ELLE et l’ « universalisation » de la loi morale kantienne

La « loi morale » kantienne repose sur un principe d’universalisation possible de la « maxime » d’une action.

On sait que son « impératif catégorique » a été formulé de plusieurs façons par Kant , énoncés ainsi sur Wikipédia :

  • « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » (IIe section, IV, 421, in Œuvres philosophiques, t. II, éd. F. Alquié, Gallimard, Pléiade, 1985, p. 285), parfois résumé par « Agis de telle sorte que le principe de ton action puisse être érigée en loi universelle ».
  • « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »
  • « L’idée de la volonté de tout être raisonnable conçue comme volonté instituant une législation universelle.  »
  • « Agis selon les maximes d’un membre qui légifère universellement en vue d’un règne des fins simplement possible. »

Une analyse critique intéressante des limites du critère d ‘universalisation tel qu’il est pensé par Kant peut être trouvée dans cet article de Luc Langlois :
« Impératif catégorique, principe de généralisation et situation d’action »
( Langlois Luc, « Impératif catégorique, principe de généralisation et situation d’action », Cités, 2004/3 (n° 19), p. 153-171. DOI : 10.3917/cite.019.0153. URL : https://www.cairn.info/revue-cites-2004-3-page-153.htm )

Je partage un certain nombre des remarques critiques faites à ce sujet par Luc Langlois. De même le rapprochement avec la discussion de la Théorie de la Justice de Rawls ou la question de la substitution à la référence kantienne de la « verticalité » entre monde intelligible et monde sensible, de la dimension « horizontale » du dialogue dans l’ « éthique de la discussion » de type Jürgen Habermas et Karl-Otto Apel .
( Voir la deuxième partie du texte de Luc Langlois )

Cependant, pour ma part, je n’accepte pas de dissoudre la question « morale » , dans celle de la « solidarité humaniste » :
« Suivant cette hypothèse, le moment d’universalité de la morale ne peut en dernière analyse reposer que sur une exigence absolue d’humanité, telle qu’elle se manifeste au premier chef à travers l’expérience du mal, de la souffrance et de l’injustice, en s’identifiant en fin de compte aux structures profondes de la réciprocité et de la coexistence humaines [30][30]Ibid., p. 139-140.« 

En effet, s’il n’y a pas de recours possible à un « monde intelligible » de la « raison pure » ( « verticalité » ), il est, pour moi,tout aussi illusoire de prétendre que « l’universalisation possible » puisse être « fondée » sur une supposée « unité anthropologique » qui échapperait elle-même non seulement au pluralisme des cultures et des subjectivités individuelles ou collectives « situées », mais serait plus « originaire » que la volonté consciente des personnes.

C’est bien la raison pour laquelle c’est à l’ idée et à l’ idéal de Liberté lui-même qu’il est possible de recourir, dont rien ne présuppose qu’il doive être obligatoirement seulement « humain », ni restreint et « encadré » par une quelconque considération de stabilité des espèces biologiques « humaines », ni de supposées « structures anthropologiques » qui ne font que reconstituer le recours au « transcendantal » ou à l’ « originaire phénoménologique » .

La tentative de trouver une « transcendance immanente » ou une « verticalité horizontale » ne peut, selon moi, résulter que de la libre volonté « immanente » d’un certain nombre suffisant de personnes qui se donnent à elles-mêmes un tel Idéal commun , mais un Idéal qui ne préexiste ni dans un « monde intelligible platonicien », ni dans une « structure anthropologique dialogique » , qui est encore une fois une façon de prétendre « obliger » des personnes à se soumettre à un « ordre hétéronome » qu’elles n’auraient pas elles-mêmes explicitement choisi, de façon à prétendre leur éviter d’avoir à créer la Loi elle-même à laquelle on prétend cependant qu’ils « doivent » se soumettre … en toute liberté.
( Rappelons que toute loi « morale » présuppose l’autonomie de la volonté et la liberté de la conscience, sans laquelle la « soumission » de la personne à la loi ne serait que la résultante d’un état de fait « empirique » , résultant en fin de compte d’un « rapport de forces » violent, intrinsèquement condamné comme « immoral » par la « loi morale » elle-même dont on souhaiterait la libre adoption … )

En conséquence, rien d’autre que la libre volonté de chaque personne qui choisit librement son « égalité devant la loi » ( « Libre Égalité » ) avec d’ autres personnes en se donnant elles-mêmes réciproquement une telle « Égale Liberté », ne peut désormais me « convaincre » de participer fondamentalement à un quelconque « destin commun », dont le caractère « désintéressé » ou « moral » supposé me paraîtra toujours suspect d’une hypocrisie sous-jacente.
« NouS » n’avons besoin que d’une « universalité restreinte » … à toutes les « personnes libres et égales » faisant également librement le choix d’ être « libres et égales ».

Quant à Vous … en conséquence, c’est « Vous qui voyez » .