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L’ “autonomie brisée” est reconstituée … par cette autonomie même

“L’autonomie brisée” est le titre d’un ouvrage de Corine Pelluchon ( PUF 2009 ) , dans lequel elle prétend proposer une alternative à l’ “éthique de l’autonomie“, en l’ opposant à une “éthique de la vulnérabilité“, ou plus récemment dans un autre ouvrage à une “éthique de la considération“.

Je  ne dénie évidemment pas à Corine Pelluchon, comme à n’importe quelle personne, le droit de critiquer d’autres philosophies que la sienne, et de faire les propositions éthiques, juridiques et politiques qu’elle veut.
Mais je garde la même liberté de penser et de considérer que certains aspects de ses propositions sont dangereuses pour la liberté de penser elle-même, en tant que celle-ci précisément se fonde sur une “autonomie personnelle” suffisante, dont profitent des philosophes  comme Corine Pelluchon, mais aussi d’une façon plus générale toutes les philosophies “anti-lumières” critiques de la critique … de la raison pure.

Il n’est pas du tout nécessaire, comme elle le prétend, de briser l’idéal d’ autonomie personnelle … d’autres personnes, sous le prétexte qu’elle prétend constater que son autonomie propre de sujet ( la sienne :  comme “Corine- Pelluchon-qui-prétend-partager-son-vécu-transdescendant-avec-les-profondeurs-éco-féministes-de-la-nature”  … ) est “brisée”, et qu’elle compatit avec une “brisure” similaire ressentie par un certain nombre de ses contemporains :
C’est son problème de “réparer sa brisure” avec l’éthique de son choix ou de sa construction, en bricolant la “phénoménologie de la passivité” et l’ “ontologie de la vie” qu’elle veut et avec qui elle veut ou peut :
les disciples de Lévinas par exemple, ou de multiples conservateurs réactionnaires du lobby catho-médical qui ne cessent de prétendre s’appuyer sur son “éthique de la vulnérabilité“, ou bien d’autres en effet,  du côté d’une certaine écologie animaliste radicale … si elle pense que son “ontologie de la vie” permet de “concilier” et de “considérer” tout ce beau monde … dans son “monde commun” .

Mais son choix de l’ éloge de la sensibilité passive ne vaut que pour ceux qui, activement ( ou passivement ? ), font un tel choix, et certainement pas pour tous ceux dont elle voudrait peut-être qu’ils subissent passivement ses nouvelles oukases “éthiques”, ou pire, celles des milieux catho-médicaux réactionnaires qui prétendent partager ses vues.

De mon côté, je choisis au contraire de suivre une toute autre voie, celle de l’ “autonomie” en effet, mais qui, contrairement à ce que croit Corine Pelluchon, est parfaitement partageable et communicableentre toutes les personnes qui font le libre choix d’une telle autonomie personnelle et qui sont parfaitement capables d’ouvrir cette voie à toute autre “organisation vivante” qui voudrait l’emprunter et y participer en toute “Égale Liberté”.

Et contrairement à ce que prétend  Corine Pelluchon, il n’ y a pas que l’ “expérience de la vulnérabilité” que nous partageons avec les autres êtres vivants, mais aussi corrélativement l’expérience d’un pouvoir possible sur le réel en tant que ce réel n’est pas spontanément “bon” à “notre” égard, bref tout un ensemble de conditions dans le monde vivant qui préfigurent certains aspects de l’ “autonomie” qui émerge consciemment et réflexivement  dans la pensée humaine.

Ainsi, on peut jeter un tout autre regard que celui de Corine Pelluchon sur l’ aventure de l’évolution du “vivant”, et s’apercevoir qu’en réponse à la “passivité” de ses conditions de vie “vulnérables”, de nouvelles formes de vie toujours plus capables de “répondre activement” à ces conditions adverses sont également apparues, précisément en devenant capables d’y survivre mieux que d’autres.

L’insistance sur la vulnérabilité et sur la passivité, ou la souffrance n’ont d’intérêt, pour nous, que si ces “passions tristes” peuvent progressivement être compensées et dépassées par une coordination active et autonome et la création toujours renouvelée de formes nouvelles capables non seulement de résister aux aléas du fonctionnement spontané d’un réel aveugle, mais de contrôler de mieux en mieux, par la complexité des systèmes de régulation compensateurs que nous sommes capables d’imaginer et de concevoir, les situations de pure passivité que nous subissons encore très largement en effet, et que les animaux en effet, subissent encore davantage que les êtres humains …

Je propose donc de radicaliser l’ “éthique de l’autonomie” en ce sens que désormais, c’est au nom d’une telle autonomie généralisable sans contradiction à tout “être” …  qui en manifeste la volonté , mais voulue en “commun” … par tous ceux qui la veulent et qui veulent donc aussi y accéder à Égalité au fur et à mesure qu’elle se développe  ( “Égale Liberté” ), que cette autonomie se “justifie” par “elle-même” ( AUTOS ) :  elle se “justifie” simplement en effet par et pour eux, dans la mesure où ils en manifestent l’intention ET acceptent de reconnaître comme aussi légitime toute intention semblable à la leur, et donc de participer activement à sa réalisation commune, et , pour commencer par le plus simple : par la manifestation verbale d’une telle référence commune, dans et par laquelle chacun peut énoncer librement et à sa façon précisément, comment il veut”participer” à la libre constitution de cette “référence symbolique”.

Ceux qui ne veulent pas d’une telle “autonomie” peuvent évidemment … garder la leur ( ? ) … du moment qu’ils ne cherchent pas à nous “imposer” de façon coercitive ( “active” ! ) leur propre conception “passive” de leur rapport au réel ou à toute autre “loi hétéronome” où il prétendent “se” soumettre à la “loi de l’ Autre” …

En effet une telle “nouvelle éthique de l’ autonomie” ne prétend plus s’appuyer sur une quelconque “structure transcendantale du sujet”.
Elle n’est pas fondée non plus sur de supposés “droits naturels” ou je ne sais quel “invariant anthropologique”, ni encore moins sur le “droit positif” que s’arroge telle ou telle communauté politique nationale ou internationale, ni sur un quelconque “spécisme humaniste” :

 Tout être, y compris animal ou tout ce qu’on voudra, peut être d’ autant plus “reconnu” comme “personne autonome” par d’autres “personnes autonomes”, qu’il est lui-même capable de se reconnaître lui-même comme une telle “personne autonome” et de reconnaître toute autre initiative vivante similaire comme aussi légitime que la sienne dans ce nouveau “droit”.

On voit qu’il n’ y a là plus d’autre condition “ontologique” de reconnaissance réciproque d’un tel nouveau “Droit”, que précisément les conditions formelles de “réflexivité” ( se reconnaître soi-même comme une telle personne ), de “symétrie” ( ou de réciprocité de cette reconnaissance : j’ ai le “droit” d’être ainsi reconnu si je confère le même droit à ceux à qui je demande de me reconnaître ce droit ) et d’ extension universalisable possible de ce statut  à toute entité dans l’ univers qui en manifesterait la demande ( ET accepterait de reconnaître aux autres cette “relation d’ équivalence” de l’ autonomie ou de la liberté  des “personnes” ).

Une telle “définition” de l’ “autonomie personnelle souveraine sur elle-même” n’est bien sûr – par cette “définition” MEME, imposable à “personne”, ni par contrainte, ni par obligation “hétéronome”, si cette personne concernée “elle-même” ne veut pas “elle-même” librement se définir ainsi comme “personne autonome” … suffisamment libre et autonome pour se déclarer comme telle ( La propriété de “réflexivité”, d’auto-attribution autonome de l’ autonomie dans cette définition ne serait pas vérifiée ).

De même, une personne ou un être qui refuserait à d’autres de pouvoir ainsi se définir elles-mêmes comme de telles personnes, ne pourrait pas non plus demander à “bénéficier” elle-même de ce nouveau “Droit” d'”autonomie personnelle souveraine sur soi”, parce que la “symétrie” de cette libre relation contractuelle ne serait pas vérifiée ).

Et enfin, troisièmement, une personne candidate à ce nouveau “Droit”, ne peut refuser à aucun être réel de l’Univers de postuler également à une telle reconnaissance, si cet être se montre capable à la fois de la réflexivité ( auto-reconnaissance ) , de la symétrie ou réciprocité de cette reconnaissance, et de l’ élargissement d’un tel “Droit” à tout autre être qui “déclare” sérieusement , donc librement, adhérer à un tel “Droit”.

Une telle définition formelle idéale est d’ailleurs très proche des propriétés “logico-mathématiques” d’une “relation d’ équivalence” en général :
“Ce” qui est ici estimé, par les personnes elles-mêmes, comme “équivalent”, c’est précisément leur “droit à l’ autonomie, qu’elles savent donc devoir assurer elles-mêmes “collectivement” … si elles ne veulent pas avoir à se “débrouiller toutes seules” avec le peu de moyens et de ressources “vulnérables” dont elles disposent chacune. comme “organisme biologique actuel”.
Nous sommes donc très loin du prétendu “individualisme égoïste forcené” par lequel les adversaires de l’ autonomie personnelle cherchent à dévaluer cette exigence d’autonomie.

Alors en effet, la “communauté” virtuelle de ces “personnes souveraines libres et égales”, ne peut pas encore être assimilée à une quelconque “communauté politique” ou autre “association” réelle actuelle.

D’autant plus que, “en Droit” ( dans ce nouveau “Droit” ), d’innombrables autres êtres dans l’ Univers PEUVENT éventuellement déjà faire partie d’une telle “communauté virtuelle”, puisqu'”il faut et il suffit” dans cette définition, qu’ils se conçoivent eux-mêmes de cette façon, c’est à dire en ayant réciproquement la même reconnaissance envers  des “personnes souveraines libres et égales”, personnes humaines terrestres par exemple, que celle qu’ils se confèrent à eux-mêmes dans cette hypothèse.

Chaque être humain actuel, VOUS par exemple, voyez bien jusqu’où VOUS seriez déjà prêt – ou pas ( C’est VOUS qui voyez ) – à participer à la redéfinition réelle commune des “droits humains” et des “droits du vivant” ou de ce que vous voudrez comme “droit”, sur une telle base élargie d’ “autonomie personnelle radicale également partageable”.

Rien ne VOUS y oblige, mais rien non plus ne vous l’interdit … à moins que VOUS ne VOUS l’interdisiez à VOUS mêmes … en prétendant qu’un tel “Interdit” provient d’ “Ailleurs” … dont VOUS ne savez rien ou presque rien ( puisque vous prétendez que ce “visage d’Autre” est un mystère insondable ) … pas plus que n’importe qui d’ “autre” que VOUS.

La question qui se pose en effet à VOUS, si VOUS le voulez, est de savoir si VOUS savez ce que VOUS voulez … et jusqu’où VOUS prétendez le savoir ou ne pas vouloir le savoir …
Évidemment, “je” ne le saurais ni ne voudrais prétendre le savoir … à VOTRE place !

C’est donc VOUS qui voyez … pour VOUS-MEMES.

Suicide et liberté

  1. Il existe un argument souvent avancé par des opposants à la “liberté du suicide ” qui consiste à dire que pour être libre il faut forcément être vivant, et donc que si on cesse de vivre, on ne peut plus être libre. Et donc que prétendre qu’on se suicide “librement” est une contradiction logique.
  2. Je ne conteste pas le fait que pour exercer actuellement ma liberté, je dois être actuellement vivant. Remarquons bien cependant, que certains des adversaires de la liberté du suicide sont des “croyants” qui croient qu’il y une différence entre le “corps mortel” ( détruit par le suicide ) et une “âme immortelle” … qui survit au suicide : Ces adversaires là du suicide ne peuvent donc pas utiliser un tel argument, puisqu’ils croient que l’ âme immortelle peut toujours encore être libre, alors que le corps est mort !

3. Ma conception de la liberté est telle que je ne la résume pas à ma liberté d’exercice actuelle comme organisme biologique :

3.1. Je décide librement, ici et maintenant, alors que je suis encore vivant, que la valeur de ma liberté est “éternelle”, c’est à dire que je décide librement aujourd’hui que ma liberté ne dépend, du point de sa valeur, que d’elle-même, et non pas des conditions physiques particulières du réel actuel, notamment biologiques, qui font que je peux plus ou moins bien exercer cette liberté dans le réel actuel.
Car le “réel” futur peut être très différent du “réel” tel que je crois en connaître les limites dans mes grilles de lectures actuelles.
Ceci signifie que quelles que soient les conditions actuelles physiques et biologiques qui me permettent ou pas, ou plus ou moins d’ exercer ma liberté de penser ( et que je ne maîtrise pas intégralement évidemment ),
j’ accorde volontairement et librement une valeur essentielle à “ma liberté”, au point que rien d’autre ne peut être “autorisé” à la remettre en cause, sinon la même volonté et la même liberté d’autres personnes qui peuvent très exactement comme moi accorder librement à leur propre liberté la même valeur essentielle que celle que j’accorde à la mienne.


3.2. Quand je dis que je peux éventuellement un jour décider librement de “me suicider”, c’est précisément au nom d’une “liberté” dont la valeur survivra à l’organisation biologique qui en incarne aujourd’hui la volonté personnelle. “Ma liberté” donc ne cessera pas, en terme de valeur et donc de pouvoir futur réel  d’une telle valeur, qui peut être reprise par toutes sortes d’autres consciences que la mienne actuelle.
Car “ma liberté” est la même que celle de toutes sortes d’autres personnes ou organismes potentiels de l’Univers, qui peuvent et pourront, comme moi-même aujourd’hui, ici et maintenant, proclamer leur propre liberté radicale., tout en construisant la coexistence compatible de ces “Égales Libertés”.
Toutes ces “personnes”, actuelles ou futures dans l’Univers, ont donc le même intérêt, de conjuguer toutes les capacités présentes dans le réel actuel ou futur, pour développer les conditions de la préservation et du développement indéfini d’une telle commune mais égale liberté.
Et “ma liberté” ( actuelle réelle  comme future imaginable ) a donc constamment comme signification simultanée, à la fois de se conserver elle-même comme liberté actuelle ET d’explorer toute voie future possible d’une telle conservation ou restitution réversible.
“Ma liberté” veut son propre “éternel retour” ( “nietzschéen” )  comme liberté, pour autant qu’un tel “éternel retour” comme liberté est également possible pour toute autre “liberté” dans l’univers partageant cette même volonté.

3.3. La “liberté du suicide”, n’est donc rien d’autre, pour moi et pour toutes ces personnes, que le constat que les conditions matérielles et biologiques  actuelles de participation personnelle à cette aventure universelle de l’ “Égale Liberté”, ne sont plus réunies, de fait, ici et maintenant, pour “moi” dans ma configuration biologique actuelle. Et que nous décidons, dans cette “Ultime Liberté” personnelle actuelle défaillante, de passer le “flambeau” de l’ “Égale Liberté” à toutes les personnes qui veulent et peuvent elles-mêmes actuellement continuer à Y travailler.
Tout l’ avenir est donc “ouvert” …  à ceux qui veulent qu’il leur soit ouvert,
et qui savent que d’autres organisations qu’eux-mêmes réapparaîtront inévitablement dans l’Univers en formulant consciemment le même projet de partage universel et éternel d’une telle “Égale Liberté”et qui finiront, en Y travaillant, par Y arriver.

 

Loi Morale Nouv’ ELLE et Loi Morale kantienne

  1. Dans toute “loi morale”, depuis longtemps, les philosophes et même les théologiens qui considèrent que la “loi morale” est fondamentalement une “loi divine”, ont considéré qu’une action proprement “morale” suppose la LIBERTÉ de la personne qui “doit obéir” à cette “loi morale”.
    L’idée apparaît donc très tôt que si la liberté de celui qui “obéit” à une loi n’est pas garantie, son choix entre le “bien” et le “mal” défini par la “loi morale” n’est pas “purement moral”, mais obéit en fait à d’autres déterminations et notamment à des sentiments ou des émotions, comme la peur, la crainte d’être puni, ou inversement le désir d’une récompense, l’ attachement affectif à certaines personnes , la recherche de la sécurité, ou à toute forme d’ “intéressement” personnel.
    Autrement dit il y a très tôt une claire perception de la différence entre la contrainte de soumission à un ordre social, politique, juridique etc. reposant en dernière instance sur la force ou la peur, et l’ “obligation morale” supposant un rapport de soumission libre et volontaire à une telle loi.
    Mais dans toutes ces formes de morales “hétéronomes” traditionnelles, la “loi morale” elle-même est posée comme extérieure et/ou préalable au “sujet” qui “doit” lui obéir  ( loi divine, loi sociale, traditions, coutumes,
    droit naturel, “structure  anthropologique”, “nature humaine” …) , et où la personne elle-même n’interviendrait pas elle-même dans la définition de la loi.La distinction est encore plus facile à faire entre la liberté liée à la moralité et donc le type de lien volontaire conscient établi entre la “raison” de l’ acte libre et le contrôle volontaire de cet acte libre, et d’autre part tous les aspects de notre comportement qui sont simplement “automatiques” ou déterminés inconsciemment ( qu’il s’agisse de l’ inconscient freudien, ou de toute forme de dynamiques physico-bio-socio-éco-culturo …  dont les effets se manifestent dans notre comportement réel observable ou analysable après coup , mais dont nous n’avons soit aucune conscience, soit une conscience très vague ou limitée ou illusoire, etc. ).

2.  Rousseau du point de vue juridico-politique et Kant du point de vue proprement moral, essayent de dégager un rapport beaucoup plus fort et direct entre la Liberté et la “Loi” ( “juridico-politique” dans le contrat social rousseauiste, “loi morale” dans le cas de la critique de la “raison pratique” kantienne ) : c’est la forme universelle suivant laquelle la “loi” se rapporte à la “liberté” de la personne et non le contenu particulier de telle ou telle loi ou règle qui caractérise l’aspect “moral” chez Kant.
Ou chez Rousseau, la forme de la participation de chaque personne à la constitution même de la loi politique ( pouvoir législateur  démocratique) qui le transforme de simple “sujet” soumis à la loi en “citoyen” co-législateur de la loi.

Mais ni chez Rousseau, ni chez Kant nous ne trouvons d’identification de la “Loi” elle-même avec la Liberté elle-même, comme si le principe d’ “égalité devant la loi” empêchait une telle “Égale Liberté” d’être “librement voulue” par les personnes, donc par certaines personnes, mais pas nécessairement par toutes.
On trouve donc une “rigorisation” parallèle de la loi morale chez Kant, et de la loi démocratique et républicaine du contrat social rousseauiste :
L’idée que la liberté de tous ( qui est la nouvelle définition de la “loi” ) ne peut provenir que d’une restriction drastique de la liberté individuelle de chaque personne …
Il en est ainsi de la façon dont Kant pense devoir appliquer son principe d’universalisation dans l’ “impératif catégorique”, et de la façon dont Rousseau pense que c’est seulement l’abandon entier par chaque citoyen de sa “liberté naturelle” au profit du collectif “souverain” qui permet la garantie de la “liberté civile” égale qu’il en reçoit en retour.

3. Le relativisme moral.
Depuis longtemps aussi, existent toutes sortes de contestations critiques de l’existence ou de la valeur universalisable d’une quelconque “loi morale”.
Ces critiques consistent à relativiser les lois morales existantes : les lois concrètes qui prétendent obtenir l’obéissance de leurs “sujets” sont variables, dépendent des cultures, des circonstances, des forces et des intérêts en présence, ou même d’un pur hasard.
Une telle critique de la notion même de “moralité” et de “loi morale” est par exemple déjà celle des “sophistes”, ou de multiples morales particulières qui considèrent les autres morales comme “relatives”.
On a aussi de nombreuses analyses qui ne voient dans les “lois” et normes de toutes sortes ( politique, juridiques, morales, religieuses )  qu’une inscription forcée ou physiquement déterminée de divers rapports de forces présents dans le réel, et donc que la notion même de “morale” n’a pas de sens parce que la notion de “liberté” n’en aurait pas non plus.
Remarquons cependant que ce type de critique met quand même aussi en relation, même si c’est pour s’opposer aux deux, la notion de “morale” et la notion de “liberté”.

Bien sûr aussi, dans ce cadre critique relativiste des supposés “fondements de la morale”, on peut reprendre toute l’ évolution de la pensée des “maîtres du soupçon” ( dont la triade Marx, Nietzsche, Freud  a souvent été mise en exergue symbolique ) , l’ essor des “sciences humaines” au XXème siècle, et en particulier dans les aspects philosophico-politiques de ce qu’on a appelé le “structuralisme” dans les années 1960, ou plus récemment tout ce qui a pu être produit sous le vocable de “post-modernité“.

4. Ceux qui voudront replacer la proposition de “Loi Morale Nouvelle” comme proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité”, dans une telle “histoire des idées”, comme une résultante de mécanismes évolutifs de la pensée humaine qui ont donné localement cette “variante” de “proposition morale”, peuvent bien sûr forger toutes les hypothèses de leur choix à ce sujet, et ne pas du tout s’intéresser à ce que je peux moi-même dire subjectivement des “raisons” d’une telle initiative.

Cependant, ceux qui voudraient suivre une analyse proprement philosophique de telles raisons, peuvent chercher du côté d’une radicalisation du rapport entre l’ idée de Liberté comme directement  et Librement … constitutive de la Loi Morale , en tant qu’elle se pose elle-même comme universalisable  à la condition de cette Liberté même : universalisable par et pour toute “personne” qui veut l’établir et qui se définit alors aussi comme Égale à toute autre Liberté qui pose cette même finalité commune.

Le verrou “rigoriste” de l’universalisation kantienne des “maximes” saute donc parce que le seul critère d’universalisation devient donc celui de la Liberté elle-même en tant qu’elle peut être universellement partagée … par toutes les personnes qui veulent librement la partager … en toute Égalité  … entre elles.

Car toute autre personne, qui pourrait partager cette “Égale Liberté”, mais tout simplement ne le VEUT PAS, est en effet “libre de ne pas le vouloir”, mais se coupe par là même de la possibilité de recourir à la justification et à la protection spécifique  de cette “Loi Morale Nouvelle” dont toute l’ “obligation” ne peut, par la définition donnée de cette Loi, provenir que de la Liberté elle-même que chaque personne se propose de partager avec les autres, et non d’une “nature humaine”, ni d’une “constitution transcendantale”, ni d’une “anthropologie originaire”, ni d’ aucun “Grand Autre” qui imposerait sa marque de l’extérieur des personnes libres elles-mêmes ( par exemple l’ “Autre” de Lévinas )

Le “devoir moral” ne résulte donc pas de la “Loi Morale Nouvelle” comme telle, mais uniquement de la libre volonté de certaines  personnes de poser cette Loi Morale Nouvelle comme leur volonté commune.
La “définition” de cette Loi Morale Nouvelle est posable par n’importe qui veut la poser ( comme toute “définition” d’un langage formel ou d’une création langagière artistique … ).
Mais son effet proprement “obligeant” ne peut provenir que de la personne elle-même qui choisit librement d’adopter ou de recréer cette “même définition“comme idée régulatrice de sa propre liberté.

Ce n’est donc pas un “impératif catégorique” au sens d’une morale kantienne “transcendantale” ( constitutive de l’ “humanité de l’homme” ), mais un “impératif conditionnel”, qui ne vaut que par et pour ceux qui en choisissent librement la valeur.

Pour tous les “autres”, la situation actuelle reste inchangée, les mêmes problèmes et les mêmes “solutions” philosophiques, éthiques,politiques, esthétiques, culturelles … leur restent disponibles, et donc toutes les difficultés dans lesquelles ils se débattent s’ils veulent sortir du “relativisme individualiste généralisé” où seule la “loi du plus fort”, individuelle ou collective – communautaire – ou mondialisée joue la suite des mécanismes de l’ “évolution” darwinienne généralisée ( pas seulement “biologique”, mais culturelle, politique, etc. ) …  où tous ces “mèmes” culturels et leurs innombrables variantes recombinées trouvent ou ne trouvent pas les ressources de cerveaux et de processus économiques disponibles pour se reproduire …

Quant à VOUS donc, c’est VOUS qui voyez.

 

Loi Morale Nouvelle, amoralité, immoralité

La Loi Morale Nouvelle définit sa propre valeur du “Bien” comme étant en dernière instance, pour une personne supposée capable de comprendre ce dont il s’agit, de chercher à suivre et à réaliser  la “Proposition de l’ Égale Liberté Libre Égalité“,  c’est à dire de rendre possible de plus en plus la réalisation universalisable ( ne pas confondre avec “universelle” )  de l’ Égale Liberté de toute personne qui veut cette Égale Liberté, à la fois pour elle-même et donc également pour toute autre personne qui aurait cette même volonté.
En termes “éthico-politiques”, il s’agit de travailler à la réalisation universalisable de la Liberté ( individuelle de chacune de ces personnes ) et de l’ Égalité fondamentale de cette Liberté, donc des droits et libertés qui incarnent juridiquement cette Liberté et  des “devoirs” qui résultent de la défense de ces droits et libertés.

Par rapport aux nombreuses “autres morales” possibles, la Loi Morale Nouvelle peut donc être jugée comme “immorale” ( par rapport aux injonctions, aux droits et aux devoirs formulés par ces autres morales ) ou du moins comme “amorale”, en tant qu’elle ne reconnait plus la légitimité universelle  a priori de toutes ces “anciennes morales”.  Ces “anciennes morales” sont d’ ailleurs sur de nombreux points  contradictoires entre elles, mais même souvent à l’ intérieur de leurs propres systèmes prescripteurs respectifs.

Le “propre” de la Proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité” par rapport à la plupart des autres propositions de “Loi Morale” mais aussi de principes fondamentaux du Droit est d’inclure dans son deuxième volet ( “Libre Égalité” )  un abandon libre et volontaire de l’ habituelle “universalité” que la plupart des propositions de “lois morales” prétendent établir … à leur profit respectif, la plupart du temps d’ailleurs en prétendant accéder à une “vérité morale” qui serait soit démontrable, soit à admettre comme postulat “catégorique”.

En un sens donc, celui qui s’ énonce dans le deuxième volet “Libre Égalité”, la “Loi Morale Nouvelle” peut donc être considérée comme un “relativisme moral”, suivant lequel chaque personne, suivant son parcours de vie  empirique et les circonstances de son “environnement”, se fait sa “propre morale” ( une “sagesse personnelle” ), qui ne peut en aucun cas “valoir a priori” pour toute autre personne, sauf à lui demander son accord ou son libre consentement à un tel “contrat moral commun”.
La “Loi Morale Nouvelle” est donc  proche aussi des “éthiques minimales” comme celle proposée par  Ruwen Ogien.

Cependant, précisément à partir de cette  liberté individuelle de construire des contrats éthiques avec d’autres personnes ( “Libre Égalité” ), il est facile d’imaginer qu’un grand nombre de personnes peuvent choisir librement de considérer qu’une telle Liberté personnelle peut plus facilement être construite, notamment si on veut en faire des “libertés réelles” et non pas seulement se contenter de “libertés formelles”, si on choisit “en même temps” de reconnaître aux autres personnes exactement la même Liberté fondamentale que celle qu’on veut pouvoir mettre en œuvre pour soi-même.
Autrement dit, si on pose librement leur “Égale Liberté”.

Qui sont donc ces “Égaux devant la Loi”, devant cette “Loi Morale Nouvelle” ? Ce sont toutes les personnes, qui, comme moi, et VOUS peut-être ( “C’est VOUS qui voyez “), choisissent en effet librement de se considérer aussi fondamentalement libres les unes que les autres, pour la simple “raison” que telle est leur libre volonté … qui devient alors aussi leur “volonté générale” – entre elles – , non pas par un renoncement à leur propre “liberté naturelle”, mais parce que la nouvelle “liberté civile” ou “liberté conventionnelle” ainsi librement construite reste le libre prolongement et développement d’une telle  “liberté naturelle, mais librement pensée et voulue comme compatible avec celle des autres “contractants”.

Et non plus “obligatoirement” parce que leur “nature humaine”, ou la “Nature”, ou une loi divine, ou une “loi anthropologique”, ou une “structure transcendantale du sujet”, ou le “visage” lévinasien d’un Grand Autre  quelconque les contraindraient ou les obligeraient a priori à établir un tel “contrat humain de Liberté, d’ Égalité et de Fraternité”.
( Différence capitale notamment avec la “Loi Morale” kantienne )

Ni non plus parce qu’un ordre politique empirique, incarnant la “loi du plus fort, justifierait “a posteriori”, en tant que “souveraineté collective”, “souveraineté du peuple”, “souveraineté de l’ État ou de la Nation” ou “souveraineté internationale des Nations-Unies” , ou “souveraineté divine déléguée à une communauté religieuse”, la soumission à un système juridique de “droit positif” dont l’ “état de droit” serait lui-même juridiquement auto-justifié.

Bien sûr chaque personne, qui choisit librement de s’inscrire dans un tel cadre de “Loi Morale Nouvelle”, garde toute sa liberté fondamentale de choisir – en plus – pour elle-même – mais en ne l’imposant pas aux autres personnes – ses références à un “Droit Naturel” ou au “Droit positif” ou à un “Droit communautaire” de son choix, pour autant que ces autres références morales et/ou juridico-politiques ne s’imposent pas aux autres personnes participant au même libre contrat moral  d’ “Égale Liberté Libre Égalité”, et ne contiennent pas une obligation ou une contrainte visant à interdire aux personnes de s’associer  sur la base d’un tel contrat moral d’ “Égale Liberté Libre Égalité” :

On ne peut pas logiquement prétendre vouloir librement s’associer avec d’autres personnes sur la base d’une “Égale Liberté Libre Égalité” et en même temps vouloir interdire à soi-même ou à d’autres une telle liberté !
Une telle prétention serait bien sûr à la fois contraire à la Liberté et à l’ Égalité  à laquelle on prétendrait adhérer !
Et prouverait simplement que la personne en question ne sait pas ce qu’elle veut. Quant à VOUS, c’est VOUS qui voyez.

 

La “Loi Morale Nouvelle” ici proposée ( “Égale Liberté Libre Égalité” ) ne présuppose aucune “éthique de la vulnérabilité” comme celle proposée par Corine Pelluchon

Dans le cadre du principe d’ “Égale Liberté Libre Égalité” ici proposé, il est bien sûr possible en plus d’adhérer librement à tout autre cadre “éthique” ou “moral”, ou “politique”, si ou pour autant que ces adhésions ne mettent pas  elles-mêmes en cause l’ Égale Liberté des autres personnes d’ adhérer à leurs propres cadres éthiques ou politiques personnels.

Les propositions philosophiques de Corine Pelluchon, par exemple, peuvent rester compatibles avec les nôtres, aussi longtemps qu’elles restent de l’ ordre de l’ “éthique personnelle”, ou  librement partagées par de nombreuses autres personnes dans divers cadres associatifs, mais aussi longtemps seulement qu’elles ne cherchent pas à s’imposer aux autres, à moi-même par exemple, sous prétexte d’une “universalité” que Corine Pelluchon ou ses épigones pourraient vouloir instituer pour leur “éthique de la vulnérabilité” ou leur “éthique de la considération”  et qui en viendraient demander aux autres de s’y soumettre dans un cadre institutionnel politique juridique commun.

Si je reconnais à Corine Pelluchon, comme à toute personne, la même liberté de pensée, de communiquer et d’agir  conformément à ses propres convictions,  que celles  dont j’exige la reconnaissance pour moi-même,  une telle obligation ne vaut pour moi  que pour autant qu’ elle est réciproquement reconnue :
En particulier je serai particulièrement attentif au respect de l’égale liberté individuelle de penser de chaque personne et de chaque citoyen et d’avoir sa propre “éthique” de référence pour ses choix personnels.

Si d’une façon ou d’une autre le type d’ “éthique de la vulnérabilité” ou d’ “éthique de la considération” défendu par Corine Pelluchon en venait à remettre en cause le principe général d’autonomie personnelle” dans un combat juridique et/ou politique de type “anti-lumières”, “anti-modernité”, etc. alors bien évidemment il serait clair que nous ne partageons pas le même idéal éthique commun d’ “Égale Liberté“, et donc j’ en tirerais librement la conclusion de ma propre opposition juridico-politique à une telle tentative d’ emprise idéologique “anti-lumières” sur nos institutions juridiques et politiques actuelles ou futures.

Si j’ évoque ici une telle perspective, c’est qu’ en effet un certain nombre d’ écrits de Corine Pelluchon ou de ses commentateurs peuvent laisser craindre que leur libre critique philosophique de la notion d’ “autonomie personnelle” pourrait se transformer  un jour en volonté coercitive
( juridico-politique ) d’imposer leur vision du monde à tous,
donc à prétendre que LEUR “monde commun”, c’est à dire LEUR vision idéologique commune  du “monde”, devrait être LE “monde commun” non seulement de tous les êtres humains, mais même de tous les animaux et êtres vivants, auxquels bien évidemment Corine Pelluchon ne demande pas leur libre vision sur la question … car elle pense savoir à leur place, en bonne écolo-maternaliste, ce qui est “bon pour eux”.

Le “monde commun de tous les vivants” c’est le monde pensé PAR l’ “éthique de la considération” et l’ “éthique de la vulnérabilité” de Corine Pelluchon … POUR et à la place de tous ces êtres vivants, qui, comme ils sont tous très “vulnérables“, ne peuvent bien sûr pas penser par eux-mêmes … et doivent donc, en toute “humilité“, se soumettre à la sollicitude, aux soins maternels et attentifs, ressentis et bichonnés pour eux par l’ empathie naturelle des  phénoménologues “éco-féministes”.

La nouvelle “éthique animaliste” n’a pour le moment pas beaucoup à craindre que les vrais “sujets” concernés, les animaux eux-mêmes, se mettent, à titre individuel, à réclamer leur autonomie morale personnelle.
Il est donc facile pour cette “éthique de la considération”, de chercher à “prendre soin” d’eux, comme les “citoyens” masculins libres et égaux prenaient naguère soin de leurs femmes et de leurs enfants …  ou les maîtres de leurs esclaves ( car il y  a toujours eu de “bons maîtres” qui prenaient soin et même tenaient en haute “considération” leurs esclaves, ou des patrons leurs ouvriers, et des dominants “protecteurs et considérants” pour leurs “considérés” ) .

L'”humilité” comme méthode … méthode bien connue de tous les prêchiprêchas visant à obtenir l’obéissance  à la loi du “monde commun” entre les dominants et les dominés, en démontrant aux “dominés” qu’ils ne peuvent s’en sortir, “vulnérables qu’ils sont”, qu’en acceptant la protection paternelle des “bons dominants”  contre les “vilains dominants”.
Pourquoi prendre ses ressources philosophiques pour construire de futures institutions morales, juridiques et politiques chez des prédicateurs cisterciens  ?

” Autonomie personnelle” ?  “Égalité des droits et libertés”  ?
Vous n’y pensez pas, c’est la porte ouverte à toutes les exploitations …
Soyez attentifs aux “vrais besoins des gens et des animaux”  …
Ils comptent sur VOUS, comme les petits enfants sur leurs “parents” !

Certes ce n’est plus “Dieu” qui est aux “commandes”, nous dit Corine Pelluchon, comme pour nous rassurer sur sa conception éthique “transdescendante”.
Mais à la place de Dieu, il y a le “monde commun” ( “Harmonia mundi ?” ) … et Corine Pelluchon est son professeur de vertu.

Extrait de l’interview au Figaro :
” Je suis allée chercher dans les lettres que Bernard de Clairvaux a envoyées au pape Eugène III alors en exil l’inspiration première de ce livre. Il souligne l’importance d’une réforme intérieure aidant les individus à rechercher et à garder la mesure en échappant à la tentation de la domination. La première étape est l’humilité, dont les morales antiques ne parlent pas et qui est liée au rappel de sa condition d’être engendré. Enfin, alors que pour Aristote le critère de l’action bonne est l’homme prudent, pour Bernard de Clairvaux le rapport à soi qui fonde l’unité des vertus traditionnelles (prudence, courage, tempérance, justice) passe par un rapport à l’incommensurable qu’il identifie à Dieu et que, pour ma part, j’identifie au monde commun. Ce dernier est composé des générations passées, présentes et futures, et du patrimoine naturel et culturel ; il constitue une transcendance dans l’immanence et donne une épaisseur à mon existence. La considération est l’expérience de l’incommensurable et, dans mon livre, elle ne désigne pas un mouvement ascendant vers Dieu, une transcendance, mais une transdescendance. C’est, en effet, en approfondissant la connaissance de moi comme d’un être charnel que j’éprouve réellement mon appartenance au monde commun et que la conscience du lien m’unissant aux autres, humains et non humains, devient un savoir vécu. Ma manière de me percevoir et de percevoir le monde change. La considération est le fait d’avoir le monde commun comme horizon de ses pensées et de ses actes. Je passe alors du «vivre de» au «vivre avec» et au «vivre pour» et à l’engagement en faveur du monde commun. Loin de conduire au mépris du monde présent, elle permet au sujet qui la pratique de prêter attention à chaque chose. “

Pour autant, il y a bien des analyses  concernant les insuffisances des philosophies morales et politiques classiques par rapport aux défis contemporains et futurs que je peux partager avec Corine Pelluchon.

Une présentation du parcours de Corine Pelluchon par elle-même peut être trouvée sur son site personnel.

A suivre ….

Remarque :

J’ai déjà proposé un autre article concernant la prise de position de Corine Pelluchon au sujet de la législation sur la “fin de vie”,  où elle se dit à titre personnel opposée à la légalisation du suicide assisté .
Sur ce thème aussi, l’ “éthique de la vulnérabilité” est particulièrement appelée en référence par les adversaires de la légalisation de l’euthanasie volontaire et du suicide assisté : où l’ on voit bien comment le lobby “catho-médical de droite”, proche de la mouvance “sens commun” et de la “manif pour tous” cherche à instrumentaliser les conceptions philosophiques de Corine Pelluchon …

 

 

“Libre Égalité” et “Loi Morale Nouvelle”

La “Loi Morale Nouvelle” dont nous parlons ici se définit elle-même dans le résumé de sa formulation comme ” Égale Liberté Libre Égalité“.

Ceci signifie :

  1.   Comme “Égale Liberté“, ELLE se veut comme un cadre de légitimité morale possible, autrement dit une forme d’ “Égalité devant cette Loi”, qui demande à chaque personne concernée de respecter la Liberté des autres personnes comme elle veut que la sienne soit respectée par les autres.
    En cela la proposition est très proche en apparence de nombreux autres essais de formulation d’une “Loi Morale” à prétention  “universalisable” et bien sûr de la plus connue d’entre elles, la “Loi Morale” kantienne et son “impératif catégorique“.
    Si notre proposition se limitait à une “nouvelle” formulation de cette très ancienne et bien connue tentative  de définir une “Loi Morale universelle”, je n’aurais pas parlé de “Loi Morale Nouvelle“, mais simplement de “nouvelle formulation” de la “Loi Morale”, en présupposant, après beaucoup d’autres, qu’il y aurait une sorte de “fond commun” humaniste implicite entre toutes les “morales” particulières, d’origines religieuses ou laïques “anthropologiques”, etc… et j’aurais encore une fois essayé, vainement en effet, de dire une “nouvelle” fois, à ma manière, ce que d’autres philosophes se sont déjà de nombreuses fois essayés à formuler, et notamment le plus caractéristique d’entre eux à ce sujet, à savoir Kant.
  2.  OR, une remarque toute simple à ce sujet, que peut faire n’importe quel lecteur de ces philosophes ou de tout autre penseur moraliste, ou de textes traditionnels divers concernant la ou les morales et leur plus ou moins grande universalité possible ou leur relativisme culturel ou individuel, c’est que toutes ces propositions philosophiques de “Loi Morale” à prétention “universelle”, sont en fait toujours très fortement marquées par la personnalité philosophique de leur auteur et / ou par des “considérations morales” propres à leur contexte culturel, social, historique, etc.;
    Plutôt que de parler de “Loi Morale”, même s’il existe apparemment une problématique commune, il vaudrait mieux parler à chaque fois de “la loi morale de Kant“, “la loi morale chez Aristote“, “la loi morale chez Épicure“, etc. En remarquant bien combien cette prétention universalisante est toujours celle d’une liberté de pensée personnelle particulière, qui énonce “sa propre morale”, ou encore ne fait que répéter explicitement une référence dogmatique religieuse ou philosophique antérieure ou existante ou socialement et juridiquement déjà admise.
    Mais cette remarque n’est pas “nouvelle” non plus !
    Le soupçon philosophique,  esthétique ou politique concernant ces prétentions à l’ “universalité” d’une “Loi Morale” est depuis longtemps aussi à l’oeuvre : Marx, Nietzsche, Freud, les sciences humaines, et tout ce qu’on peut trouver dans la littérature comme formes de “relativisme moral” , de “déconstruction”, de “post-modernité”, ou toute critique qu’on voudra d’une telle prétention “universalisante”.
    En un certain sens, je souscris évidemment aussi à ce questionnement critique et donc à une forme de “relativisme moral”.
  3.  Mais précisément, malgré toutes leurs différences critiques, les auteurs, à la fois de multiples nouvelles formulations d’une supposée “Loi Morale” universelle introuvable, ou au contraire d’une réfutation relativiste systématique de toute tentative de définir une quelconque “Loi Morale”, s’entendent en fait la plupart du temps pour pratiquer leur propre “liberté d’esprit” ou “liberté de pensée” personnelle à ce sujet, et acceptent d’en débattre avec d’autres, sans s’entre-tuer …
    Certains de ces auteurs  ont d’ailleurs pensé y trouver un moyen détourné de refonder sur ce simple constat “pragmatique” ou “performatif” du dialogue entre pensées divergentes, un “fondement” méthodologique d’une forme morale “universalisable” qui n’arrivait plus à se fonder autrement d’un point de vue “théorique”.
    ( Voir par exemple Marcel Conche, ou encore Habermas, etc. ).
    Ou encore la question du “débat démocratique” qui serait une forme de moralité politique en acte …
    Récemment, le débat avec la critique venue d’une une certaine “ultra-gauche” ( “décoloniaux”, “féminisme intersectionnel”, etc. ) contre l’ universalisme, a relancé la problématique théorique à ce sujet :
    Ainsi Francis Wolff en fait une analyse précise dans son ouvrage de 2019 : “Plaidoyer pour l’universel” ( Ed. Fayard ), et prétend retrouver après d’autres, un “propre de l’homme”, dans la faculté de dialoguer …
  4.  En conséquence de cette reconnaissance “post-moderne” d’un pluralisme et d’un relativisme des valeurs, je propose donc que toute nouvelle tentative de définir une “Loi Morale” quelconque comme “Égale Liberté” ainsi instituée par cette “Loi de Liberté”, soit explicitement accompagnée dans sa formulation, de l’indication qu’une telle “Loi” ne peut ELLE-MEME être légitimement auto-posée que sous l’expresse condition de la libre adhésion des personnes qui y souscrivent.
    La “circularité” entre la liberté personnelle “naturelle-culturelle” qui choisit d’entrer dans le contrat social de cette”Loi Morale Nouvelle” et le type d’ “obligation morale” qui résulte en retour d’une telle adhésion est donc explicitement reconnue et formulée dans l’ expression même “Égale Liberté Libre Égalité“:
    Toute formulation de l’institution d’une  “Égale Liberté” comme “Loi Morale Nouvelle” reconnaît explicitement en même temps sa relativité pleine et entière au libre choix personnel de la personne qui s’y engage( donc sa “Libre Égalité”).

    Il n’ y a donc dans ce cadre aucun “renoncement” rousseauiste où la personne individuelle abandonnerait sa “liberté naturelle” pour se soumettre entièrement à la “volonté générale” ( désormais”politique” collective ) qui serait seule capable de garantir à chaque “contractant” sa nouvelle “liberté civile” égalitaire. Ce n’est donc pas une “volonté générale” distincte de chaque volonté particulière qui est chargée de la “régulation” de l’ “Égale Liberté” nouvelle, mais bien chaque personne elle-même, pour autant qu’elle VEUT que d’autres personnes puissent bénéficier de la même “Égale Liberté” dont elle voudrait se garantir elle-même  l’usage légitime, et se charge donc librement elle-même d’une telle participation à sa mesure dans ce Projet Idéal Commun.

    Libre à toutes les autres personnes de continuer à se débrouiller avec leurs “appartenances” collectives …. plus ou moins librement choisies … et avec les “citoyennetés”  libres et égales que leurs communautés ou leurs collectifs ( États, Nations, peuples, etc. ) de “volonté générale” sont censés leur garantir, en échange de leur “obéissance à la loi commune”.

    Libre à chaque personne aussi de choisir de n’entrer dans ce nouveau contrat de “Loi Morale Nouvelle” qu’à son propre rythme et suivant sa propre “liberté naturelle” maîtrisée, si elle respecte alors en conséquence l’ “Égale Liberté” des autres de faire comme elle, c’est à dire de “mesurer” de la même façon  la progressivité de leur adhésion formelle théorique et / ou de leur adhésion concrète réelle pratique à une telle “Loi Morale Nouvelle” définie par la “maxime” d’ Égale Liberté Libre Égalité”.

La croissance des inégalités

La croissance des inégalités dans le monde , mais aussi en France fait depuis longtemps l’objet de nombreuses études, mais aussi d’analyses politiques à la fois concernant les “origines” ou les causes de ces inégalités, mais aussi bien sûr des politiques de “remédiation” qui pourraient éventuellement les atténuer.

( Voir par exemple l’ émission “La grande table”  du 2 février 2018 sur France-Culture, 2ème partie  )

Cette thématique est bien sûr d’un intérêt capital pour notre propre Proposition – Principe – Projet de l’ “Égale Liberté Libre Égalité”.

Mais toutes ces analyses  et leurs conclusions divergentes éventuelles ne changent que le contexte évolutif  dans lequel la “réalisabilité” effective de notre Projet peut être envisagé à plus ou moins long terme.
Ces analyses ne changent rien, PAR DÉFINITION, au contenu normatif de la référence à notre proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité“, puisque celui-ci, PAR DÉFINITION,  n’est relatif qu’ à la libre volonté des personnes qui veulent participer à sa “réalisation” :
Certes, comme dans toute réalisation d’un quelconque projet, sa réalisabilité effective dépend considérablement du contexte réel où ce projet puise ses ressources potentielles, ses contraintes, ses obstacles, ses forces contradictoires, etc. . C’est en ce sens que toutes les analyses et polémiques, qu’ elles soient “scientifiques-théoriques” ou “idéologiques-économico-politiques” actuelles concernant les inégalités et leur croissance peuvent et même doivent nous intéresser.
Mais elles ne changent rien à la VALEUR intrinsèque d’ ordre normatif “moral” que nous attribuons, par libre décision personnelle, à notre proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité”.

Il est clair ainsi que si on considère que dans la conjoncture internationale actuelle, économico-politique mais aussi idéologique et culturelle, les analyses qui montrent une indiscutable “croissance des inégalités”, notre propre Proposition – Principe – Projet vise à la fois :

  1.  A travailler à la réduction de la plupart de ces inégalités POUR TOUS CEUX qui veulent sincèrement qu’ elles se réduisent … entre eux.
    ( Il paraît par exemple que près de 80% de français seraient favorables à une telle réduction … du moins dans leurs déclarations aux sondages d’opinion ).
  2. A considérer qu’ à cause de la “Libre Égalité” que nous défendons, toutes ces personnes ( en France ou dans le monde ) qui voudraient librement réduire les inégalités entre elles, ont le droit fondamental de s’organiser entre elles politiquement et juridiquement, mais aussi économiquement et socialement, pour réaliser un tel objectif en n’ étant plus contraintes par  tous ceux qui veulent au contraire maintenir un système inégalitaire  … entre EUX, et qui seraient, dans notre proposition, aussi libres de vouloir POUR EUX un système économico-juridico-politique inégalitaire et donc de le faire vivre réellement ENTRE EUX.
  3. Une des conditions fondamentales est la conquête progressive d’une autonomie juridico-polique, mais aussi économique et sociale, de toutes les personnes qui veulent LIBREMENT à la fois plus de Liberté et plus d’ Égalité entre ELLES-MEMES, par rapport à toutes les autres personnes qui veulent soit restreindre les libertés individuelles, soit augmenter les inégalités, soit les deux à la fois …
    Il ne s’agit donc pas de construire une “société alternative“au capitalisme, au sens où  cette “alternative” remplacerait partout les régimes politiques plus ou moins inféodés à la “mondialisation capitaliste”, car il est évident pour nous qu’un tel objectif, non seulement est irréaliste, mais s’il voulait à nouveau tenter de se réaliser “pour tous et partout”, verserait à nouveau inévitablement dans une forme ou une autre de totalitarisme, aux conséquences plus graves encore que le “totalitarisme mou” souvent décrit à propos de la “mondialisation capitaliste”.
    Il s’ agit de construire progressivement une “société parallèle“, qui peut être présente “partout” où vivent des personnes qui ont librement et réellement le désir et la volonté d’ élaborer ENTRE ELLES, une telle société à la fois plus libertaire et plus égalitaire, quelles que soient par ailleurs leurs différences personnelles. 

    Mais ces personnes doivent par conséquent mettre une telle nouvelle alliance ENTRE ELLES, moralement  au-dessus de toutes les autres “appartenances” traditionnelles auxquelles chaque personne peut par ailleurs être attachée ( communautés nationales, idéologiques, culturelles, linguistiques, de “classe”, de “genre”, etc… ).
    C’est cette libre décision personnelle de changer l’ordre “hiérarchique” des valeurs collectives qui sera décisive, en accordant la “légitimité morale” collective supérieure aux valeurs de l’ “Égale Liberté” et de la “Libre Égalité” entre ces personnes ( et toutes celles qui voudraient ou pourraient un jour les rejoindre ) , sur toute autre valeur culturelle personnelle ou sur toute autre valeur “culturelle” ou “sociétale” ou “politique” actuellement considérée comme “supérieure” dans telle ou telle communauté sociale, culturelle, politique ou juridique.
     

    Il est facile de voir et de comprendre que la “frontière” complexe ( et “fractale” ) entre le “Dedans” et le “Dehors” d’une telle “Société Parallèle” ne passe plus guère par des frontières géographiques ou “politiques”, ou par des murs physiques quelconques, ni même par des barrières linguistiques ou culturelles, ou des “fractures sociales” ordinaires, mais bien A L’INTÉRIEUR DE CHAQUE PERSONNE, qui est la seule à pouvoir décider librement POUR ELLE-MEME, jusqu’à quel point elle veut être à la fois LIBRE et ÉGALE à d’ autres personnes qui seraient AUSSI LIBRES ET ÉGALES qu’ elle-même le désire et le veut pour elle-même, dans une “société” et un “monde commun possible et progressivement réalisable”, PAR ET POUR DE TELLES PERSONNES.Car pour les autres personnes, c’est elles que cela regarde.
    Quand à VOUS, lecteur de ce texte, c’est “Vous qui voyez” !


Égale Liberté Libre Égalité, complémentarité et réciprocité

ÉGALE LIBERTÉ :
La Liberté, OUI, mais ÉGALEMENT  acceptée et reconnue par chaque personne à chaque autre personne qui choisit d’entrer dans ce même contrat.

LIBRE ÉGALITÉ :
L’ Égalité, OUI, mais LIBREMENT reconnue et acceptée par chaque personne participant à ce même contrat.

Ces deux “OUI”,
consciemment énoncés par ces “personnes morales libres et égales“,
non seulement ne sont pas contradictoires, comme le pensent certains,
mais se complètent et se renforcent l’un l’autre :
Les “personnes morales libres et égales” sont à la fois :
D’autant plus égales qu’elles sont chacune plus libre et libres donc notamment de choisir leur égalité.
D’autant plus libres qu’elles sont plus égales entre elles et peuvent donc se reconnaître mutuellement une telle Égale Liberté et qu’elles n’ont plus alors à craindre que la Liberté d’une de ces personnes veuille dominer la Liberté d’une autre, puisqu’elles ont alors, par définition même de leur “contrat moral”, librement choisi de ne plus chercher une telle domination.

Mais pour autant ces “personnes morales libres et égales” ne renoncent pas définitivement à leur “liberté naturelle” en entrant dans le “contrat moral” de cette “Loi Morale Nouvelle”.
Elles gardent précisément chacune la responsabilité morale de réguler l’ articulation entre leurs “libertés naturelles” respectives, et les “libertés civiles” résultant des différents contrats partiels passés – formellement ou non – avec les autres “personnes morales libres et égales”.

Bien sûr, chacune de ces personnes peut aussi choisir d’entrer avec d’autres personnes ou de reconnaître des lois ou des règles communes associatives diverses et s’engager alors à les respecter pour autant qu’elle exige que les autres participants d’une telle association partielle particulière respectent également ces règles communes.

Il s’agit d’une façon générale de “communautés” de nature diverse, dont beaucoup sont déjà préalablement constituées par les circonstances de l’ histoire, et dans et par lesquelles les personnes ont été “éduquées” sans l’ avoir explicitement choisi.

Mais une “personne morale libre et égale“, au sens où nous l’ entendons ici, doit se poser la question de son propre choix, soit de continuer à “appartenir” et à participer aux cadres normatifs de ses “communautés d’appartenance” initiales, ou à certains d’ entre eux, ou plus ou moins, ou au contraire de s’ en “émanciper”, soit pour rejoindre librement d’autres formes associatives similaires, soit pour en créer de nouvelles avec d’autres personnes libres et égales.

L’originalité de la Proposition ou du Projet de l’ Égale Liberté Libre Égalité, est précisément de considérer que cette Égale Liberté des personnes n’est plus présupposée dans une quelconque “loi naturelle”, ni dans un “droit naturel”, ni dans une quelconque “nature humaine”, ni évidemment dans une “loi divine” ou “transcendantale”,  ni évidemment dans une “souveraineté” qui appartiendrait spontanément à des “États de droit” , à des “Nations” ou à des “Peuples” déjà  empiriquement constitués par l’ histoire.
Cette Égale Liberté des personnes est librement choisie et voulue par ces personnes elles-mêmes, à partir précisément de la Libre Égalité qu’elles se donnent en même temps, en toute “souveraineté de chaque personne sur elle-même“.
C’est l’ auto-fondation circulaire de ce droit moral nouveau par et pour les personnes qui s’y reconnaissent  qui est constitutif du cœur et de la maxime centrale de ce que nous pouvons par conséquent appeler “Loi Morale Nouvelle“.

Cette auto-fondation circulaire de la “Loi Morale Nouvelle” par et pour les “personnes libres et égales” qui s’en réclament est aussi différente de la proposition de la “délibération démocratique” telle qu’elle peut être développée par Jürgen Habermas ou encore d’autres façons, par Karl-Otto Apel, ou encore , au niveau du “fondement de la morale” de Marcel Conche, auteurs qui continuent de croire qu’ils peuvent prétendre que leur propre interprétation personnelle puisse prétendre à l'”universalité” en trouvant une voie et une voix argumentatives qui seraient “supérieures” à celles de leurs interlocuteurs.
Pourtant, sachant ce qu’ils savent de leurs différences d’approche, il suffirait qu’ils acceptent que les autres approches ne sont ni plus ni moins un simple “point de vue perspectif”, et qu’il n’ont plus qu’un intérêt purement anecdotique ( une sorte de “plaisir du jeu de rôles”), à confronter leurs idées distinctes, et que chacun accepte de reconnaître à l’autre une “Égale Liberté” d’ exprimer et de développer son propre point de vue dans sa propre sphère perspective, sans chercher à en faire un point de vue “dominant”.

Bref, ceux qui sont pour accorder librement à l’ “Égale Liberté” une valeur supérieure aux contenus distincts et “différents” que chacun peut créer en exerçant cette “MÊME LIBERTÉ”, peuvent alors accepter tout aussi librement une “Libre Égalité” qui énonce en effet la Liberté de chacun de ces points de vue personnels subjectifs de se distinguer des autres, tout en pouvant aussi librement choisir de changer de “point de vue”, sans renoncer , ni à la possibilité de revenir au précédent, ni surtout à la commune libre adhésion au principe d’ “Égale Liberté”, comme principe librement choisi en commun ou “règle du jeu des je” .

En effet, de la POSSIBILITÉ d’une telle coordination réflexive ( sur une base d’ argumentation critique “philosophique” ) entre les points de vue philosophiques différents , ne résulte pas un “devoir” universalisable à toute conscience possible de construire une telle coordination, mais seulement l‘ouverture d’un espace dans lequel les “personnes libres et égales” PEUVENT entrer, plus ou moins, suivant leurs propres choix, sachant en effet qu’au “centre” de cet espace, elles “doivent” ( par définition de la “règle du jeu des je” axiomatique qui définit un tel “barycentre de l’égale valeur des positions “philosophiques” ” ) respecter le plus possible le principe de leur “Égale Liberté”.
Autrement dit, en employant le vocabulaire rawlsien : l’entrée dans la “position originaire” , de “personnes libres et égales”, est elle-même circulairement dépendante de leur libre décision personnelle d’Y entrer , et n’a plus aucune autre “autorité” ( “originaire” ou “transcendantale” ou “collectivement immanente”, etc. ) que cette libre décision personnelle d’Y participer .

C’est donc bien “VOUS qui voYez” …

Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

L’ expression “Égale Liberté” a déjà une longue histoire qui se confond presque avec l’ histoire de la philosophie “moderne” ou encore de l’ “Esprit des Lumières”.

En voici une formulation célèbre en termes de définition du “droit”  :

Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord à la liberté de tous en tant que celle-ci est possible selon une loi universelle.”      Kant, Théorie et pratique Dans la Critique de la Raison Pure
( trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, 1944, p. 264 ) :

Une constitution ayant pour but la plus grande liberté fondée sur des lois qui permettraient à la liberté de chacun de subsister en même temps que la liberté de tous les autres (je ne parle pas du plus grand bonheur possible, car il en découlerait de lui-même), c’est là au moins une idée nécessaire qui doit servir de base non seulement aux grandes lignes d’une constitution civile, mais encore à toutes les lois, et où il faut faire abstraction, dès le début, des obstacles actuels, lesquels résultent peut-être moins inévitablement de la nature humaine que du  mépris que l’on a fait des vraies idées en matière de législation

En un certain sens , du point de vue de l’ énoncé de l’idéal théorique “formel”, tout de ce que “NouS” proposons sous l’ expression “Égale Liberté” y est déjà dit et en quelque sorte inclus, et tout objecteur à notre proposition peut ainsi à la fois prétendre récuser une certaine “originalité” ou “nouveauté” de notre proposition dans laquelle “NouS” ne ferions que répéter inutilement ce que d’autres penseurs ont depuis longtemps déjà proposé, et NouS objecter précisément toutes les mêmes objections qui ont été faites depuis longtemps à cet énoncé d’un principe d’ “Égale Liberté”.

Cependant, qu’il s’agisse de Rousseau, de Kant, des penseurs de la Révolution française ou américaine, ou plus récemment de philosophes de la politique ou du droit comme John Rawls, etc. il s’agissait toujours pour eux de prétendre qu’une telle proposition faisait partie du fondement d’un “Droit Naturel”, quelles que soient par ailleurs les ambiguïtés de la référence à une “nature humaine” ou à une “nature” en général.
Comme si la “justification” d’une telle proposition devait nécessairement se trouver dans un “fondement” extérieur à la liberté même dont cette proposition proclame la valeur.

Certes, des auteurs comme Rawls ( ou Habermas, ou ceux qui proposent en général une “éthique de la discussion”, ou comme Francis Wolff un “principe de réciprocité” dérivé d’une “raison dialogique humaine” ) ont bien vu qu’on ne pouvait pas se contenter d’un simple appel à une “nature” toujours suspecte de revenir à un fondement “ontologique” plus ou moins “divin”, même si on emploie des termes alternatifs alambiqués comme “transcendantal” ou “originaire” pour prétendre énoncer une “valeur rationnelle  objective” constituante de l’ “humanité”,  de l’ éthique et du droit, mais qui ne soit pas elle-même “constituée” par les hommes réels, par leur évolution bio-psycho-sociologique et par l’ histoire de leurs relations.
Chez Rawls on voit ainsi ( à travers la fiction du “voile d’ignorance” ) un essai de formuler les “premiers principes de justice” en prétendant les tirer d’une simple “procédure” que l’on suppose cependant à valeur “universelle” … ( du moins pour les “démocraties occidentales” ).

Mais toute “procédure” ne VAUT que pour ceux qui font le libre choix de l’utiliser pour réguler leurs interactions à partir de cette “valeur commune” ou de cette “procédure” commune.
Si l’intérêt de toute démarche d’explicitation procédurale est en en effet de pouvoir constituer une base de représentation “explicative” ou même “compréhensive” commune à des interlocuteurs qui ne partagent pas a priori les mêmes convictions, opinions ou représentations, elle est insuffisante pour conférer de la “valeur” aux conclusions tirées de cette démarche procédurale si la “valeur” de la procédure n’est pas elle-même reconnue. Car il faut déjà que les interlocuteurs se soient eux-mêmes suffisamment mutuellement reconnus comme libres participants à la “règle du jeu” “dialogique” proposée par l’un d’entre eux …
Sinon on en revient, même implicitement, à une méta-règle du jeu “transcendante”.

Si notre propre proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité” se limitait en effet à son premier membre ( “Égale Liberté” ) , NouS aurions en gros les mêmes problèmes et difficultés à répondre aux objections historiques des contradicteurs ou des opposants au principe d’ “Égale Liberté”.

Mais précisément, NouS déclarons que notre propre version de cette proposition d’ “Égale Liberté” ne se prétend plus, ni  “fondée en nature”, ni reposer sur une “raison” a priori universelle , ni sur une quelconque “structure anthropologique” et encore moins sur une quelconque “constitution transcendantale” ou “originaire” qui échapperait à la volonté humaine tout en la “constituant”. 
Nous reconnaissons donc la légitimité des objections “positivistes” ou “historicistes” , “relativistes” ou encore “matérialistes” ou “empiristes”, qui visent à relativiser toute cette prétention à l’ universalité du fondement du droit ou d’une “éthique universelle”.
Ou encore celles qui ont été énoncées depuis longtemps par les “maîtres du soupçon” ( Dont la triade Marx, Nietzsche, Freud et leurs multiples descendances hybrides ), ou par les dénonciations “post-modernes” du “sujet” ou de l’ Homme”, structuralistes ou post-structuralistes.

Cependant une telle “relativisation” liée à une analyse empirique factuelle des phénomènes évolutifs humains, culturels, politiques, économiques, sociaux,  ou encore plus radicalement, à la simple créativité esthétique ou artistique personnelle, n’ “oblige” précisément personne non plus à renoncer à un tel IDÉAL d’ “Égale Liberté”,  sous prétexte qu’il ne serait pas inscrit dans un marbre “transcendantal” d’une table de la loi “universelle et nécessaire”, ou dans une “loi naturelle”, ou qu’il ne serait pas implicitement “reconnaissable” dans quelques régularités culturelles ou sociales empiriquement et statistiquement déjà constatables dont un tel Idéal ne ferait que représenter l’ “idéal-type” caricatural et simplificateur.
( Ce qui est la thèse de différentes formes de scientismes ou de positivismes pour lesquels le “droit” n’est jamais qu’une consolidation postérieure artificielle  de comportements et d’évolution de ces comportements déjà existants dans le réel et obéissant par conséquent intégralement  à toutes sortes d’autres causalités que celles qui résulteraient d’une rétroaction d’une telle formulation idéale du droit sur la réalité elle-même ).

D’où peut alors venir un tel “fondement” de ce qui est proposé ici sous l’ expression “Égale Liberté“, PAR QUI et POUR QUI, sinon des personnes elles-mêmes qui, EN TOUTE LIBERTÉ PERSONNELLE précisément, font le choix éminemment personnel d’en faire pour ELLES-MEMES, leur propre IDEAL commun. LIBRE CHOIX dont NouS proposons l’institution, sous le nom de “Libre Égalité“, en même temps ( dans la même formulation et proposition “constitutionnelle” ), que celle de l’ “Égale Liberté“.

C’est donc leur liberté même, auto-posée comme valeur, qui “justifie” et “fonde en droit”, la valeur de cette liberté pour les personnes concernées, c’est à dire qui se sentent ou se veulent concernées par une telle proposition, probablement parce qu’elles l’ont déjà plus ou moins implicitement formulée pour et par elles-mêmes, sans attendre qu’une autre personne la formule à leur place.
Il suffit alors de s’apercevoir qu’une telle libre auto-fondation de la valeur de sa propre liberté personnelle, toute autre personne capable d’ en comprendre le principe ( VOUS par exemple ), PEUT aussi Y adhérer et accepter que d’autres personnes qu’elle-même en partagent à la fois les droits et les devoirs éventuels, en toute “Égale Liberté“.
Ce n’est plus alors une quelconque “transcendance” ni structure a priori du fondement du droit ou de la morale qui obligerait un “sujet” à Y adhérer, ni bien sûr non plus une quelconque entité collective empirique existante ( État, Nation, Peuple, Communauté, Société, Humanité … ) considéré comme “préalable” ou empiriquement constitutive de la “subjectivité” de ses membres.  C’est purement et simplement, un acte libre de la personne elle-même qui instaure et institue la VALEUR de sa propre liberté à ses propres yeux.

Décision qui en conséquence lui pose la question OUVERTE, non seulement de sa propre liberté actuelle, présente, hic et nunc, mais de toute liberté future possible ouverte en droit à partir d’une telle décision, et de sa reconnaissance dans les mêmes termes, de l’ Égale Liberté de toute autre personne dans l’ univers qui prend ou prendra un jour, pour et par elle-même une telle décision.
La libre décision personnelle de considérer toute autre personne faisant un tel choix comme rigoureusement ÉGALE “en dignité et en droits”  pour autant que celle-ci, prend elle aussi, cette “même” libre décision.

S’agissant des “Droits Humains” , il s’agit alors d’une nouvelle extension de ces droits et libertés et donc des “devoirs” qui en découlent pour leur réalisation “effective”, mais non plus fondés sur un “droit naturel” supposé “valoir” pour tous les êtres humains et obliger tous ces êtres humains à partir d’une “constitution” ou un “contrat originaire” qui échapperait à leur propre libre volonté personnelle, ni d’un “droit positif” supposant la “légitimité” préalable de la “souveraineté” instituée par le jeu des “forces” sociales, politiques, historiques, culturelles, etc.
( Nations, peuples, communautés d’origine éthniques, linguistiques ou religieuses, etc. )

Il s’agit du fondement d’un nouveau type de DROIT  DES PERSONNES qui ne vaudra que PAR et POUR les “personnes souveraines” qui  instituent collectivement entre elles la valeur autonome de leur “Égale Liberté et Libre Égalité“.

Tout “être humain” ( et plus largement tout être conscient de l’ univers capable de comprendre ce qui est en jeu …) est bien sûr “invité” à rejoindre ce nouveau statut de “personne souveraine, libre et égale” , mais il ne peut, PAR DÉFINITION, ni y être contraint par la force, ni même “obligé” par un supposé “contrat humain ou anthropologique originaire”, ni par une “dignité inhérente à l’ espèce humaine” mais qui ne serait pas elle-même définie et décidée par ces mêmes êtres humains ( ou en général êtres personnels conscients et capables de volonté.individuée )

Ce n’est qu’une libre décision de sa part, et donc la reconnaissance de l’ Égale Liberté des autres qui l’ accompagne, qui peut l’ engager lui-même dans cette voie.

Quant à VOUS, c’est vous qui voyez …

REMARQUES ET COMMENTAIRES


On peut trouver des éléments d’analyse historique du principe d’ “Egale Liberté” dans ce texte en ligne de Alain Laurent :
 http://www.catallaxia.org/wiki/Emmanuel_Kant:Les_justes_droits_d’%C3%A9gale_libert%C3%A9

Extrait :

” Lorsqu’il a invoqué cette norme dans la Théorie de la justice, Rawls n’a fait que reprendra son compte un principe énoncé depuis deux siècles déjà par Jefferson et Kant, qui, au beau milieu de… la Critique de la raison pure, présente comme une « idée nécessaire » celle d’une « constitution ayant pour but la plus grande liberté humaine fondée sur des lois qui permettent à la liberté de chacun de pouvoir subsister en accord avec celle des autres ». La formulation définitive en est revenu à Spencer dans les Social Statics puis les Principles of Ethics : « Chaque homme est libre de faire ce qu’il veut pourvu qu’il n’atteigne pas l’égale liberté de tout autre homme ». Ce que Popper a repris sous une forme négative : « la liberté de chaque individu ne doit pas être restreinte au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un égal degré de liberté pour tous » (La société ouverte et ses ennemis, II). “

On peut trouver en ligne de nombreuses références à l ‘ Idée centrale dont il est question, notamment formulée par Kant :

Voir par exemple ici : La philosophie du Droit de Kant  de Simone Goyard Fabre


( Sous – remarque :
Cette liberté pragmatiquement en acte ( pensée langage  outil ) rétroagit sur l’ “objet concept” qu’elle “construit” sous ce mot “liberté” et réciproquement :
c’est donc de cette spirale récursive auto-référente qu’il est ou qu’il devrait toujours déjà être question : encore faut-il attendre que l’ évolution des capacités technico-scientifiques en démultiplie les implications libres potentielles. ( par exemple par la modélisation informatique )
Il ne s’agit bien sûr pas d’oublier les “déterminismes culturels et sociaux” ou les contraintes proprement “formelles” ou linguistiques ou “structurales” qui peuvent infléchir de façon complexe les dynamiques personnelles, interpersonnelles et collectives des interactions entre ces nombreuses “libertés de penser” individuelles.
Mais dès qu’on s’aperçoit de la dimension proprement “récursive” donc en un sens “auto-référentielle” et par exemple “auto-éco-géno-phéno-ré-organisante” ( comme dirait Edgar Morin …) de la “liberté se posant elle-même”, nous ne pouvons plus nous laisser impressionner par le simplisme de supposés “déterminismes” univoques ou linéaires qui interdiraient de donner un sens quelconque au mot “liberté. Si on se place du point de vue d’une analyse “causale” naturaliste ou physicaliste alors il faut au moins se reporter à des modélisations en termes de “systèmes complexes”, car ce que nous appelons “liberté” ne se “réfère” qu’à des dynamiques organisationnelles “émergentes”  supposant une “complexité” suffisante des interactions, notamment cérébrales, pour former une “prise de conscience psychologique”. )

2. Mais la plupart de ces penseurs de l’ “Égale Liberté” ont proposé cependant que cette “même idée” soit un “principe universel”, voire même que leur propre formulation personnelle prétende à une telle “universalité” ( C’est notamment le cas de Kant … ).
La problématique d’une telle universalité elle-même problématique est bien sûr à relier au concept même de “liberté” : un même MOT ( ou éventuellement quelques uns comme en anglais “liberty” et “freedom” ), peut être “librement” pensé avec une certaine variabilité de son contenu liée notamment à l’ exploration personnelle LIBRE de cet espace sémantique et de ses implications linguistiques, culturelles, poétiques  ou “pragmatiques”.
Comment se fait-il que ces penseurs n’ aient pas remarqué que la notion même de “liberté de penser” était réapplicable “récursivement” à l’ expression “liberté de penser” ? Et donc que chacun est précisément “libre de penser” ce que signifie “être libre de penser” … tout en étant en effet en train de “tourner” ou de “graviter” autour d’une “même idée”. Et que c’est donc cette liberté de penser elle-même qui d’une certaine façon limite l’ unicité et l’univocité radicales de l’idée de “liberté”.
L’ idée de “liberté” est donc par excellence à la fois “une” ( comme le signale l’usage d’un mot ou de quelques mots dénotant cette “idée” ) et plurielle, à cause du contenu sémantique même de cette idée : “La liberté” se décline LIBREMENT en de multiples “libertés” et de significations possibles de ces “libertés” … pour chaque personne librement pensante et volontairement agissante.

Remarque :
Kant lui-même était bien placé pour savoir que la “critique de la Raison” ne pouvait être menée que par la Raison “elle-même, donc dans une “boucle” autoréférentielle. Évidemment, pour cela il faut renoncer à l’universalité a priori, sauf si on DÉCIDE LIBREMENT de définir désormais un tel “a priori” comme caractérisé par cette “autoréférence même”, qui n’ a donc plus rien de “transcendantal”, mais est – par sa propre autodéfinition autoréférente – totalement “immanente” à elle-même, c’est à dire au “sujet” personnel lui-même qui s’y pose en effet lui-même “comme tel”, comme “sujet libre”.
( On est alors plus proche de l’ “esprit absolu” hégélien , où tout “dehors” supposé nécessite au moins que cette “extériorité” soit pensée … de l’ “intérieur” de l’ esprit … ou devienne une “pensée vide” ).

3. Concernant l’ idée d’ “Égale Liberté”, l’usage de l’ adjectif “égal”  est bien sûr problématique aussi : il est évident qu’on ne peut pas comparer les “libertés” comme on compare des “grandeurs” numériquement mesurables ou ordonnées.
La plupart du temps où l’on pense, imagine ou perçoit la liberté d’une personne comme “supérieure” ou “inférieure” à celle d’une autre ou encore pour une même personne comme supérieure ou inférieure suivant les moments et les circonstances, ce sont précisément certaines “conditions” empiriques d’ exercice de la liberté qui sont considérées comme différentes ou “comparables” sur différentes échelles d’évaluation.
Si on parle d’ autre chose ( de la “liberté en soi” indépendamment des conditions empiriques d’exercice de cette liberté), il s’agit alors d’une valeur que l’on pose et qu’on “attribue” , et cette position dépend donc de la décision de la personne qui pose cette valeur et choisit cette forme d’ évaluation.
Rien ne m’ empêche de “décréter” la valeur intrinsèque et auto-référente de ma liberté … sauf éventuellement ma liberté elle-même qui alors s’affirmerait tout autant … :
Si je me décrète “libre” de décréter la valeur intrinsèque de ma liberté, je CRÉE ce cercle auto-référent, non pas certes de l’ ensemble des conditions empiriques  d’ exercice de cette liberté ( qui ne dépendent qu’indirectement de ma volonté  consciente ), mais le cercle auto-référent de sa “valeur morale” pour moi, puisque je décrète en même temps, que toute autre “valeur morale” supposée n’ en aura pour moi qu’ à l’expresse condition de ma propre liberté de jugement à cet égard.

Évidemment, il n’ en résulte nullement ( contrairement à l’ “universalisme a priori” de type kantien ) que “tout être humain” DOIVE en faire de même, et DOIVE de la même façon que moi, “décréter” la valeur auto-référente de sa propre liberté, au nom d’un “impératif catégorique” transcendantal :
l’ inconditionnalité de sa liberté signifie précisément qu’il PEUT le faire, comme moi j’ ai décidé de le faire, mais qu’il PEUT aussi le refuser, en participant ainsi à la “constitution” d’une autre conception éthique, juridique et politique que celle que je propose, mais à laquelle je ne me sentirai aucune obligation ni éthique, ni juridique ni politique de “participer”, si ma propre capacité de décision libre ultime m’ est refusée.

Dès qu’on cherche à traduire l’ énoncé formel d’une liberté en termes de “conditions réelles” de l’ exercice de cette liberté, on peut être amené à comparer ces diverses conditions entre elles.

L’ exigence de l’ “Égale Liberté” ne se traduit pas ( sauf dans une version “égalitariste” simpliste et totalitaire ) par l’ “égalité numérique” des grandeurs physiques ou économiques associées, mais par des questions posées au sujet de leur ÉQUIVALENCE en termes de “liberté” individuelle et/ou collectivement choisie. Or cette “équivalence” effective  des conditions réelles d’une “Égale Liberté” est bien sûr fonction des personnes, des situations, etc.
Elle concerne donc d’abord l’ “Égale Liberté” au moins formelle, de chacune des personnes concernées, de participer à une telle “évaluation” collective, lorsque cette évaluation collective devient nécessaire à cause des conflits qui surgissent dans la réalité, même entre des personnes dont on supposerait qu’elles adhèrent librement au principe d’ “Égale Liberté” entre elles. Bref cela suppose le droit de chacune à participer “également” à la définition des “lois minimales” nécessaires à la sauvegarde et au progrès de leur commune “Égale Liberté”.
Il appartient donc essentiellement à chaque personne de  définir avec d’autres personnes dans quels cadres de “bien commun”, d’ “intérêt commun”, de “projet commun”, etc.  elle veut établir des normes communes d’égale protection réciproque de leurs libertés respectives.

Bien sûr une telle mutualisation volontaire choisie des conditions concrètes d’ exercice des libertés ne peut pas s’installer du jour au lendemain dans des sociétés réelles marquées depuis une longue histoire culturelle, économique, sociale et politique par la “tutelle” exercée sur ses membres par une ou des collectivités complexes d’ “appartenances” multiformes et imbriquées.

Il appartient donc désormais à chaque personne de se poser dès aujourd’hui la problématique de ses “appartenances” ou “identités” collectives complexes, d’en analyser les causes et les effets, et de savoir qu’elle aura de plus en plus à décider par elle-même du type de lien culturel, social, économique, politique, etc. qu’elle voudra tisser avec d’autres personnes.
(
On peut aussi voir à ce sujet certaines approches “multiculturelles”, ou certains essais concernant la “créolisation”, ou du “faire rhizome” à la manière d’ Edouard Glissant, mais de nouveaux totalitarismes guettent rapidement ceux qui veulent que le “tout-monde” se fasse … à leur façon … )

4. Très rapidement, à partir d’une certaine idée d'”universalisation” possible de l’ idéal d’ “Égale Liberté”, se pose la question de savoir si, comment et par qui cet idéal sera ou devra être “partagé”.
D’autant plus que, comme nous venons de le voir, il n’y a pas pour “NouS”, de “vérité universelle” en cette matière normative, et que des points de vue particuliers différents de philosophie morale, politique ou économique sont défendables par les uns et les autres ( du genre “utilitarisme”, “droits naturels”, “libéralisme”, etc. )

– On connaît ici la “réponse” de certains, notamment de Rousseau, qui y répond en prétendant que la seule “solution” est de “contraindre chaque citoyen à être libre” ….
J’ ai déjà exposé plusieurs fois sur ce site en quoi précisément JE rejette radicalement cette idée que l’ “Égale Liberté” dont il est question puisse être imposée à tous par la contrainte : c’est très exactement ce qui a conduit aux totalitarismes d’ “extrême gauche” qui ont illustré notamment le XXème siècle.
C’est très exactement une des raisons fondamentales pour lesquelles je propose, de façon immédiatement complémentaire au principe d’ “Égale Liberté”, celui réciproque de la “Libre Égalité” .

– Ce qui signifie que ceux ( les personnes ) qui veulent cependant à nouveau tenter une telle “constitution” prétendant “contraindre les citoyens à être libres” , ou qui invoquent une “souveraineté nationale” ( ou “communautaire” ethnico-religieuse ou autre collectif coercitif, même prétendu de “droit naturel”  ou à la manière d’un “tout-monde” écologique ) permettant à une “majorité” d’imposer sa dictature sur l’ ensemble des personnes résidant sur un territoire, PEUVENT évidemment le faire ENTRE EUX si ça leur convient ( ils ne ME demanderont d’ailleurs probablement pas MON avis …)  : c’est à EUX de penser si et à quelles conditions cela est réellement possible dans le monde actuel …

Simplement JE ne participerai pas à leur “constitution”, j’ essayerai de “survivre en marge” … en ayant le moins besoin de leur accord ou de leur soutien “communautaire”, en “constituant” ma propre référence “collective” désormais avec TOUTE personne librement en accord ( à partir de son propre choix personnel ) avec un Idéal commun d’ Égale Liberté et n’ayant donc plus besoin au niveau “symbolique” ou théorique d’une quelconque “contrainte” ou “obligation” ( sauf celle qu’elle se donne à elle-même dans ce libre choix assumé de l’ “Égale Liberté” ) pour établir avec moi-même et les autres personnes animées par la même libre décision personnelle, la motivation projective commune fondamentale ( à long terme ), au-delà ou “par-delà” les anciennes autres “appartenances” ou “identités” multiples actuelles ou “alternatives”. Cette motivation ou “sens” d’un projet commun possible ( que je propose de nommer provisoirement “Projet de l’ Égale Liberté Libre Égalité” pour  en indiquer suffisamment simplement l’ esquisse ) est potentiellement constituant d’un “NouS” dans lequel désormais je reconnais librement toute “personne souveraine libre et égale” comme co-citoyenne pour autant qu’elle me reconnaisse ainsi qu’à toute autre personne faisant cette même démarche la même égale co-citoyenneté.

5. Prolongement et différence avec l’ Idéal d’ “émancipation” des Lumières.

En un certain sens , certains verront dans ma proposition une simple reprise de l’ Idéal “moderne” des Lumières :

– certains pour dire que ma proposition n’est qu’une pâle copie des Idées philosophiques “originales” de cette époque, et qu’il vaut donc toujours mieux s’adresser aux sources mêmes de la philosophie des “Lumières” , relire les “philosophes” du XVIIIème siècle,  ou parcourir la longue “histoire des idées” qui ont conduit à ces “Lumières” de la “Raison”.
– d’autres pour en conclure immédiatement que les critiques adressées depuis longtemps et actuellement à la tradition des Lumières ( romantisme, Marx, Nietzsche, Freud, … les sciences humaines, le structuralisme … ou tout “anti-modernisme”, “post-modernisme”, “déconstructivisme” ou “critique de la critique” contemporains qu’on voudra convoquer à cette fin  ) valent par conséquent aussi pour “déconstruire” ou réfuter d’avance ma propre proposition.

Je ne renie évidemment pas une telle “parenté” avec l’ “Esprit des Lumières“, dont le choix de l’expression “Égale Liberté” est aussi significatif.
Mais, dans ma propre proposition on ne retrouve plus du tout ni de recours à un universalisme a priori de type kantien, ni à un quelconque “droit naturel”, ni à une “loi de l’Histoire et du Progrès”, ni même à l’ idée qu’un tel “projet d’ émancipation” devrait “nécessairement” valoir pour tous dans un “commun” coercitif.

– si je retiens l’ universalisme POTENTIEL ( ouverture du projet à toute personne capable d’en comprendre le contenu de proposition minimal  ),
l’ exigence simultanée explicite de la “Libre Égalité” signifie précisément que cette proposition, loin d’ être basée sur une sorte d’ impératif catégorique, transcendantal ou anthropologique ou sur un quelconque ordre de la “Raison humaine universelle”, est directement indexé sur la LIBRE DÉCISION PERSONNELLE d’y adhérer.

Et qu’ en particulier la nouvelle inflexion de sens proposée pour l’ expression “Égale Liberté” est désormais  marquée en retour par le sceau de cette “Libre Égalité” dont la dynamique justificative ne peut provenir que de la liberté individuelle et non d’un collectif historique, culturel ou social supposé “préalable” ( même pas celui de la “Tradition des Lumières”, et ceci d’autant plus que les “Lumières” consistent précisément toujours à questionner toute “Tradition” de façon “critique” …)

Et encore moins de la supposée “démocratie” de “peuples” ou de “corps politiques” qui seraient déjà considérés comme “constitués”. Car c’est de la constitution même de nouvelles formes de “corporéités” politiques, qu’il est ici question, à partir de la libre décision de chaque “personne”, considérée comme “souveraine sur elle-même” , de former de tels “nouveaux corps politiques” avec d’autres personnes explicitement reconnues comme aussi “libres et égales” qu’elle-même se reconnaît ainsi “en toute souveraineté”.