Il est possible de s’appuyer pour une telle analyse,
– d’une part sur des aspects « conjoncturels » d’une telle crise dans l’actualité plus ou moins proche, du type : constat du virage « illibéral » actuel de nombreuses sociétés politiques précédemment considérées comme « démocratiques », dérive droitière de l’échiquier politique, augmentation de la conflictualité politique et de l’impossibilité croissante de débats démocratiques pacifiques, crise institutionnelle en France liée à l’inexistence d’une majorité stable au sein l’assemblée nationale, etc. ,
– et d’autre part sur une analyse des aspects plus « structurels » d’une crise en profondeur non seulement des institutions nationales, mais plus généralement de l’ensemble des institutions qui, à tous les niveaux d’organisation sociale, étaient supposées réguler les conflits normalement émergents dans les sociétés démocratiques, y compris au niveau des relations internationales.
Par exemple l’impuissance juridique et politique des grands textes des « droits humains » et des institutions juridiques internationales mises en place au lendemain de la dernière guerre mondiale.
C’est ce deuxième aspect de « crise en profondeur des institutions humaines» que j’aborde ici.
Autrement dit, la question est de plus en plus posée, à tous les niveaux, de la façon dont des personnes humaines peuvent se ré-organiser socialement, parce que tous les anciens cadres politiques, économiques, sociaux, culturels, etc. ,
se révèlent de plus en plus incapables non seulement de « résoudre » , mais même de « poser » correctement les problèmes éthiques, juridiques et politiques ( ou « axiologiques et normatifs » ) auxquels l’humanité est actuellement – et dans un avenir prévisible- confrontée.
Je ne prétends pas bien sûr substituer mon analyse personnelle aux innombrables analyses en cours ou déjà proposées concernant cette situation d’instabilité permanente et de crise accélérée de la « gouvernance » des sociétés.
Un des aspects de cette crise se trouve précisément, pas seulement au niveau de la construction des propositions morales, juridiques, politiques, normatives en général, mais bien également au niveau de la possibilité même de constituer des références ou « base d’information » ( cf Amartya SEN ) de « savoirs » ou de « connaissances » partageables sur ce qu’est le « réel » et d’émettre des jugements explicatifs rationnels sur l’ état du monde et des évolutions en cours ou prévisibles. ( La prétention de certains de s’appuyer sur des « vérités alternatives » ou des « faits alternatifs » )
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Je rappelle donc, pour ma part, deux décisions personnelles que j’ai prises depuis longtemps, et dont je propose en effet le libre partage à d’autres personnes.
1. Du point de vue de la connaissance du réel, des « faits » et de la capacité à expliquer le fonctionnement du réel, qu’il s’agisse des structures physiques fondamentales de l’univers physique, de l’organisation du monde biologique vivant dont nous ne pouvons connaître encore aujourd’hui qu’une version proprement terrestre, ou de l’analyse explicative des organisations sociales et culturelles spécifiquement issues du déploiement de l’ espèce humaine ( « homo sapiens » ou plus généralement du « genre homo » ), je fais et je propose aux autres personnes de faire confiance à la capacité de la « démarche scientifique » et des diverses « communautés scientifiques » qui la mettent en œuvre, de récolter et de décrire progressivement à la fois les données issues de ce réel et d’en formuler des théories explicatives possibles, « dans l’état actuel des connaissances« , dont on sait qu’elles sont à la fois provisoires, mais cependant, pour les plus fondamentales ( physique quantique, physique relativiste ) , suffisamment solides … jusqu’à nouvel ordre, par une remise en cause elle-même scientifique et non par de supposées « vérités alternatives« .
C’est pour moi – et pour beaucoup d’autres personnes faisant ce même choix – , la seule possibilité d’avoir un socle de références communes en matière de connaissance du réel.
Certes, de nombreuses autres prétentions à la connaissance du réel, soit individuelles, soit collectives, peuvent avoir une pertinence locale liée aux points de vue perspectifs locaux de ces observateurs sur un tel « réel en soi » commun supposé indépendant des représentations que nous nous en faisons : par définition le concept général de « réel », notamment tel qu’il est supposé par la science, ne se réduit pas à la « perception » ni à la « connaissance » que nous en avons, mais présuppose que du « réel » existe avant que nous en ayons une connaissance consciente et avant que nous en ayons construit des représentations, y compris des explications théoriques scientifiques.
Mais à ce « réel indépendant » ( dont nous sommes aussi fondamentalement partie prenante ), nous avons un accès partiel, même s’il est très problématique :
Accès à la fois par notre constitution physico-biologique dont l’évolution nous a permis d’y survivre jusqu’à présent et qui se manifeste dans nos capacités perceptives et d’action, et par une approche beaucoup plus récente et théorique, appelée « science », cherchant à construire une connaissance universalisable de ce réel, en formulant des modèles théoriques les plus indépendants possibles des situations et perspectives locales de tel individu ou groupe humain particulier.
Mais ces différentes perspectives relatives sur le réel, provenant du vécu en situation de ces personnes incarnées, ne peuvent pas prétendre se substituer à la procédure générale universalisable mise en œuvre dans le champ de la connaissance scientifique rationnelle, pour dégager progressivement un faisceau rationnellement et logiquement cohérent de points de vue formellement universalisables , en attendant une meilleure cohérence future possible ( exemple : les rapports entre relativité générale et physique quantique )
Il s’agit bien ici d’un CHOIX épistémologique, que je suppose en effet librement partageable par un très grand nombre de personnes humaines, et qui constitue un « postulat de rationalité scientifique » qui peut être commun, même avec toutes sortes de visions axiologiques normatives que je ne partage pas, à condition bien sûr que ces autres visions axiologiques normatives acceptent de faire également la différence entre d’un côté le constat objectif scientifique des données du réel et des explications théoriques de ces données du réel, et d’un autre côté les références axiologiques normatives subjectives et/ou culturelles auxquelles ces visions du monde choisissent de se référer.
Or, c’est précisément cette distinction et cette « démarcation » ( au sens de Popper ) entre les connaissances et théories scientifiques et les autres types de discours, philosophiques, théologiques, éthiques, politiques, juridiques, etc., que certaines autres positions philosophiques ou idéologiques que la mienne récusent.
Ceux qui, quelles que soient leurs différences par ailleurs, pensent qu’il n’existe aucune distinction fondamentale à faire entre des connaissances à valeur « scientifique » et les autres types de discours idéologiques, politiques, éthiques, philosophiques etc. , ne peuvent alors pas avoir avec ma propre philosophie de véritable débat pertinent, puisqu’il n’existe alors aucune base commune pour juger en commun simplement de ce qui est « vrai » ( ce qui « existe » pour tous, ce qui est du « réel » et/ou du « factuel » pour tous, plutôt qu’une fiction idéologique ou « culturelle » particulière ou locale quelconque ).
Nous pouvons alors continuer à débattre, par pur plaisir de « causer » au café du commerce ou au salon philosophique, mais nous savons alors d’avance que ces « débats » seront impossibles à conclure, et qu’il faudra laisser chacun faire ses propres choix philosophiques personnels … ou risquer d’être en état de guerre symbolique, voire de guerre physique, si certains prétendent imposer à tous leur propre version de « vérité alternative » …
Plus de débats sérieux possibles avec des croyants complotistes, ou qui pensent que leurs références et valeurs philosophiques, politiques ou morales, ou « culturelles » en général peuvent se substituer à une connaissance scientifique du réel.
Ne reste-t-il alors rien d’un « fond commun universalisable », malgré l’incompatibilité de ces prises de position, et notamment le refus par certains, de l’arbitrage scientifique en matière de connaissance « factuelle » ou « objective » du réel ?
SI : partout où ceux-là mêmes qui sont en théorie les plus hostiles à la distinction d’une connaissance « scientifique » rationnelle, tout en niant la valeur de connaissance à la science, acceptent pourtant, dans les faits par leur comportement concret, d’utiliser les moyens et ressources TECHNIQUES, dont l’existence n’est proprement compréhensible que par les connaissances scientifiques qui ont permis leur invention.
Ainsi par exemple un intégriste religieux qui nierait toute pertinence à la physique fondamentale contemporaine, mais qui ferait une confiance tout aussi aveugle à la fiabilité de son téléphone portable que n’importe quel autre utilisateur de « technologies nouvelles », ou qui, pour ses fins politiques, ferait de facto bien plus confiance à la technologie nucléaire ou à une arme laser, qu’à la « prière » et à l’acte de foi en la « toute-puissance » de son « dieu » …
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2. En ce qui concerne mes choix « axiologiques normatifs », je me propose de les référer tous désormais à la valeur centrale de ce que j’appelle la proposition d’ « Égale Liberté Libre Égalité » :
– Il s’agit de considérer qu’en matière « axiologique normative« , il est parfaitement possible d’articuler :
– un principe général d’ « Égale Liberté« , fondement des institutions juridiques et politiques que peuvent vouloir se donner en commun des « personnes libres et égales« ,
– et une liberté personnelle de différenciation, précisément garantie à toutes ces « personnes libres et égales« , de choisir leur propre mode de vie et d’existence, esthétiquement, en termes de croyances, de goût, et de mode de relation avec d’autres personnes , dans la mesure même où elles acceptent cette même liberté de différenciation personnelle pour les autres « personnes libres et égales« .
Les modalités plutôt « individuelles » ou « collectives » de tels choix esthétiques, de modes de vie ou de croyances idéologiques préférentielles personnelles ou culturelles sont alors aussi laissées à la « personne libre et égale » elle-même.
– Mais l’acceptation du principe général d' »Égale Liberté » lui-même ne vaut que par et pour les « personnes libres et égales« , qui font elles-mêmes ce libre choix … et qui acceptent donc aussi que les autres ne fassent ce choix que librement, et non sous une quelconque contrainte ou obligation préalable : elles acceptent donc aussi le principe réciproque de « Libre Égalité« .
C’est en cela que ma proposition complète d' »Égale Liberté Libre Égalité« , n’a aucune prétention de « normativité originaire » ou d’une quelconque « universalité a priori« , puisque « E.L.L.E. » n’a de valeur ( éthico-politique ) que par et pour des personnes qui en font le LIBRE CHOIX PERSONNEL.
Je, comme auteur de cette proposition, ne peut en affirmer la valeur d’adhésion que pour moi-même, en mon nom personnel, et n’y ajouter, comme extension possible à d’autres personnes que la POSSIBILITÉ, dont ces autres personnes ( « C’est Vous qui voyez … » ) prennent ou ne prennent pas, ou prendront ou pas dans le futur la même libre décision personnelle.
Tous ceux qui se lamentent aujourd’hui de ne pas voir de perspective possible ou de « grand récit » qui viendrait redonner un renouveau d’espérance « à gauche » ou d’une façon plus générale aux « valeurs humanistes universalistes, républicaines et démocratiques », pourraient donc au moins se demander si la perspective que je propose d’un « Projet d’ Égale Liberté Libre Égalité » ne pourrait pas, par hasard, correspondre à ce qu’ils cherchent si « désespérément ».
… Mais pour cela un certain nombre de « révisions déchirantes » sont peut-être nécessaires dans les anciennes conceptions « humanistes universalistes » et/ou « de Gauche », surtout dans leur relation supposée évidente avec une conception de la « République française » et de la « Nation française » ou du « peuple souverain » …
Car le seul « peuple souverain », au sens fort de la souveraineté, auquel JE me réfère comme collectif de « volonté générale » éthico-juridico-politique légitime, correspondant aussi à ma volonté personnelle est le « P.E.U.P.L.E. » :
c’est à dire le « Projet Éternel Universel des Personnes Libres et Égales« ,
en effet librement constituable par et pour ces « Personnes Libres et Égales« , et intrinsèquement indépendant des localisations « originaires » particulières des personnes physiques dans l’espace et dans le temps, puisque ne dépendant que de leur libre volonté et décision personnelle, actuelle ou future, ou même rétrospectivement, de ce que de nombreuses personnes aujourd’hui disparues ont pu, plus ou moins consciemment et librement, valoriser comme leur propre « Égale Liberté » …
Quant à Vous … C’est Vous qui voyez ...