“E.L.L.E.” et les frontières du “réel” et du “virtuel”

Dans un article d’ AOC , un exemple de frontière problématique “virtuel”/”réel” propose deux prises de position divergentes :

Un viol dans le métavers est-il vraiment un viol ?

Joséphine Robert publié le 01 juillet 2022 8 min

De plus en plus de femmes dénoncent des comportements violents dans le métavers. Fin mai, une chercheuse anglaise a révélé que son avatar avait subi un viol virtuel, posant cette question, sensible : un viol virtuel est-il équivalent à un viol dans le monde réel ? Joséphine Robert a mené l’enquête auprès de Camille Martini, avocate pénaliste, et Rami el-Ali, philosophe spécialiste du métavers. Ils exposent ici leur désaccord.

“Personne libre et égale, souveraine sur elle-même”

La notion de “souveraineté” , appliquée à la “personne”, semble dans un premier temps n’avoir de sens que dans la notion ancienne de la “souveraineté” de la “personne” du “monarque”, où il s’agissait bien d’une “personne” humaine, mais supposée “régner” sur tout un ensemble de personnes, qui étaient ses “sujets”.
Avec la “démocratie”, entendue comme “souveraineté du peuple”, ainsi qu’elle se définit notamment dans le Contrat social” de Rousseau, le rapport de domination “hiérarchique” n’est pas aboli en général, mais transféré de la hiérarchie de statut entre des personnes ( devenues “citoyens” d’une république démocratique), à la hiérarchie du “souverain” qu’est désormais le “peuple” à travers sa “volonté générale”. sur l’ ensemble des “citoyens libres et égaux devant la loi”.
Rousseau et la pensée “révolutionnaire” en général, conservent donc la notion de “souveraineté”, même si, dans cette étape “rousseauiste”, le “souverain” est constitué par le “collectif” des citoyens législateurs en même temps qu’ils sont par là même soumis à la Loi commune qu’ils se donnent en tant que produite par leur “volonté générale”.
Il y a même dans le Contrat social de Rousseau, qu’il croit être la “solution” au problème qu’il pose, une “aliénation” générale du pouvoir propre de chaque personne qui remet son pouvoir au collectif du “peuple” :

Extrait du Chapitre VI du Contrat social :

«Trouver une forme dʼassociation qui défende & protège de toute la force commune la personne & les biens de chaque associé, & par laquelle chacun sʼunissant à tous, nʼobéisse pourtant quʼà lui-même & reste aussi libre quʼauparavant?»
Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.

Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de lʼacte, que la moindre modification les rendroit vaines & de nul effet; en sorte que, bien quʼelles nʼaient peut-être jamais été formellement énoncées, elles sont partout les mêmes, partout tacitement admises & reconnues, jusquʼà ce que, le pacte social étant violé, chacun rentre alors dans ses premiers droits & reprenne sa liberté naturelle, en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça.
Ces clauses, bien entendues, se réduisent toutes à une seule savoir, lʼaliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté. Car premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, & la condition étant égale pour tous, nul nʼa intérêt de la rendre onéreuse aux autres.

J’ai déjà plusieurs fois expliqué la différence fondamentale de ma Proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité” avec la proposition de “solution” du “contrat social” de Rousseau, bien que ma Proposition puisse être considérée comme une “réponse” à la même question posée par Rousseau et que je peux reprendre exactement :
Trouver une forme dʼassociation qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun sʼunissant à tous, nʼobéisse pourtant quʼà lui-même et reste aussi libre quʼauparavant
La différence tient non pas dans la “partie gauche” de l’ “Égale Liberté”, mais avant tout dans sa “partie droite” , à savoir la “Libre Égalité” :
Autrement dit , il n’est demandé à personne, dans ma Proposition, de renoncer à sa “liberté naturelle”, et donc de “s’aliéner avec tous ses droits à toute la communauté” !

Ce que je dis, c’est que tant que des personnes ( pas nécessairement “tous les êtres humains ” ) ne trouveront pas des moyens de construire leur “Égale Liberté” en termes d’institutions communes en effet ( “Loi” , “liberté conventionnelle”, “droit” …) , tout en conservant, dans le même système institutionnel, “juridique” , entre elles la même “Libre Égalité”, qui permet à chacune d’entre elles de gérer par elle-même, pour elle-même, l’articulation entre sa “liberté naturelle” personnelle et la nouvelle “liberté conventionnelle” à construire entre ces personnes “associées”, la “solution juridico-politique” prétendue du contrat social rousseauiste, sera vaine, puisque reposant finalement sur la simple “force” de la “violence collective légale”, à laquelle, comme Rousseau l’imagine facilement, pourra toujours opposer la reprise de sa “liberté naturelle”, ou encore sur l’utopie perpétuellement renaissante et repoussée, d’un supposé “accord universel”a priori de toute personne avec un tel “contrat”.
La “solution rousseauiste” au problème du “contrat social”, ne crée donc que les conditions d’une instabilité continuelle entre la tentation totalitaire ( “aliénation de chacun avec touts ses droits à la communauté” ) et le retour à l’anarchie chaotique de la “guerre de tous contre tous” … Ce que d’ailleurs le spectacle de l’histoire des hommes nous montre en permanence, et dont nous assistons même actuellement à un retour dramatique dans les rapports de force mondiaux, que les institutions du droit international sont impuissantes à réguler.

Il n’y a, pour moi ( et pour toute personne qui choisit de se référer à une analyse similaire du problème ) que la possibilité d’ouvrir le choix de l’ “Égale Liberté”, comme étant un libre choix possible pour une personne humaine réelle, utilisant sa “liberté naturelle“, mais choisissant explicitement et consciemment de s’associer “conventionnellement” avec d’autres personnes, pour autant que ces autres personnes associées fassent elles-mêmes réciproquement, totalement librement ( sur la base de leur propre “liberté naturelle” ), ce “même libre choix” : ce qui constitue la partie “Libre Égalité”, dont la reconnaissance simultanée avec l'” Égale Liberté” définie la “formule” fondatrice globale.

Autrement dit encore : dans le cadre d’un environnement d'”ultralibéralisme” général, rien n’empêche des personnes de décider librement de ne plus chercher à se dominer les unes les autres et d’affirmer et de communiquer publiquement leur choix d’une Égalité fondamentale de statut de “personne libre et égale”, mais “souveraine sur elle-même”, comme elle accepte désormais de considérer que les autres personnes “associées” soient également “souveraines sur elles-mêmes”.
Il faut et il suffit, pour commencer, de renoncer, non pas à la souveraineté sur soi-même, mais à la souveraineté sur d’autres personnes, que cette volonté de souveraineté dominatrice sur d’autres personnes soit individuelle ou exercée à travers un “collectif souverain” du type “État Nation”, ou communauté culturelle historique ou “ethnique”, etc.

Ce à quoi il faut alors renoncer, c’est au postulat prétexte que si “tout le monde” ne veut pas accepter une “Égale Liberté”, alors il est impossible de réaliser une telle “Égale Liberté” entre les personnes en nombre restreint qui choisiraient librement un tel contrat.

Il est possible alors, pour chaque personne qui comprend le problème ( je suppose que Vous le comprenez ) de “commencer” à penser son libre mode de participation à un tel projet.

Il va de soi qu’un tel “nouveau contrat social“, ne peut pas prétendre, comme Rousseau le prétend, que la “solution” de son contrat contient des clauses “partout les mêmes et partout admises … “.

Personne, en se déclarant librement favorable à ce “nouveau contrat social“, ne peut alors se dispenser de réfléchir par lui-même et pour lui-même, à la nature et au degré de sa participation personnelle à cette définition et construction associative “conventionnelle”, car il ne s’agit pas de s’y “donner tout entier”, mai seulement d’y contribuer à sa manière … si on veut et pour autant qu’on veut que d’autres aussi choisissent d’y participer … à leur façon.

Ceux qui ne veulent donner qu’un accord formel, partiel, plus ou moins virtuel à un tel projet, sont libres de ne faire que cela ( et l’ abstention est déjà ici un “moindre mal”, en laissant simplement y travailler ceux qui le veulent .. ), et donc à n’y consacrer qu’une très petite part des ressources de leur “liberté réelle” ( car il faut au moins , pour y réfléchir, prendre un petit temps de réflexion ).
Ceux qui se montrent impatients, doivent simplement se demander ce qu’ils sont personnellement en capacité de faire pour répondre à leur “impatience”, et, par définition même de l’ égale liberté”, ne pas demander que d’autres fassent à leur place un travail auquel ils ne souhaitent pas eux-mêmes participer, si peu que ce soit …

C’est donc Vous qui Voyez …

Conséquences du principe d’ Égale Liberté Libre Égalité au niveau de la sphère juridique, en termes de “philosophie du droit” ou de “théorie du droit”

Rappel :

L’énoncé de notre proposition “Égale Liberté Libre Égalité”, est très précisément posé au départ, c’est à dire par l’acte personnel libre qui la pose et la propose au libre examen par d’autres personnes, comme étant d’abord un choix “moral” ou “éthique”, explicitement revendiqué comme proposant ainsi le noyau d’une “Loi Morale Nouvelle“,
mais dont précisément l’universalisation en tant que loi morale d’ “Égale Liberté” pour des “personnes libres et égales” n’est que potentielle, donc conditionnée dans sa réalisation par l’existence réciproque du libre accord personnel singulier de chacune des personnes qui s’ Y engage librement, consciemment et volontairement ( “Vous” par exemple ) : ce qui est désigné par le second terme de ma proposition, à savoir la “Libre Égalité” .

Par conséquent, la partie “gauche”du principe ( “Égale Liberté“), n’a de “valeur” que par et pour les personnes qui, en toute “autonomie personnelle“, choisissent d’Y adhérer, soit en reprenant mon propre énoncé de la proposition à leur compte personnel d’ “auteur”, soit en en créant et formulant leur propre “énonciation”, avec suffisamment d’indices communicables pour pouvoir dire qu’il s’agit bien, du moins formellement, de la “même proposition” .
Un de ces indices étant précisément qu’outre cette partie “gauche” ( “Égale Liberté” ), elles acceptent bien également et librement la partie “droite” (“Libre Égalité“) , comme indissolublement liée à la partie “gauche”, puisque c’est précisément, par définition, en quoi consiste ma proposition “Égale Liberté Libre Égalité“. Bien évidemment, ce lien n’est “indissoluble” que pour autant justement que les personnes “contractantes” choisissent librement de le maintenir.
Aucune interprétation ou conception de l’expression “Égale Liberté” qui n’aurait pas sa réciproque “Libre Égalité“, ne peut donc être exactement assimilée à ma proposition, mais n’en est qu’une “parente” plus ou moins proche.
( Ainsi par exemple le principe d”Égale Liberté” rawlsien ou encore toute énonciation d’un tel principe d’ “Égale Liberté” qui se voudrait l’expression d’un “droit naturel” ou d’une nécessité “anthropologique” , ou de la “nature humaine”, et encore moins d’une volonté transcendante … ).
De même, entre autres, la “loi morale” kantienne, ou le “contrat social” rousseauiste, peuvent bien avoir une parenté forte, et avoir semé des graines idéologiques qui se retrouvent aujourd’hui dans la “Loi Morale Nouvelle”, parenté que les “généalogistes” de la vie des idées ne manqueront pas de souligner. Mais ces deux versions d’une “Égale Liberté” au moins formellement pensable, ne vont pas, rigoureusement, jusqu’à affirmer l’implication réciproque, que cette “Légitimité” annoncée ne vaut que par et pour les personnes qui Y adhèrent en toute liberté individuelle.
Kant comme Rousseau, tout en étant parfaitement conscients du problème formel posé par toute “Loi de Liberté”, choisissent d’en rester à la domination d’un principe certes de “liberté”, mais supposé “universel a priori” dans le cas de Kant, ou établi par la “volonté générale” d’un “peuple” dans le cas de Rousseau, donc en privilégiant hypocritement un supposé principe collectif comme supérieur aux personnes elles-mêmes : hypocritement, parce qu’ils devraient reconnaître au nom même de leur liberté personnelle de pensée que les “principes supérieurs” ainsi invoqués par chacun, ne valent que ce que la liberté de penser de chacun d’eux pense pouvoir leur attribuer.
Et c’est bien pourquoi, les généalogistes philosophes continuent à parler de “loi morale KANTIENNE”, ou du “Contrat social de Rousseau”, en soulignant la part irréductiblement “personnelle” de leurs philosophies respectives.
( Ce qui n’a rien à voir avec la simple étiquette de dénomination d’un théorème ou d’une théorie mathématique à un supposé “auteur” : “théorème de Pythagore” , ou encore “loi de la gravitation newtonienne” ou “relativité einsteinienne” en physique … mathématique ).

Dans le cas de la proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité“, la valeur du principe que je propose ne peut résulter que de la libre attribution de cette valeur par des personnes qui se donnent à elles-mêmes la liberté de faire un tel choix de valeur, en acceptant par là même la “LIBRE Égalité” de leur propre adhésion personnelle.

Une telle proposition, de type “loi morale nouvelle“, n’est en rien “universelle a priori“, au sens où l’est l'”impératif catégorique” kantien.
Elle ne repose sur aucun postulat, ni de justification antérieure par un “droit naturel” ou d’une “morale naturelle” , ni de justification a posteriori, par l’existence d’un “droit positif” qui serait supposé l’incarner .
Ce sont donc toujours les personnes elles-mêmes, dans toute l’ autonomie de leur propre volonté auto-déterminée, qui choisissent ( ou pas, ou “plus ou moins” ) d’entrer dans un tel nouveau “contrat moral et social” qui ne préexiste pas, comme “valeur”, à leur propre libre accord.

Certes, il serait toujours possible de dire que comme il existe au moins une personne ( dont j’atteste l’existence en ma personne … ) qui a explicitement formulé cette expression “Égale Liberté Libre Égalité” et qui lui accorde explicitement une certaine “valeur” ( strictement limitée à cette infime contribution personnelle ), il en résulte que cette proposition et sa “valeur” existent au moins “virtuellement”, ou comme un pur “possible”, donc “a priori” en ce sens, même si cela n’entraîne aucune obligation ni aucun “devoir” au sens de la morale kantienne, sauf si des personnes font le libre choix d’Y adhérer et d’en faire leur propre “loi morale” personnelle.

Et en effet, en un certain sens, le simple fait que l’expression linguistique “Égale Liberté Libre Égalité” soit formulée et suffisamment “comprise” par “Vous” ( “C’est Vous qui voyez” ), PEUT Vous suggérer de réfléchir à la valeur que Vous Vous voudriez lui accorder … puisque précisément ELLE Vous “donne” toute la Liberté que Vous pouvez souhaiter avoir d’Y adhérer ou pas, ou plus ou moins, et simultanément, de pouvoir potentiellement constituer avec d’autres personnes faisant un libre choix suffisamment proche de votre propre libre choix, l’ébauche germinale d’un tel “nouveau contrat social et moral”.

( Fin du rappel )

L’originalité de la proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité”, est alors non seulement de réinterroger les rapports entre “Liberté” et “Égalité” au niveau de la sphère de la “philosophie morale“, mais d’avoir également des conséquences possibles sur les conceptions de la “philosophie du droit” et de la “philosophie politique“.
Conséquences qui ne “valent” alors aussi, “politiquement et juridiquement”, que par et pour les “personnes libres et égales” qui veulent établir de telles articulations entre la sphère proprement “morale”, et les sphères juridiques ou politiques, ou encore “économiques et sociales”, “culturelles, etc.”, où peuvent également se poser des problèmes de “normativité” en général.

En particulier des distinctions classiques en philosophie du droit entre des partisans du “droit naturel” et des partisans du “positivisme juridique” prendront une autre signification, puisque à la fois, la transformation de la sphère juridique en la réarticulant sur la sphère “éthique” redéfinie à partir de la “Loi Morale Nouvelle” ne se contente pas de prendre les institutions juridiques “comme elles sont” ( comme en théorie du droit positif ), mais réinterroge la valeur “morale” de toutes les institutions du droit.

Mais réciproquement une telle restructuration du “Droit” à partir de la nouvelle sphère “morale” ne se fait pas à partir d’un supposé “droit naturel” , ni d’une supposée “loi morale universelle” de type kantien, mais à partir du “libre accord des personnes libres et égales” … sur leur propre “Égale Liberté Libre Égalité” mutuellement construite et par définition auto-déterminée, puisque ces “personnes libres et égales” le sont en vertu de leur propre définition de leur “souveraineté personnelle” autonome.

Mais, à partir d’une telle libre mise en commun d’une “loi morale nouvelle” comme loi d’ “Égale Liberté Libre Égalité“, les personnes physiques – êtres humains en particuliers – qui font de facto un tel libre choix, constituent, au sens juridique et politique fort, un “P.E.U.P.L.E.”, dont la définition “juridique et politique” n’est alors fondée en “valeur morale” que sur ce libre accord “moral” préalable.
Remarque : On peut par exemple traduire l’acronyme “P.E.U.P.L.E.” par “Projet Éternel Universel des Personnes Libres et Égales” , en se rappelant toujours que l’ “Éternel Universel” ( comme extension spatio-temporelle indéfinie … ) , ne vaut que pour et par la libre volonté individuée des personnes libres et égales qui feraient un tel libre choix de leur propre existence “éternelle universelle” potentielle …

Un tel “PEUPLE” ne peut donc en effet que “PEU” , aussi longtemps qu’il n’y a pas suffisamment de libres volontés personnelles qui mobilisent en effet leur pouvoir biologiquement et en tout cas physiquement “incarné”, pour se donner à elles-mêmes de libres formes “collectives” de collaboration dont elles voudraient par ailleurs bénéficier comme “ressources collectives” de réalisation effective de leur projet idéal commun.

Je ne propose pas ici a priori de priorité entre le “juridique” et le “politique” comme sphères d’action, dans la mesure où, justement, il est de la liberté morale des acteurs librement concernés par ce Projet, en fonction de leurs contextes de vie effectifs actuels, de se demander quelle articulation du “juridique” et du “politique” peut le plus “efficacement” être disposée et instituée pour ancrer “ici et maintenant” les germes physiques de la réalisabilité effective du Projet Idéal Commun.
A titre personnel, je vois plutôt, dans le contexte juridique et politique actuel, des possibilités de jouer sur les deux tableaux : de se servir du levier “juridique” pour contrer les pouvoirs politiques, et du levier “politique” pour contrer les pouvoirs juridiques, là ou ces pouvoirs respectifs choisiraient de s’opposer explicitement à la liberté des personnes de choisir d’adhérer ( “plus ou moins” ), au “P.E.U.P.L.E” .

Remarque :

Vous, ELLE·ecteur·ectrice·S , avez le CHOIX de contribuer plus ou moins à un tel Projet Idéal Commun, en comprenant bien que , pour autant que Vous Y adhérez, Vous ne pourrez prétendre en bénéficier que dans la mesure même où Vous Y contribuez, puisque Vous adhérez alors, par définition, à la fois à la Libre Égalité de votre contribution, et à l’ Égale Liberté de cette contribution … car, par définition, si et pour autant que Vous Y adhérez, ce que Vous pourriez alors légitimement “attendre” de la contribution des “autres personnes libres et égales” , Vous “devez” alors librement en proposer une contribution personnelle au-moins “équivalente” : si – au nom même de votre propre liberté personnelle- , Vous ne voulez pas apporter une telle contribution équivalente à ce que vous prétendez en recevoir, il faudra nécessairement Vous attendre à ce que votre propre “attente” ( en “retour d’investissement” ) soit “également et librement” déçue.

Mais précisément, rien ni personne ne Vous oblige – a priori – à adhérer au “Projet Éternel Universel des Personnes Libres et Égales” , ni donc à Vous demander, ce que Vous auriez bien comme contribution potentielle personnelle, à Y apporter.

Mais SI Vous voulez Y contribuer, Vous POUVEZ au moins commencer par Vous demander ce qu’un tel “Projet” pourrait signifier pour Vous, et Vous donner à Vous mêmes les “raisons”, soit d’Y participer, soit d’Y rester librement “étranger” .

C’est donc, comme toujours ici, “Vous qui voyez

A moins, peut-être, comme certains en matière de liberté du choix de mourir, de prétendre que le fait même de savoir qu’une autre liberté est possible que celle à laquelle Vous Vous croiriez actuellement contraints, constitue … une atteinte à votre propre liberté … de Vous croire contraints .

Dans ce cas, continuez à croire ce que Vous croyez croire.
( C’est encore Vous qui Voyez … )



ELLE et le débat entre Habermas et Apel à propos des relations entre morale, droit et démocratie

Comme souvent ici, je propose de commencer un article à partir d’un texte existant, notamment pour permettre au lecteur d’avoir une première approche du terrain problématique – notamment philosophique – où mes remarques personnelles peuvent se situer.

Pour le présent article, il s’agit d’un texte de Karl Otto Apel, où il analyse la différence de point de vue, à ses yeux, entre sa propre position et celle de Jürgen Habermas, alors que par ailleurs ils peuvent être considérés comme relativement proches dans leurs “éthiques de la discussion” respectives.

Ce texte, intitulé
La relation entre morale, droit et démocratie.
La philosophie du droit de Jürgen Habermas jugée du point de vue d’une pragmatique transcendantale Karl-Otto Apel

est accessible en ligne ici :
https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2001-1-page-67.htm

Remarque préliminaire : Encore une fois, je fais remarquer que, bien qu’ils cherchent tous à argumenter en faveur de leurs positions respectives, ces philosophes ne parviennent pas en réalité, à travers toutes leurs propositions procédurales, à trouver un supposé “fondement commun”, dont le point de vue “universalisable” pourrait ensuite économiser à bien d’autres d’avoir sans cesse à effectuer eux-mêmes la même démarche de réflexion discursive … pour aboutir au même constat d’incapacité.

Je rappelle ici que j’ai moi-même tranché “définitivement” cette question, mais précisément uniquement “par et pour moi-même”, puisqu’il s’agit précisément de reconnaître librement que ces différences de “points de vue” philosophiques, relèvent purement et simplement de la liberté individuelle de chaque conscience philosophique, et que cette dernière méta-proposition ( de l’irréductibilité de la liberté de conscience notamment du penser “philosophique” ), est intrinsèquement considérée comme réflexive :
C’est l’exercice même de cette liberté de conscience ( ici la “mienne”, en “propre ” ), qui m’amène à auto-poser la valeur de ma propre liberté de conscience. Bien évidemment, cette “méta-proposition”, ne “vaut” alors que pour moi … et pour toute autre conscience personnelle qui prendrait elle-même par et pour elle-même, cette même libre décision personnelle.

Pour le reste, c’est à dire la façon dont les “autres”, – c’est à dire en l’occurrence VOUS, comme lecteur, auquel ma proposition s’adresse, comme j’ai coutume de le répéter , “C’est VOUS qui voyez” .

En conséquence, dans une lecture partagée que nous pouvons avoir du texte cité de Karl Otto Apel, mon propos ne sera pas d’essayer de vous convaincre dans une argumentation pour savoir si le point de vue d’ Apel est plus ou moins “valide” que celui de Jürgen Habermas, où de vous convaincre qu’il faudrait chercher un “au-delà” de leur dissensus, en prétendant faire mieux “philosophiquement” que les argumentations qu’ils ont eux-mêmes produites …
J’ ai depuis longtemps tranché, comme je l’ai dit, “l’œuf de Christophe Colomb” de ce genre de débats “philosophiques” :
Là où seule la liberté de pensée et de conscience individuelle est en cause, il faut et il suffit pour VOUS, de décider et de préciser votre propre position … si c’est effectivement, ce que VOUS voulez, et pour quoi VOUS n’avez besoin d’aucune autre “autorisation” , de quelque spécialiste ou expert philosophique que ce soit, donc évidemment, encore moins de ma propre autorisation.
Si VOUS ne le voulez pas ( c’est VOUS qui voyez ), c’est alors VOTRE problème de savoir à qui d’ “autre”, VOUS voulez confier le droit d’en débattre avec VOUS, dans l’ “éthique de la discussion” que VOUS proposerez ou accepterez de “considérer”, venant d’un interlocuteur “TIERS” … de VOTRE CHOIX …



Mais revenons à nos deux protagonistes : Karl Otto Apel et Jürgen Habermas, et au texte d’Apel concernant sa différence avec Habermas …

De facto et De jure

Notre Proposition de l’ Égale Liberté Libre Égalité suppose une fondamentale “autonomie de la volonté” des “personnes” qui choisissent d’adhérer à cette Proposition, puisqu’il s’agit, par définition de cette proposition ELLE-MEME, d’un type de contrat à la fois strictement égalitaire et librement accepté par chaque personne qui Y souscrit. Si ces deux conditions d’Égalité et de Liberté de l’adhésion ne sont pas respectées, le “contrat” en question est nul.

Nous avons déjà largement vu que cela entraînait logiquement qu’il était hors de question d’imposer ou d’obliger des personnes à se “soumettre” à un tel contrat.

Cela différencie notre Proposition, non seulement de tous les contrats sociaux supposés imposés à leurs membres par une “collectivité sociale” ou une “autorité sociale” préexistante, mais aussi de tous les habituels “fondements des droits humains” considérés comme “fondés en nature” ( “droit naturel” ), quel que soit ici le sens donné au mot “nature” ( “nature humaine” spécifique par exemple ).

Si on demande “de quel droit” la Proposition de l’ Égale Liberté Libre Égalité” justifie-t- ELLE l’extension possible de sa propre proposition ?
La réponse formELLE est simple : de son propre droit auto-proposé.
La conséquence immédiate en est que personne ( aucune “personne libre et égale” telle que nous l’ entendons ici ) ne peut bien évidemment être soumis a priori à une telle “Loi Morale Nouvelle” sans son stricte et libre accord ou “consentement”. C’est même cette absence totale de coercition ou d’obligation a priori, que nous avons tenu à inscrire dans l’énoncé formel lui-même, à savoir comme “Libre Égalité“, en complément de l’ “Égale Liberté“.

Autrement dit, à la différence à la fois des “lois morales” habituelles ( y compris l’impératif catégorique kantien évidemment ), et des “fondements du droit” à prétention “universelle” qui prétendent inclure de force “par nature” tous les “êtres humains” sous le règne de leur législation … sans leur demander leur avis, notre proposition “ELLE” ne vaut que par et pour les “êtres humains” ( ou d’autres organismes physiques qui en seraient effectivement CAPABLES ), qui font le libre choix conscient d’ Y adhérer.

Notre Proposition vise précisément à proposer l’institution d’un nouveau type de “droit” et de “fondement de ce droit” précisément dans l’autonomie radicale de cette “auto-fondation” de sa propre valeur “morale”.

Cela ne veut pas dire évidemment que nous prétendons écarter désormais la légitimité en général de toutes les “lois morales”, et encore moins de tous les systèmes juridiques positifs existants, puisque précisément nous laissons, par définition, la Liberté d’en décider pour elle-même à chaque personne :
Nous conservons donc, évidemment, pour “tous les êtres humains” en général, les acquis juridiques de l’ “universalisme des droits humains”, et donc les protections effectives de ces droits qui devraient en résulter dans la réalité, et dont les différents États de droit, notamment signataires de la Charte des Nations Unies, de la DUDH et des différents Pactes et textes juridiques internationaux qui en découlent, sont censés garantir l’application effective.

Nous les conservons bien sûr, par prudence, principe de précaution, comme un “moindre mal”, ou comme façon d’éviter des injustices encore plus grandes si ces institutions politiques et juridiques actuelles étaient défaillantes.

C’est sur le terrain de la réflexion, pour toutes les personnes qui le souhaitent, que nous formulons cette proposition, car nous sommes en revanche persuadés que la fragilité des institutions politiques et juridiques humaines actuelles sera de plus en plus mise en évidence par l’insuffisance de leur “justification”auprès d’un nombre croissant de personnes, et par l’incapacité grandissante des supposés “pouvoirs” à en garantir la protection égale à “tous les êtres humains” …

C’est donc aux “personnes libres et égales” qui se conçoivent elles-mêmes comme telles que nous nous adressons en priorité, et auxquelles nous disons qu’il est possible d’avancer sur le terrain de l’égalité des droits et libertés fondamentales, sans que “tout le monde”, ni même une “majorité démocratique” soit d’accord pour un tel progrès, parce qu’il faut et il suffit de l’ accord libre et égal de chaque personne qui le souhaite pour définir formellement une telle “loi morale nouvelle”, qui , pour commencer, n’a besoin que des personnes en question pour constituer le noyau ou germe initial d’une telle transformation.

Notre “texte” n’est donc qu’une initiative personnelle en ce sens et qui cherche donc à renforcer une “connectivité” suffisamment forte entre des initiatives personnelles similaires, même si elles ne s’expriment pas exactement avec les mêmes formes d’expression.

* * *

Pourquoi “De jure” et “De facto” ?

Le “De jure” ( de la Proposition “ELLE” ) dont il est désormais question ici , est formellement “auto-fondé”, c’est précisément cet aspect “auto-fondé” qui définit la différence du “de jure” qu’il institue avec toutes sortes de “réalités effectives” , qui forment un “de facto” lié au “fait” que le “réel” en général n’attend pas d’avoir le “droit d’exister” pour “être ce qu’il est” …
Qu’il s’agisse de la réalité physique de l’ univers dans toute la complexité de ses productions et organisations, ou des fragiles effets de surface que la “culture humaine” a pu organiser consciemment et volontairement au niveau de son organisation psychologique, sociale,culturelle, politique, économique, etc.
Même l’ “anthropocène” n’est qu’une pellicule très mince sur une petite planète parmi des milliards de galaxies …

Le “De jure” n’est donc, “de facto”, qu’une production de “roseau fragile”, mais “c’est un roseau pensant” , dont l’autonomie auto-posée ne cessera de hanter désormais les boucles complexes enchevêtrés de l’auto-organisation inconsciente du réel.






“ELLE” : Un MEME contrat moral

La Proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité” constitue, pour les personnes qui adhèrent ( par définition librement ) à cette proposition, plus qu’une simple “proposition”.

Adhérer à cette proposition signifie en faire pour soi-même une formule suffisamment signifiante pour devenir son propre libre idéal de valeur régulatrice à suivre , et accepter en même temps qu’un grand nombre de “personnes” pourraient suivre ce MÊME idéal sans contradiction, mais que rien ne peut prétendre en faire un “devoir” ou une quelconque “normativité originaire” ( expression de François Galichet”)

L’extension possible de cet Idéal Commun ( le PIC : Projet Idéal Commun” ) à une multiplicité indéfinie de “personnes” ne se limite pas à l’appartenance de ces “personnes” à une espèce biologique particulière, en l’occurrence aux “êtres humains”, mais ouvre un projet universalisable à toute autre forme d'”être raisonnable” dans l’ Univers.
( j’ ai proposé aussi d’appeler cette multitude possible : le “P.E.U.P.L.E.“)


Mais cette extension possible ne peut exercer aucune contrainte ni obligation a priori pour ces personnes en général ( qui en langage kantien sont appelées “êtres raisonnables” ) , ni pour des “personnes humaines” en particulier.

Elle n’aura de “valeur” ( valeur dite “morale” ) que pour et par les personnes qui en adoptent librement l’énoncé ou le recréent à leur manière. La façon dont elles cherchent à traduire cet énoncé commun en termes de formes et de contenus de pensées, d’expression ou d’actes, de façon personnelle est donc a priori extrêmement variée.
Mais toutes ces façons “personnelles” d’interpréter un tel Projet Idéal Commun doivent être suffisamment compatibles les unes avec les autres , pour que chaque personne puisse considérer qu’en mettant “en œuvre” cette formulation idéale commune, elle ne contraint ni n’oblige aucune autre à “faire” comme elle, dans la réalisation singulière ou “propre” de chacune de ces mises en œuvre personnelles.

Nous voyons ici, à la fois la proximité de notre problématique avec la problématique “critique” kantienne, mais aussi une divergence librement et volontairement assumée : l’ “universalisation possible“, que nous proposons également comme critère de la “moralité nouvelle” , n’est pas un “universel a priori” au sens où cette “forme universelle” s’imposerait dans sa pure forme de “légalité” à “tous les êtres rationnels et raisonnables”, ce qui est le point de vue kantien ( et plus largement de beaucoup de formes d’ “humanisme universaliste”), avec notamment comme effet l’apparition de la notion de “devoir” ou encore d’ “impératif catégorique”, comme chez Kant.
( Remarque : Kant lui-même considère d’une certaine façon que les idées de “liberté” et de “loi morale” sont équivalentes …, mais réserve cette équivalence à une forme d’ “élite” de “saints” . Mais c’est bien parce que finalement, il soumet la liberté à une “loi morale” dont il imagine l’ “universalité” sur le modèle extérieur des “lois de la nature”et de la physique newtonienne qui vient de montrer son succès )

Si une “forme pure de la moralité” doit POUVOIR apparaître dans une telle recherche “critique”, c’est d’abord sous la forme de la LIBERTÉ, et donc dans l’ “autonomie de la volonté“, où cette “LIBERTÉ MÊME” devient la “MÊME LIBERTÉ” , pour et par l’ “autonomie de la volonté” des personnes ou “êtres raisonnables” qui se pensent et se veulent effectivement comme des “volontés autonomes”, c’est à dire capables ( “POUVANT” et non pas “DEVANT” a priori ) de faire un tel libre choix, mais précisément, non pas “impérativement” ou “par devoir“, mais uniquement d’abord “conditionnellement” : sous la condition de leur propre libre adhésion à une telle “loi morale”, qui ne peut, – par la libre définition que je pose – se réaliser qu’en étant simultanément “Égale Liberté et Libre Égalité” : le type de “légalité morale” ne pouvant alors être que la résultante d’un libre choix d’adhésion, qui PEUT certes être a posteriori partagé par beaucoup, mais qui ne saurait, sans contradiction avec l’ idée même de Liberté, s’imposer “universellement a priori“.

Notre position est donc très claire : quelque chose comme la “pureté de la loi morale kantienne”, n’est précisément formulable que sous l’expresse condition de la liberté de sa formulation. A cause bien sûr du rôle absolument décisif joué par la liberté même de chaque personne, c’est-à-dire de l’ “autonomie personnelle” irréductiblement liée à une telle formulation, même si et surtout si elle se veut “universalisable“, sous condition de cette liberté même, à la fois comme libre principe de “loi personnelle”, et comme étant, à cause du respect de cette autonomie même, potentiellement universalisable.

La “moralité nouvelle” ( notre “Loi Morale Nouvelle” ) se signale donc par le critère d’une universalisation possible ( à tout “être raisonnable” dans l’univers physique qui en ferait le libre choix “personnel” ) mais qui n’implique aucune extériorité ou “hétéronomie” d’un tel libre accord, qui ferait apparaître cette “loi ” comme s’imposant “à tous”, en excluant ainsi un libre choix individuel dont pourtant elle prétend énoncer la possibilité universelle.

Chaque personne entre ainsi dans une forme de “contrat moral” ( “moral”, précisément parce qu’ “également libre” ), avec toute autre personne qui pose cette même libre adhésion.
Et elle sait par conséquent, qu’elle ne peut pas, dans ce cadre ( de “Loi Morale Nouvelle” ) , attendre des autres personnes de soumission particulière à ses propres goûts particuliers, à ses propres caractéristiques empiriques ou pragmatiques particulières, mais qu’elle ne peut attendre de “compréhension fraternelle” ou de “coopération fraternelle” d’autres personnes que dans la mesure où elle est elle-même prête à en “consentir” réciproquement l’accord possible.

La question de l’ “harmonisation” et de la compatibilité possible de toutes ces caractéristiques personnelles diverses est donc immédiatement posée à chaque personne réelle qui entre dans ce “contrat moral” , et notamment celle de savoir jusqu’où chaque personne, entrant librement dans ce contrat, considère qu’il s’ agit seulement d’une “belle idée”, d’un “idéal utopique” dont la formulation, comme le “Fais ce que voudras” de Thélème, peut bien planer “librement” au-dessus de toutes les personnes ainsi virtuELLEment “associées”, mais sans être traduit dans une quelconque “réalité concrète”.
Bien sûr, Kant était conscient du “cercle logique” dans lequel il plaçait sa conception d’une “légalité morale universelle a priori”.

Mais chacune de ces personnes est libre aussi de se demander jusqu’où elle est prête elle-même à entrer dans un questionnement plus “concret” d’une quelconque “réalisabilité effective“, en un tissu de liens psychologiques, sociaux, culturels, associatifs, politiques, juridiques, économiques, etc. avec d’autres personnes, dans des configurations réelles, matérialisées, actuelles et “situées”, certes éventuellement très différentes les unes des autres et en perpétuelle évolution, mais toutes cependant animées d’un même esprit d’acceptation de la liberté de ces différences.

En prenant en compte la diversité des incarnations actuelles effectives dans lesquelles chaque personne se trouve effectivement physiquement constituée, en particulier comme organisme biologique “humain” avec ses caractéristiques propres dont l’appartenance à une même espèce “homo sapiens” ne permet précisément de tirer a priori aucune “obligation morale” ni aucun “droit naturel” définissant a priori comment effectuer la “traduction” de l’Idéal supposé commun en termes de “réalisation effective” .

Remarque : Si nous proposons une “Loi Morale Nouvelle” en tant que “Proposition de l’ Égale Liberté Libre Égalité“, c’est bien sûr par ce que “NouS” posons d’abord, librement ( chacun à titre personnel ), qu’il n’existe aucune autre “Loi Morale” , ni aucun “ordre” transcendant” ou “transcendantal” , qui puisse nous “obliger a priori” , sans que nous Y ayons personnellement donné notre libre accord ou libre consentement.
Que le “Réel”, ou la “nature” comme “physique” nous impose ses contraintes de fait, de “gré ou de force”, cela “va de soi” : pour autant cependant que ce “Réel”, également de fait, se plie à ses propres “lois”, s’il y en a ( … que par conséquent nous pouvons finir par connaître “scientifiquement” … et utiliser pour en contrôler “techniquement” en retour les incarnations “factuelles” ).

Et de même pour toutes les organisations politiques, sociales ou culturelles instituées, dont l’existence de fait, empiriquement constatable, ne constitue en rien une “obligation” ou un “devoir” a priori, mais ne peuvent le devenir pour certaines personnes que sous l’expresse condition de leur libre adhésion.

Mais précisément, toute notre “philosophie” ici, est de dire que le “fait” ( “de facto” ) du “Réel” n’implique aucun “droit” ( “de jure” ) de ce même “Réel”.
Le “droit au droit” institué par l’ “Égale Liberté Libre Égalité” est par définition “autonome” et “souverain” au sens fort, par rapport à toute autre affirmation d'”autonomie” et de “souveraineté” collectives ou individuelles qui prétendraient se fonder sur la seule “force du réel” ou “réalité de la force”.

La conception donc que nous nous faisons de notre “Loi Morale Nouvelle” , est précisément telle qu’ELLE déclare ne fonder son propre “droit” ( ce que certains appellent un “droit au droit” ), que sur le caractère potentiellement universalisable à toute “personne” dans l’Univers ( physique) qui s’en réclamera librement et également, c’est à dire en acceptant en retour le contrôle de ce même idéal régulateur dont elle pose librement le “droit” pour elle-même, en pure Égalité avec toute Liberté individuée ( “personnelle”) qui ferait réciproquement de même.

Remarque : Bien des lecteurs objecterons sans doute qu’il n’y a donc dans cette supposée “Loi Morale Nouvelle“, rien de “nouveau” : qu’il ne s’agit que de la reprise de la MÊME IDÉE, déjà depuis longtemps ou même depuis “toujours” énoncée par toutes sortes de penseurs ou philosophes, ou simples personnes réfléchissantes, de la limitation de la liberté des uns par celle des autres sous l’ Autorité commune de la Loi.
Qu’il s’agit donc d’une simple variante du même modèle que, entre autres :
– la “Règle d’Or”
– le Contrat social de Rousseau
– l’ Impératif catégorique de la loi morale kantienne
– l’ article 4 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen,
– les principes de Justice de John Rawls,
– la question posée par François Galichet concernant une “normativité originaire” ( voir dans “Mourir délibérément ?” )
etc. etc.

Et donc que cela ne sert strictement à rien de continuer à chercher des variantes de “quelque chose” qui a depuis longtemps, à la fois été énoncé idéalement, et montré son impuissance à réguler quoi que ce soit dans la réalité des rapports humains, entre les individus ou entre les collectifs et les communautés humaines.

Certains, dans la lignée du “marxisme” post-hegelien, vont bien sûr continuer à répéter eux-mêmes que le problème n’est plus depuis longtemps de trouver une “solution idéale” aux problèmes de la vie humaine en société, mais de “passer à l’action”, de “faire” et d’ “agir” , et donc d’ “accéder au pouvoir”, et que c’est la “Révolution en marche d’une Histoire en marche” qui règle les problèmes par le “rapport des forces” en présence …
Bref que la “solution” du problème du “passage de l’ Idéal au Réel” se trouve dans l’ Idéalisation du Réel lui-même, comme “moteur de l’histoire” :
Et que si l’on se demande, parmi toutes les propositions d’usage de la force ou du jeu des “rapports de forces”, laquelle est la “meilleure” , c’est “forcément” la “loi du plus fort” qui est la “meilleure” … celle que l’ “Histoire avec sa grande Hache” aura retenue.

Bref que si l’on veut établir une soumission du “de facto” au “de jure“, il “faut et il suffit” de définir le “de jure” comme étant l’ institutionnalisation du “de facto” … Lequel ? Celui qui aura “de facto” réussi à s’imposer par son “pouvoir”.

Vieille question d’un supposé renversement des questionnements “éthiques” par la “praxis politique” … et le règne du “tout est politique” , qui finit par devenir … “tout est économique”, puis tout n’est que guerre de tous contre tous, et donc “que le meilleur gagne” suppose que le “meilleur” est par définition “celui qui gagne”.

Faudrait-il choisir entre “avoir les mains pures, mais ne pas avoir de mains” et “avoir des mains dans le cambouis” , mais les avoir nécessairement rongées voire écrasées par les contradictions de la “lutte pour la vie” ?

A chacun de voir :

– Pour moi, je sais ce que je veux pour moi et ce que veulent par conséquent aussi d’autres qui peuvent vouloir la même Égale Liberté que celle que je veux, à partir de ma propre libre décision .
– Je ne prétends donc “imposer” à personne, ni même “obliger” personne à suivre ce “même contrat moral” ( d’ “Égale Liberté“) , puisque, par définition je le pose librement comme étant libre ( “Libre Égalité” )

– Quant à VOUS, … c’est VOUS qui voyez .





Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

Des multiples sens de l’ expression “Égale Liberté”

L’ expression “Égale Liberté” a déjà une longue histoire qui se confond presque avec l’ histoire de la philosophie “moderne” ou encore de l’ “Esprit des Lumières”.

En voici une formulation célèbre en termes de définition du “droit”  :

Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord à la liberté de tous en tant que celle-ci est possible selon une loi universelle.”      Kant, Théorie et pratique Dans la Critique de la Raison Pure
( trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, 1944, p. 264 ) :

Une constitution ayant pour but la plus grande liberté fondée sur des lois qui permettraient à la liberté de chacun de subsister en même temps que la liberté de tous les autres (je ne parle pas du plus grand bonheur possible, car il en découlerait de lui-même), c’est là au moins une idée nécessaire qui doit servir de base non seulement aux grandes lignes d’une constitution civile, mais encore à toutes les lois, et où il faut faire abstraction, dès le début, des obstacles actuels, lesquels résultent peut-être moins inévitablement de la nature humaine que du  mépris que l’on a fait des vraies idées en matière de législation

En un certain sens , du point de vue de l’ énoncé de l’idéal théorique “formel”, tout de ce que “NouS” proposons sous l’ expression “Égale Liberté” y est déjà dit et en quelque sorte inclus, et tout objecteur à notre proposition peut ainsi à la fois prétendre récuser une certaine “originalité” ou “nouveauté” de notre proposition dans laquelle “NouS” ne ferions que répéter inutilement ce que d’autres penseurs ont depuis longtemps déjà proposé, et NouS objecter précisément toutes les mêmes objections qui ont été faites depuis longtemps à cet énoncé d’un principe d’ “Égale Liberté”.

Cependant, qu’il s’agisse de Rousseau, de Kant, des penseurs de la Révolution française ou américaine, ou plus récemment de philosophes de la politique ou du droit comme John Rawls, etc. il s’agissait toujours pour eux de prétendre qu’une telle proposition faisait partie du fondement d’un “Droit Naturel”, quelles que soient par ailleurs les ambiguïtés de la référence à une “nature humaine” ou à une “nature” en général.
Comme si la “justification” d’une telle proposition devait nécessairement se trouver dans un “fondement” extérieur à la liberté même dont cette proposition proclame la valeur.

Certes, des auteurs comme Rawls ( ou Habermas, ou ceux qui proposent en général une “éthique de la discussion”, ou comme Francis Wolff un “principe de réciprocité” dérivé d’une “raison dialogique humaine” ) ont bien vu qu’on ne pouvait pas se contenter d’un simple appel à une “nature” toujours suspecte de revenir à un fondement “ontologique” plus ou moins “divin”, même si on emploie des termes alternatifs alambiqués comme “transcendantal” ou “originaire” pour prétendre énoncer une “valeur rationnelle  objective” constituante de l’ “humanité”,  de l’ éthique et du droit, mais qui ne soit pas elle-même “constituée” par les hommes réels, par leur évolution bio-psycho-sociologique et par l’ histoire de leurs relations.
Chez Rawls on voit ainsi ( à travers la fiction du “voile d’ignorance” ) un essai de formuler les “premiers principes de justice” en prétendant les tirer d’une simple “procédure” que l’on suppose cependant à valeur “universelle” … ( du moins pour les “démocraties occidentales” ).

Mais toute “procédure” ne VAUT que pour ceux qui font le libre choix de l’utiliser pour réguler leurs interactions à partir de cette “valeur commune” ou de cette “procédure” commune.
Si l’intérêt de toute démarche d’explicitation procédurale est en en effet de pouvoir constituer une base de représentation “explicative” ou même “compréhensive” commune à des interlocuteurs qui ne partagent pas a priori les mêmes convictions, opinions ou représentations, elle est insuffisante pour conférer de la “valeur” aux conclusions tirées de cette démarche procédurale si la “valeur” de la procédure n’est pas elle-même reconnue. Car il faut déjà que les interlocuteurs se soient eux-mêmes suffisamment mutuellement reconnus comme libres participants à la “règle du jeu” “dialogique” proposée par l’un d’entre eux …
Sinon on en revient, même implicitement, à une méta-règle du jeu “transcendante”.

Si notre propre proposition d’ “Égale Liberté Libre Égalité” se limitait en effet à son premier membre ( “Égale Liberté” ) , NouS aurions en gros les mêmes problèmes et difficultés à répondre aux objections historiques des contradicteurs ou des opposants au principe d’ “Égale Liberté”.

Mais précisément, NouS déclarons que notre propre version de cette proposition d’ “Égale Liberté” ne se prétend plus, ni  “fondée en nature”, ni reposer sur une “raison” a priori universelle , ni sur une quelconque “structure anthropologique” et encore moins sur une quelconque “constitution transcendantale” ou “originaire” qui échapperait à la volonté humaine tout en la “constituant”. 
Nous reconnaissons donc la légitimité des objections “positivistes” ou “historicistes” , “relativistes” ou encore “matérialistes” ou “empiristes”, qui visent à relativiser toute cette prétention à l’ universalité du fondement du droit ou d’une “éthique universelle”.
Ou encore celles qui ont été énoncées depuis longtemps par les “maîtres du soupçon” ( Dont la triade Marx, Nietzsche, Freud et leurs multiples descendances hybrides ), ou par les dénonciations “post-modernes” du “sujet” ou de l’ Homme”, structuralistes ou post-structuralistes.

Cependant une telle “relativisation” liée à une analyse empirique factuelle des phénomènes évolutifs humains, culturels, politiques, économiques, sociaux,  ou encore plus radicalement, à la simple créativité esthétique ou artistique personnelle, n’ “oblige” précisément personne non plus à renoncer à un tel IDÉAL d’ “Égale Liberté”,  sous prétexte qu’il ne serait pas inscrit dans un marbre “transcendantal” d’une table de la loi “universelle et nécessaire”, ou dans une “loi naturelle”, ou qu’il ne serait pas implicitement “reconnaissable” dans quelques régularités culturelles ou sociales empiriquement et statistiquement déjà constatables dont un tel Idéal ne ferait que représenter l’ “idéal-type” caricatural et simplificateur.
( Ce qui est la thèse de différentes formes de scientismes ou de positivismes pour lesquels le “droit” n’est jamais qu’une consolidation postérieure artificielle  de comportements et d’évolution de ces comportements déjà existants dans le réel et obéissant par conséquent intégralement  à toutes sortes d’autres causalités que celles qui résulteraient d’une rétroaction d’une telle formulation idéale du droit sur la réalité elle-même ).

D’où peut alors venir un tel “fondement” de ce qui est proposé ici sous l’ expression “Égale Liberté“, PAR QUI et POUR QUI, sinon des personnes elles-mêmes qui, EN TOUTE LIBERTÉ PERSONNELLE précisément, font le choix éminemment personnel d’en faire pour ELLES-MEMES, leur propre IDEAL commun. LIBRE CHOIX dont NouS proposons l’institution, sous le nom de “Libre Égalité“, en même temps ( dans la même formulation et proposition “constitutionnelle” ), que celle de l’ “Égale Liberté“.

C’est donc leur liberté même, auto-posée comme valeur, qui “justifie” et “fonde en droit”, la valeur de cette liberté pour les personnes concernées, c’est à dire qui se sentent ou se veulent concernées par une telle proposition, probablement parce qu’elles l’ont déjà plus ou moins implicitement formulée pour et par elles-mêmes, sans attendre qu’une autre personne la formule à leur place.
Il suffit alors de s’apercevoir qu’une telle libre auto-fondation de la valeur de sa propre liberté personnelle, toute autre personne capable d’ en comprendre le principe ( VOUS par exemple ), PEUT aussi Y adhérer et accepter que d’autres personnes qu’elle-même en partagent à la fois les droits et les devoirs éventuels, en toute “Égale Liberté“.
Ce n’est plus alors une quelconque “transcendance” ni structure a priori du fondement du droit ou de la morale qui obligerait un “sujet” à Y adhérer, ni bien sûr non plus une quelconque entité collective empirique existante ( État, Nation, Peuple, Communauté, Société, Humanité … ) considéré comme “préalable” ou empiriquement constitutive de la “subjectivité” de ses membres.  C’est purement et simplement, un acte libre de la personne elle-même qui instaure et institue la VALEUR de sa propre liberté à ses propres yeux.

Décision qui en conséquence lui pose la question OUVERTE, non seulement de sa propre liberté actuelle, présente, hic et nunc, mais de toute liberté future possible ouverte en droit à partir d’une telle décision, et de sa reconnaissance dans les mêmes termes, de l’ Égale Liberté de toute autre personne dans l’ univers qui prend ou prendra un jour, pour et par elle-même une telle décision.
La libre décision personnelle de considérer toute autre personne faisant un tel choix comme rigoureusement ÉGALE “en dignité et en droits”  pour autant que celle-ci, prend elle aussi, cette “même” libre décision.

S’agissant des “Droits Humains” , il s’agit alors d’une nouvelle extension de ces droits et libertés et donc des “devoirs” qui en découlent pour leur réalisation “effective”, mais non plus fondés sur un “droit naturel” supposé “valoir” pour tous les êtres humains et obliger tous ces êtres humains à partir d’une “constitution” ou un “contrat originaire” qui échapperait à leur propre libre volonté personnelle, ni d’un “droit positif” supposant la “légitimité” préalable de la “souveraineté” instituée par le jeu des “forces” sociales, politiques, historiques, culturelles, etc.
( Nations, peuples, communautés d’origine éthniques, linguistiques ou religieuses, etc. )

Il s’agit du fondement d’un nouveau type de DROIT  DES PERSONNES qui ne vaudra que PAR et POUR les “personnes souveraines” qui  instituent collectivement entre elles la valeur autonome de leur “Égale Liberté et Libre Égalité“.

Tout “être humain” ( et plus largement tout être conscient de l’ univers capable de comprendre ce qui est en jeu …) est bien sûr “invité” à rejoindre ce nouveau statut de “personne souveraine, libre et égale” , mais il ne peut, PAR DÉFINITION, ni y être contraint par la force, ni même “obligé” par un supposé “contrat humain ou anthropologique originaire”, ni par une “dignité inhérente à l’ espèce humaine” mais qui ne serait pas elle-même définie et décidée par ces mêmes êtres humains ( ou en général êtres personnels conscients et capables de volonté.individuée )

Ce n’est qu’une libre décision de sa part, et donc la reconnaissance de l’ Égale Liberté des autres qui l’ accompagne, qui peut l’ engager lui-même dans cette voie.

Quant à VOUS, c’est vous qui voyez …

REMARQUES ET COMMENTAIRES


On peut trouver des éléments d’analyse historique du principe d’ “Egale Liberté” dans ce texte en ligne de Alain Laurent :
 http://www.catallaxia.org/wiki/Emmanuel_Kant:Les_justes_droits_d’%C3%A9gale_libert%C3%A9

Extrait :

” Lorsqu’il a invoqué cette norme dans la Théorie de la justice, Rawls n’a fait que reprendra son compte un principe énoncé depuis deux siècles déjà par Jefferson et Kant, qui, au beau milieu de… la Critique de la raison pure, présente comme une « idée nécessaire » celle d’une « constitution ayant pour but la plus grande liberté humaine fondée sur des lois qui permettent à la liberté de chacun de pouvoir subsister en accord avec celle des autres ». La formulation définitive en est revenu à Spencer dans les Social Statics puis les Principles of Ethics : « Chaque homme est libre de faire ce qu’il veut pourvu qu’il n’atteigne pas l’égale liberté de tout autre homme ». Ce que Popper a repris sous une forme négative : « la liberté de chaque individu ne doit pas être restreinte au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un égal degré de liberté pour tous » (La société ouverte et ses ennemis, II). “

On peut trouver en ligne de nombreuses références à l ‘ Idée centrale dont il est question, notamment formulée par Kant :

Voir par exemple ici : La philosophie du Droit de Kant  de Simone Goyard Fabre


( Sous – remarque :
Cette liberté pragmatiquement en acte ( pensée langage  outil ) rétroagit sur l’ “objet concept” qu’elle “construit” sous ce mot “liberté” et réciproquement :
c’est donc de cette spirale récursive auto-référente qu’il est ou qu’il devrait toujours déjà être question : encore faut-il attendre que l’ évolution des capacités technico-scientifiques en démultiplie les implications libres potentielles. ( par exemple par la modélisation informatique )
Il ne s’agit bien sûr pas d’oublier les “déterminismes culturels et sociaux” ou les contraintes proprement “formelles” ou linguistiques ou “structurales” qui peuvent infléchir de façon complexe les dynamiques personnelles, interpersonnelles et collectives des interactions entre ces nombreuses “libertés de penser” individuelles.
Mais dès qu’on s’aperçoit de la dimension proprement “récursive” donc en un sens “auto-référentielle” et par exemple “auto-éco-géno-phéno-ré-organisante” ( comme dirait Edgar Morin …) de la “liberté se posant elle-même”, nous ne pouvons plus nous laisser impressionner par le simplisme de supposés “déterminismes” univoques ou linéaires qui interdiraient de donner un sens quelconque au mot “liberté. Si on se place du point de vue d’une analyse “causale” naturaliste ou physicaliste alors il faut au moins se reporter à des modélisations en termes de “systèmes complexes”, car ce que nous appelons “liberté” ne se “réfère” qu’à des dynamiques organisationnelles “émergentes”  supposant une “complexité” suffisante des interactions, notamment cérébrales, pour former une “prise de conscience psychologique”. )

2. Mais la plupart de ces penseurs de l’ “Égale Liberté” ont proposé cependant que cette “même idée” soit un “principe universel”, voire même que leur propre formulation personnelle prétende à une telle “universalité” ( C’est notamment le cas de Kant … ).
La problématique d’une telle universalité elle-même problématique est bien sûr à relier au concept même de “liberté” : un même MOT ( ou éventuellement quelques uns comme en anglais “liberty” et “freedom” ), peut être “librement” pensé avec une certaine variabilité de son contenu liée notamment à l’ exploration personnelle LIBRE de cet espace sémantique et de ses implications linguistiques, culturelles, poétiques  ou “pragmatiques”.
Comment se fait-il que ces penseurs n’ aient pas remarqué que la notion même de “liberté de penser” était réapplicable “récursivement” à l’ expression “liberté de penser” ? Et donc que chacun est précisément “libre de penser” ce que signifie “être libre de penser” … tout en étant en effet en train de “tourner” ou de “graviter” autour d’une “même idée”. Et que c’est donc cette liberté de penser elle-même qui d’une certaine façon limite l’ unicité et l’univocité radicales de l’idée de “liberté”.
L’ idée de “liberté” est donc par excellence à la fois “une” ( comme le signale l’usage d’un mot ou de quelques mots dénotant cette “idée” ) et plurielle, à cause du contenu sémantique même de cette idée : “La liberté” se décline LIBREMENT en de multiples “libertés” et de significations possibles de ces “libertés” … pour chaque personne librement pensante et volontairement agissante.

Remarque :
Kant lui-même était bien placé pour savoir que la “critique de la Raison” ne pouvait être menée que par la Raison “elle-même, donc dans une “boucle” autoréférentielle. Évidemment, pour cela il faut renoncer à l’universalité a priori, sauf si on DÉCIDE LIBREMENT de définir désormais un tel “a priori” comme caractérisé par cette “autoréférence même”, qui n’ a donc plus rien de “transcendantal”, mais est – par sa propre autodéfinition autoréférente – totalement “immanente” à elle-même, c’est à dire au “sujet” personnel lui-même qui s’y pose en effet lui-même “comme tel”, comme “sujet libre”.
( On est alors plus proche de l’ “esprit absolu” hégélien , où tout “dehors” supposé nécessite au moins que cette “extériorité” soit pensée … de l’ “intérieur” de l’ esprit … ou devienne une “pensée vide” ).

3. Concernant l’ idée d’ “Égale Liberté”, l’usage de l’ adjectif “égal”  est bien sûr problématique aussi : il est évident qu’on ne peut pas comparer les “libertés” comme on compare des “grandeurs” numériquement mesurables ou ordonnées.
La plupart du temps où l’on pense, imagine ou perçoit la liberté d’une personne comme “supérieure” ou “inférieure” à celle d’une autre ou encore pour une même personne comme supérieure ou inférieure suivant les moments et les circonstances, ce sont précisément certaines “conditions” empiriques d’ exercice de la liberté qui sont considérées comme différentes ou “comparables” sur différentes échelles d’évaluation.
Si on parle d’ autre chose ( de la “liberté en soi” indépendamment des conditions empiriques d’exercice de cette liberté), il s’agit alors d’une valeur que l’on pose et qu’on “attribue” , et cette position dépend donc de la décision de la personne qui pose cette valeur et choisit cette forme d’ évaluation.
Rien ne m’ empêche de “décréter” la valeur intrinsèque et auto-référente de ma liberté … sauf éventuellement ma liberté elle-même qui alors s’affirmerait tout autant … :
Si je me décrète “libre” de décréter la valeur intrinsèque de ma liberté, je CRÉE ce cercle auto-référent, non pas certes de l’ ensemble des conditions empiriques  d’ exercice de cette liberté ( qui ne dépendent qu’indirectement de ma volonté  consciente ), mais le cercle auto-référent de sa “valeur morale” pour moi, puisque je décrète en même temps, que toute autre “valeur morale” supposée n’ en aura pour moi qu’ à l’expresse condition de ma propre liberté de jugement à cet égard.

Évidemment, il n’ en résulte nullement ( contrairement à l’ “universalisme a priori” de type kantien ) que “tout être humain” DOIVE en faire de même, et DOIVE de la même façon que moi, “décréter” la valeur auto-référente de sa propre liberté, au nom d’un “impératif catégorique” transcendantal :
l’ inconditionnalité de sa liberté signifie précisément qu’il PEUT le faire, comme moi j’ ai décidé de le faire, mais qu’il PEUT aussi le refuser, en participant ainsi à la “constitution” d’une autre conception éthique, juridique et politique que celle que je propose, mais à laquelle je ne me sentirai aucune obligation ni éthique, ni juridique ni politique de “participer”, si ma propre capacité de décision libre ultime m’ est refusée.

Dès qu’on cherche à traduire l’ énoncé formel d’une liberté en termes de “conditions réelles” de l’ exercice de cette liberté, on peut être amené à comparer ces diverses conditions entre elles.

L’ exigence de l’ “Égale Liberté” ne se traduit pas ( sauf dans une version “égalitariste” simpliste et totalitaire ) par l’ “égalité numérique” des grandeurs physiques ou économiques associées, mais par des questions posées au sujet de leur ÉQUIVALENCE en termes de “liberté” individuelle et/ou collectivement choisie. Or cette “équivalence” effective  des conditions réelles d’une “Égale Liberté” est bien sûr fonction des personnes, des situations, etc.
Elle concerne donc d’abord l’ “Égale Liberté” au moins formelle, de chacune des personnes concernées, de participer à une telle “évaluation” collective, lorsque cette évaluation collective devient nécessaire à cause des conflits qui surgissent dans la réalité, même entre des personnes dont on supposerait qu’elles adhèrent librement au principe d’ “Égale Liberté” entre elles. Bref cela suppose le droit de chacune à participer “également” à la définition des “lois minimales” nécessaires à la sauvegarde et au progrès de leur commune “Égale Liberté”.
Il appartient donc essentiellement à chaque personne de  définir avec d’autres personnes dans quels cadres de “bien commun”, d’ “intérêt commun”, de “projet commun”, etc.  elle veut établir des normes communes d’égale protection réciproque de leurs libertés respectives.

Bien sûr une telle mutualisation volontaire choisie des conditions concrètes d’ exercice des libertés ne peut pas s’installer du jour au lendemain dans des sociétés réelles marquées depuis une longue histoire culturelle, économique, sociale et politique par la “tutelle” exercée sur ses membres par une ou des collectivités complexes d’ “appartenances” multiformes et imbriquées.

Il appartient donc désormais à chaque personne de se poser dès aujourd’hui la problématique de ses “appartenances” ou “identités” collectives complexes, d’en analyser les causes et les effets, et de savoir qu’elle aura de plus en plus à décider par elle-même du type de lien culturel, social, économique, politique, etc. qu’elle voudra tisser avec d’autres personnes.
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On peut aussi voir à ce sujet certaines approches “multiculturelles”, ou certains essais concernant la “créolisation”, ou du “faire rhizome” à la manière d’ Edouard Glissant, mais de nouveaux totalitarismes guettent rapidement ceux qui veulent que le “tout-monde” se fasse … à leur façon … )

4. Très rapidement, à partir d’une certaine idée d'”universalisation” possible de l’ idéal d’ “Égale Liberté”, se pose la question de savoir si, comment et par qui cet idéal sera ou devra être “partagé”.
D’autant plus que, comme nous venons de le voir, il n’y a pas pour “NouS”, de “vérité universelle” en cette matière normative, et que des points de vue particuliers différents de philosophie morale, politique ou économique sont défendables par les uns et les autres ( du genre “utilitarisme”, “droits naturels”, “libéralisme”, etc. )

– On connaît ici la “réponse” de certains, notamment de Rousseau, qui y répond en prétendant que la seule “solution” est de “contraindre chaque citoyen à être libre” ….
J’ ai déjà exposé plusieurs fois sur ce site en quoi précisément JE rejette radicalement cette idée que l’ “Égale Liberté” dont il est question puisse être imposée à tous par la contrainte : c’est très exactement ce qui a conduit aux totalitarismes d’ “extrême gauche” qui ont illustré notamment le XXème siècle.
C’est très exactement une des raisons fondamentales pour lesquelles je propose, de façon immédiatement complémentaire au principe d’ “Égale Liberté”, celui réciproque de la “Libre Égalité” .

– Ce qui signifie que ceux ( les personnes ) qui veulent cependant à nouveau tenter une telle “constitution” prétendant “contraindre les citoyens à être libres” , ou qui invoquent une “souveraineté nationale” ( ou “communautaire” ethnico-religieuse ou autre collectif coercitif, même prétendu de “droit naturel”  ou à la manière d’un “tout-monde” écologique ) permettant à une “majorité” d’imposer sa dictature sur l’ ensemble des personnes résidant sur un territoire, PEUVENT évidemment le faire ENTRE EUX si ça leur convient ( ils ne ME demanderont d’ailleurs probablement pas MON avis …)  : c’est à EUX de penser si et à quelles conditions cela est réellement possible dans le monde actuel …

Simplement JE ne participerai pas à leur “constitution”, j’ essayerai de “survivre en marge” … en ayant le moins besoin de leur accord ou de leur soutien “communautaire”, en “constituant” ma propre référence “collective” désormais avec TOUTE personne librement en accord ( à partir de son propre choix personnel ) avec un Idéal commun d’ Égale Liberté et n’ayant donc plus besoin au niveau “symbolique” ou théorique d’une quelconque “contrainte” ou “obligation” ( sauf celle qu’elle se donne à elle-même dans ce libre choix assumé de l’ “Égale Liberté” ) pour établir avec moi-même et les autres personnes animées par la même libre décision personnelle, la motivation projective commune fondamentale ( à long terme ), au-delà ou “par-delà” les anciennes autres “appartenances” ou “identités” multiples actuelles ou “alternatives”. Cette motivation ou “sens” d’un projet commun possible ( que je propose de nommer provisoirement “Projet de l’ Égale Liberté Libre Égalité” pour  en indiquer suffisamment simplement l’ esquisse ) est potentiellement constituant d’un “NouS” dans lequel désormais je reconnais librement toute “personne souveraine libre et égale” comme co-citoyenne pour autant qu’elle me reconnaisse ainsi qu’à toute autre personne faisant cette même démarche la même égale co-citoyenneté.

5. Prolongement et différence avec l’ Idéal d’ “émancipation” des Lumières.

En un certain sens , certains verront dans ma proposition une simple reprise de l’ Idéal “moderne” des Lumières :

– certains pour dire que ma proposition n’est qu’une pâle copie des Idées philosophiques “originales” de cette époque, et qu’il vaut donc toujours mieux s’adresser aux sources mêmes de la philosophie des “Lumières” , relire les “philosophes” du XVIIIème siècle,  ou parcourir la longue “histoire des idées” qui ont conduit à ces “Lumières” de la “Raison”.
– d’autres pour en conclure immédiatement que les critiques adressées depuis longtemps et actuellement à la tradition des Lumières ( romantisme, Marx, Nietzsche, Freud, … les sciences humaines, le structuralisme … ou tout “anti-modernisme”, “post-modernisme”, “déconstructivisme” ou “critique de la critique” contemporains qu’on voudra convoquer à cette fin  ) valent par conséquent aussi pour “déconstruire” ou réfuter d’avance ma propre proposition.

Je ne renie évidemment pas une telle “parenté” avec l’ “Esprit des Lumières“, dont le choix de l’expression “Égale Liberté” est aussi significatif.
Mais, dans ma propre proposition on ne retrouve plus du tout ni de recours à un universalisme a priori de type kantien, ni à un quelconque “droit naturel”, ni à une “loi de l’Histoire et du Progrès”, ni même à l’ idée qu’un tel “projet d’ émancipation” devrait “nécessairement” valoir pour tous dans un “commun” coercitif.

– si je retiens l’ universalisme POTENTIEL ( ouverture du projet à toute personne capable d’en comprendre le contenu de proposition minimal  ),
l’ exigence simultanée explicite de la “Libre Égalité” signifie précisément que cette proposition, loin d’ être basée sur une sorte d’ impératif catégorique, transcendantal ou anthropologique ou sur un quelconque ordre de la “Raison humaine universelle”, est directement indexé sur la LIBRE DÉCISION PERSONNELLE d’y adhérer.

Et qu’ en particulier la nouvelle inflexion de sens proposée pour l’ expression “Égale Liberté” est désormais  marquée en retour par le sceau de cette “Libre Égalité” dont la dynamique justificative ne peut provenir que de la liberté individuelle et non d’un collectif historique, culturel ou social supposé “préalable” ( même pas celui de la “Tradition des Lumières”, et ceci d’autant plus que les “Lumières” consistent précisément toujours à questionner toute “Tradition” de façon “critique” …)

Et encore moins de la supposée “démocratie” de “peuples” ou de “corps politiques” qui seraient déjà considérés comme “constitués”. Car c’est de la constitution même de nouvelles formes de “corporéités” politiques, qu’il est ici question, à partir de la libre décision de chaque “personne”, considérée comme “souveraine sur elle-même” , de former de tels “nouveaux corps politiques” avec d’autres personnes explicitement reconnues comme aussi “libres et égales” qu’elle-même se reconnaît ainsi “en toute souveraineté”.