’ « indétermination quantique » pouvait faire rêver certains à l’espoir d’avoir mis le doigt sur l’articulation même entre réalité physique et liberté « spirituelle » …
Ceci conjointement avec les spéculations sur la « double nature » corpusculaire et ondulatoire, etc. Plus que jamais la rêverie bachelardienne pouvait ici s’alimenter de tous les fantasmes de « mariage entre onde et corpuscule » …
Je ne compte pas ici me placer dans cette lignée de rêverie métaphysique, à la recherche d’une nouvelle « glande pinéale » articulant une prétendue « réalité psychique » à la « réalité physique ».
Je pose plus simplement ( ou de façon plus complexe … ) la question de la relation d’analogie possible entre l’indétermination physique quantique et l’indétermination propre aux usages potentiels différents des « signifiants » d’un langage, y compris d’une langage formalisé, dès que celui-ci est « implémenté » dans des modèles plus ou moins « concrets », voire matérialisé dans des processus physiques « informatiques ».
Une des sous-questions scientifiques à ce sujet peut concerner la problématique de l’ « informatique quantique« . Mais plus abstraitement celle de l’identité d’une « définition » d’un terme ou « élément de calcul » lorsque le processus même par lequel le résultat du calcul est obtenu ne peut pas être connu simultanément avec ce résultat.
Un « calcul quantique » est-il encore un « calcul » à proprement parler ? On se rappelle qu’étymologiquement le calcul se fait avec des « cailloux », donc des éléments « atomiques » ou des états clairement identifiables tout au long du processus de « calcul », ce à quoi précisément le « calcul quantique » renonce, pour pouvoir d’autant mieux exploiter la simple relation formelle entre les « entrées » et les « sorties » de ce « calcul ».
Jusqu’où le « sens » du mot « liberté » est-il libre ?
A partir de quels usages du mot « liberté », l’application de la liberté de pensée critique auto-reflexive à elle-même finit-elle par « scier la branche sur laquelle elle est assise » ?