La « Loi Morale Nouvelle » dont nous parlons ici se définit elle-même dans le résumé de sa formulation comme » Égale Liberté Libre Égalité« .
Ceci signifie :
- Comme « Égale Liberté« , ELLE se veut comme un cadre de légitimité morale possible, autrement dit une forme d’ « Égalité devant cette Loi », qui demande à chaque personne concernée de respecter la Liberté des autres personnes comme elle veut que la sienne soit respectée par les autres.
En cela la proposition est très proche en apparence de nombreux autres essais de formulation d’une « Loi Morale » à prétention « universalisable » et bien sûr de la plus connue d’entre elles, la « Loi Morale » kantienne et son « impératif catégorique« .
Si notre proposition se limitait à une « nouvelle » formulation de cette très ancienne et bien connue tentative de définir une « Loi Morale universelle », je n’aurais pas parlé de « Loi Morale Nouvelle« , mais simplement de « nouvelle formulation » de la « Loi Morale », en présupposant, après beaucoup d’autres, qu’il y aurait une sorte de « fond commun » humaniste implicite entre toutes les « morales » particulières, d’origines religieuses ou laïques « anthropologiques », etc… et j’aurais encore une fois essayé, vainement en effet, de dire une « nouvelle » fois, à ma manière, ce que d’autres philosophes se sont déjà de nombreuses fois essayés à formuler, et notamment le plus caractéristique d’entre eux à ce sujet, à savoir Kant. - OR, une remarque toute simple à ce sujet, que peut faire n’importe quel lecteur de ces philosophes ou de tout autre penseur moraliste, ou de textes traditionnels divers concernant la ou les morales et leur plus ou moins grande universalité possible ou leur relativisme culturel ou individuel, c’est que toutes ces propositions philosophiques de « Loi Morale » à prétention « universelle », sont en fait toujours très fortement marquées par la personnalité philosophique de leur auteur et / ou par des « considérations morales » propres à leur contexte culturel, social, historique, etc.;
Plutôt que de parler de « Loi Morale », même s’il existe apparemment une problématique commune, il vaudrait mieux parler à chaque fois de « la loi morale de Kant« , « la loi morale chez Aristote« , « la loi morale chez Épicure« , etc. En remarquant bien combien cette prétention universalisante est toujours celle d’une liberté de pensée personnelle particulière, qui énonce « sa propre morale », ou encore ne fait que répéter explicitement une référence dogmatique religieuse ou philosophique antérieure ou existante ou socialement et juridiquement déjà admise.
Mais cette remarque n’est pas « nouvelle » non plus !
Le soupçon philosophique, esthétique ou politique concernant ces prétentions à l’ « universalité » d’une « Loi Morale » est depuis longtemps aussi à l’oeuvre : Marx, Nietzsche, Freud, les sciences humaines, et tout ce qu’on peut trouver dans la littérature comme formes de « relativisme moral » , de « déconstruction », de « post-modernité », ou toute critique qu’on voudra d’une telle prétention « universalisante ».
En un certain sens, je souscris évidemment aussi à ce questionnement critique et donc à une forme de « relativisme moral ». - Mais précisément, malgré toutes leurs différences critiques, les auteurs, à la fois de multiples nouvelles formulations d’une supposée « Loi Morale » universelle introuvable, ou au contraire d’une réfutation relativiste systématique de toute tentative de définir une quelconque « Loi Morale », s’entendent en fait la plupart du temps pour pratiquer leur propre « liberté d’esprit » ou « liberté de pensée » personnelle à ce sujet, et acceptent d’en débattre avec d’autres, sans s’entre-tuer …
Certains de ces auteurs ont d’ailleurs pensé y trouver un moyen détourné de refonder sur ce simple constat « pragmatique » ou « performatif » du dialogue entre pensées divergentes, un « fondement » méthodologique d’une forme morale « universalisable » qui n’arrivait plus à se fonder autrement d’un point de vue « théorique ».
( Voir par exemple Marcel Conche, ou encore Habermas, etc. ).
Ou encore la question du « débat démocratique » qui serait une forme de moralité politique en acte …
Récemment, le débat avec la critique venue d’une une certaine « ultra-gauche » ( « décoloniaux », « féminisme intersectionnel », etc. ) contre l’ universalisme, a relancé la problématique théorique à ce sujet :
Ainsi Francis Wolff en fait une analyse précise dans son ouvrage de 2019 : « Plaidoyer pour l’universel » ( Ed. Fayard ), et prétend retrouver après d’autres, un « propre de l’homme », dans la faculté de dialoguer … - En conséquence de cette reconnaissance « post-moderne » d’un pluralisme et d’un relativisme des valeurs, je propose donc que toute nouvelle tentative de définir une « Loi Morale » quelconque comme « Égale Liberté » ainsi instituée par cette « Loi de Liberté », soit explicitement accompagnée dans sa formulation, de l’indication qu’une telle « Loi » ne peut ELLE-MEME être légitimement auto-posée que sous l’expresse condition de la libre adhésion des personnes qui y souscrivent.
La « circularité » entre la liberté personnelle « naturelle-culturelle » qui choisit d’entrer dans le contrat social de cette »Loi Morale Nouvelle » et le type d’ « obligation morale » qui résulte en retour d’une telle adhésion est donc explicitement reconnue et formulée dans l’ expression même « Égale Liberté Libre Égalité« :
Toute formulation de l’institution d’une « Égale Liberté » comme « Loi Morale Nouvelle » reconnaît explicitement en même temps sa relativité pleine et entière au libre choix personnel de la personne qui s’y engage( donc sa « Libre Égalité »).Il n’ y a donc dans ce cadre aucun « renoncement » rousseauiste où la personne individuelle abandonnerait sa « liberté naturelle » pour se soumettre entièrement à la « volonté générale » ( désormais »politique » collective ) qui serait seule capable de garantir à chaque « contractant » sa nouvelle « liberté civile » égalitaire. Ce n’est donc pas une « volonté générale » distincte de chaque volonté particulière qui est chargée de la « régulation » de l’ « Égale Liberté » nouvelle, mais bien chaque personne elle-même, pour autant qu’elle VEUT que d’autres personnes puissent bénéficier de la même « Égale Liberté » dont elle voudrait se garantir elle-même l’usage légitime, et se charge donc librement elle-même d’une telle participation à sa mesure dans ce Projet Idéal Commun.
Libre à toutes les autres personnes de continuer à se débrouiller avec leurs « appartenances » collectives …. plus ou moins librement choisies … et avec les « citoyennetés » libres et égales que leurs communautés ou leurs collectifs ( États, Nations, peuples, etc. ) de « volonté générale » sont censés leur garantir, en échange de leur « obéissance à la loi commune ».
Libre à chaque personne aussi de choisir de n’entrer dans ce nouveau contrat de « Loi Morale Nouvelle » qu’à son propre rythme et suivant sa propre « liberté naturelle » maîtrisée, si elle respecte alors en conséquence l’ « Égale Liberté » des autres de faire comme elle, c’est à dire de « mesurer » de la même façon la progressivité de leur adhésion formelle théorique et / ou de leur adhésion concrète réelle pratique à une telle « Loi Morale Nouvelle » définie par la « maxime » d’ Égale Liberté Libre Égalité ».