L’arrêt nié

Le titre de cet article fait allusion d’une part à une question générale de l’informatique théorique, celle du “problème de l’arrêt” :

Mais de façon beaucoup plus anecdotique dans les méandres des fictions mytho-phonologiques de ma “Même Moire”, cette expression de l’ “Arrêt nié” peut être entendue phonétiquement, comme “L’ araignée”, ou l’ “Art est niais”, ou “La reine y est”, ou “la raie niée”, etc.

Chacune de ces interprétations est elle-même une façon d’ “arrêter” provisoirement la perception d’une signification possible de la chaîne phonétique … et une occasion d’en relancer indéfiniment les boucles de productivité, par toutes sortes de liens potentiels “poiétiques” , dont l’existence éphémère entretient l'”effet mère” de ses “dés sans dents”.

Et chacune de ces “filières” ( de la Toile d’arrêt nié” ), la durée de sa brève existence évanescente bientôt évaporée, peut se recombiner avec les autres, et donner ainsi des mailles de plus en plus solides d’un réseau de “mémoire” dynamique : il faut et il suffit que des combinaisons émergentes de ces recombinaisons arrivent à se maintenir plus longtemps que d’autres en se nourrissant de la mousse indécise de “poussières d’ étoiles” qui s’étirent depuis un supposé “big bang”, le long des ondes traces de ces filières effilochées.

Nouveau ( 5 juillet 2024 ) : Il existe sans doute un ensemble de rapports entre la problématique de l’ “Arrêt nié” et l’espace ouvert et exploré par le fameux poème de Mallarmé : “Un Coup de Dés jamais n’abolira le Hasard“.

La relation la plus simple est en effet de remarquer que à chaque “Coup de Dés”,
un Arrêt est possible, mettant fin à la suite indéfinie des relances récursives, des “heurts successifs” d’un “compte total en formation“.
Cependant, et c’est là la proposition du poème de Mallarmé, aucun “Coup de Dé” dans une série donnée, ne pourra mettre un point final au Hasard en général, d’un quelconque DeHors du réel, extérieur à la série algorithmique des rappels récursifs, qui viendrait relancer à nouveau d’autres séries “numériques” :
Tout “Arrêt“, provisoirement figé par un “Coup de Dés”, dans une production algorithmique donnée, définie par des règles de production d’une axiomatique formelle, peut-être Nié, à Nouveau, à son tour, par le débordement physique du Hasard, qu’aucune représentation formalisée ne peut “réduire”.

Certes, il y a constamment des processus de productions particuliers, enfermés dans la formalisation et la définition de leurs opérations propres, mais aussi par des contraintes physiques auto-reproduites et provisoirement stabilisées, qui finissent par s’arrêter . Mais cet arrêt local, dû à l’ici et maintenant de “coup de dés” particuliers et eux-mêmes “finis”, ne peut “abolir” la productivité physique fondamentale de l’ “être comme néant” ou du “néant comme être” qui se manifeste comme “Hasard” .
Évidemment, Mallarmé ne se réfère pas à une physique quantique qui n’existait pas encore à la fin du XIXème siècle … mais l’ évocation des “du vague en quoi toute réalité se dissout” , n’est pas sans rappeler, rétrospectivement et anachroniquement, ce qu’on appellerait aujourd’hui des “fluctuations du vide quantique”.
Autrement dit : Tout “Arrêt”, en tant que défini par une telle Coupure dans une dynamique auto-reproductive, peut à son tour être “Nié”, par une Nouveauté radicale qui finit par éroder le mécanisme physique de blocage lui-même de cet “Arrêt”.
Aucun “Coup de Dés” ne peut jamais “abolir” définitivement le Hasard.

Tout “Coup de Dés” se caractérise d’abord par la Coupure temporelle qui distingue un “Avant-Coup” de l’ Après-Coup”.
Or une telle distinction temporelle, macroscopiquement valable, et précisément statistiquement stabilisée par la “loi des grands nombres”, ne vaut plus au niveau quantique où toute précision temporelle accrue se paye nécessairement par une indétermination plus grande sur la valeur de la grandeur conjuguée ( quantité d’énergie utilisée dans le “Coup” de l'”instant” : tout Coup a un Coût :
Ou encore : il n’y a pas d'”information-néguentropie” énergétiquement gratuite, et plus on a besoin de “bits” pour préciser une localisation spatio-temporelle ( un “lieu” : “rien n’aura eu lieu que le lieu” ) , moins on a de précision possible sur les intensités dynamiques (énergie-impulsion) mises en jeu : La précision du “COUP” se paye d’une imprécision sur le “COUT” et réciproquement ( principe d’indétermination de Heisenberg ).

L’ explication formelle de l’existence d’un tel “quantum d’action”, attestée physiquement par toutes les confirmations expérimentales, peut facilement être comprise, si on considère qu’une interaction élémentaire met en jeu une quantité d’énergie “hν” (“photon”) où la fréquence ν ne peut être elle-même définie de façon précise qu’en rapport avec la précision de la mesure de la durée d’une phase de l’oscillateur considéré, et réciproquement.
Or l’alternance d’UNE phase d’une oscillation élémentaire ( … mathématiquement sinusoïdale ) ne peut pas être décomposée de façon plus “élémentaire” : de façon ou d’une autre, l’énergie ou le temps ne peuvent être définis qu’à un déphasage d’un “tour” près : et on ne peut “compter” que des “tours” complets . Prétendre “décomposer” une sinusoïde élémentaire c’est remettre en question son aspect “élémentaire” : on ne peut le faire qu’en créant deux ou plusieurs autres fonctions périodiques dont la superposition reconstitue la sinusoïde élémentaire. ( Voir série de Fourier, analyse harmonique, etc. fonction élémentaire ) .
En quel sens une fonction comme la fonction sinus est-elle “élémentaire” ?
Il faut examiner la relation mathématique entre la fonction et sa propre dérivée ou son intégrale. C’est la simplicité de cette relation qui est en cause.

Voir aussi le “phénomène de Gibbs”


Paradoxes de l’identité personnelle

Le 8 octobre 2021, un article de Jean-Pierre Dupuy paraît dans “AOC”, intitulé “Métaphysique de l’ Anomalie”
https://aoc.media/opinion/2021/12/28/metaphysique-de-lanomalie-2/

Les paradoxes de l’identité personnelle sont en général liés à des paradoxes de la dimension temporelle. Rien d’étonnant à cela : Le temps étant la dimension suivant laquelle je peux conserver toute mon “identité personnelle numérique”, tout en devenant éventuellement très différent au cours du temps de ce que j’ étais, “conceptuellement” ( en termes de caractéristiques d’ “essence” conceptuelle ou comme on dit en logique de la “compréhension” du concept ).

Lorsque je parle d’ “identité personnelle“( à savoir en particulier “mon identité personnelle” ) , je distingue bien sûr cette question de l'”identité personnelle” ( liée à l’Idéal de la “Personne Libre et Égale” et qui pose d’abord une question “de jure” ) de celle de l’ “identité individuelle“, qui est d’abord une question concernant la réalité “de facto” de l’existence physique des “individus”, comme systèmes biologiques “corporels” complexes en relation complexe avec leur “environnement” lui même organisé de façon complexe, et susceptible d’études “pluri-, inter- et trans- disciplinaires quant à l’organisation dynamique complexe des relations entre “individuation” et “organisation sociale” dans l’ espèce “homo sapiens” ou le “genre homo” dans son évolution biologique rétroagissant notamment par ses productions “culturelles” sur l’ensemble des “écosystèmes” qui ont rendu possible son émergence.

Mais cette distinction des notions de “personne” et d’ “individu” ne tire sa valeur propre que de la décision même, prise en tant que “personne”, et plus précisément “en première personne” ( par “moi-même” en disant “JE”) , se posant elle-même comme “Libre et Égale”, d’effectuer une telle distinction entre l’Idéal d’ “autonomie personnelle” et notamment d’ “autonomie de la volonté” ( “de jure” ) et la réalité physique complexe où la “personne” se reconnait aussi, de facto, comme “individu” ( même reconnu ensuite en en “troisième personne” ), au sens à la fois du membre d’une “espèce biologique”, et d’ “appartenances”, sociologiques, économiques, culturelles, etc. multiples à des “organisations” supra-individuelles, ayant leur propre niveau de fonctionnement complexe.

L’articulation entre “personne” et “individu” se faisant dans les deux sens :

1. Je pose comme préalable que toute capacité “personnelle” effective, en acte, suppose une organisation physique effective, de soubassement d’abord “biologique” (postulat de type “réalisme scientifique” ) : ensemble des dynamiques bio-physiques qui constituent le cadre de l'”évolution du vivant” pour donner lieu à une organisation dynamique corporelle et notamment cérébrale capable de se représenter elle-même dans une position “singulière” au sein de tout le système de “représentations” ( conscientes et inconscientes ) que le cerveau vivant ( et ici même mon cerveau vivant ) peut élaborer au sujet de son corps propre et de l’environnement-monde où il existe comme “vivant”.

Il n’est donc nullement nécessaire, dans la perspective que je propose, de supposer un quelconque “dualisme” à l’intérieur du “réel de facto” , qui opposerait, à la manière cartésienne une “substance pensante” à une “substance étendue”, ni même à la manière kantienne une réalité “nouménale” inaccessible à notre connaissance et une réalité “phénoménale” qui serait seule accessible à la connaissance.

La position que je choisis de prendre est donc de type “monisme matérialisme émergentiste” : toute forme d’existence réelle, dont ma propre existence individuelle et personnelle consciente d’elle-même , suppose une organisation matérielle certes extrêmement complexe, mais non pas d’une complexité “infinie”, mais bien hiérarchiquement déterminable en termes d’ “échelles” d’intégration, depuis les structures physiques “élémentaires” ( décrites par les théories de la physique, notamment quantique ) jusqu’à l’organisation biologique corps-cerveau, dont le tissu d’interactions avec son environnement lui aussi physique, produit de facto ce que j’appelle “ma conscience de moi-même”.
Les progrès de nos connaissances scientifiques sur une telle “matière organisée” aux différents niveaux de complexité, finiront par permettre aux êtres organisés conscients que nous sommes, à se donner des représentations et modélisations suffisamment efficientes et précises de cette complexité, que de nombreux effets de “rétroaction” en particulier redescendants dans les niveaux d’échelle, nous donneront des moyens d’interaction actuellement encore totalement “inouïs”, puisque non encore “émergés” de formes d’organisation complexes encore inexistantes et n’ayant peut être encore jamais existé dans l’univers depuis le “big bang” …


2. La distinction “personne / individu ” est donc elle-même avant tout liée à la distinction “de jure” / “de facto” , elle même instituée – dans sa valeur projective – par un “de jure” auto-proclamé par la personne qui s’ “autorise” elle-même ( et dont d’une certaine façon, le “sapere aude” des “Lumières” kantiennes, mais aussi bien d’autres prises de pouvoir philosophique auto-référentes ont déjà pu se réclamer dans l’histoire … ).
Et, il se trouve, parce que “je” le veux ainsi, que je m’autorise en effet de l'”autonomie personnelle” radicale de ma propre volonté.

Et bien sûr, rien ne garantit “a priori“, ni dans aucun “de facto“, que l’ Idéal d’ “Égale Liberté Libre Égalité” puisse se généraliser suffisamment dans des “incarnations” physiques organisationnelles réelles, pour passer de façon beaucoup plus convaincante et efficace de l’énoncé de l’ Idéal à une “réalisation effective” .
La seule “garantie” qui peut valoir au yeux de la “personne libre et égale” est alors celle de l’autonomie de la volonté propre de cette personne à mettre cet Idéal en œuvre dans la mesure de ses propres possibles “individuels” sur lesquels elle pense avoir suffisamment à la fois de prise corporelle ( tant que “je” en personne “commande” à mon “corps propre” les actes compatibles avec un tel idéal “personnel” propre ).

Car c’est précisément en ce lieu de l’autonomie de sa propre volonté, qu’elle PEUT, si elle le VEUT, décider de définir ce qui VAUT pour elle-même et jusqu’à quel point, cette VALEUR, posée au minimum comme Idéal, “doit” au minimum pour cette personne elle-même, se traduire en “réalité”.

Remarque : il est facile de comprendre que toute personne qui “pense” et “réfléchit” à ses propres “valeurs idéales” a au minimum la volonté d’y réfléchir, ou du moins de CONTINUER ou de REPRENDRE une telle “réflexion” si d’aventure une telle “première réflexion” lui était venue entièrement du “dehors” ou avait soudain surgi de façon inconsciente et/ou aléatoire des “profondeurs de son inconscient” pour se “révéler” dans sa propre conscience.

Nous sommes donc capables de construire une “représentation”, notamment langagière, d’un tel Idéal, et donc de l’inscrire, d’une certaine façon, dans notre propre mémoire biologique “cérébrale”, et diversement stabilisable par les supports d’information extérieurs, culturels et techniques dont nous nous servons pour réussir à rétroagir sur notre propre mémoire cérébrale éventuellement défaillante, dans différentes “boucles” de “réafférence”

Et ceci, bien sûr, du simple fait, – que certains peuvent choisir de ne pas reconnaître – …, que toute pensée effective suppose, “en réalité”, une organisation physique capable d’effectuer une telle “pensée”.
( Notamment ce que nous appelons notre “cerveau” … )

Autrement dit, il y a un postulat que je formule, et qui est aujourd’hui de plus en plus commun à de nombreuses personnes, qui est que leur propre pensée consciente n’est réellement possible que grâce à une organisation matérielle complexe, ( notamment cérébrale ) , dont certes nous n’avons encore qu’une connaissance scientifique largement incomplète, mais dont il serait aujourd’hui, à mes yeux et aux yeux de ces personnes, parfaitement incongru de nier la “naturalité biologique”, vu les connaissances scientifiques accumulées, dans la biologie en général et dans les “neurosciences” humaines en particulier.

Un tel postulat d’émergence de la conscience en général et de la “conscience de soi” en particulier, par des dynamiques auto-organisationnelles du réel physique “naturel” n’a bien sûr plus rien à voir avec les dualismes substantiels du “corps” et de l'”esprit” , dont les exemples philosophiques sont bien connus, à la fois hérités des anciennes conceptions “animistes” religieuses ( l’ “âme et le corps” par exemple des monothéismes, ou du platonisme grec ), et de la “solution cartésienne moderne”, d’un “cogito” supposé purement transparent à lui-même comme “substance pensante”, mais aussi du dualisme kantien entre une structure “transcendantale” du sujet, et la réalité empirique “phénoménale” qu’elle est censée “construire”.

Si donc bien évidemment, l’ Idéal n’est pas le Réel, comme “la carte n’est pas le territoire”, il n empêche que toute “carte” est aussi une portion d’un territoire, et qu’elle a besoin pour être interprétée comme “carte d’un territoire” d’un “interprétant” lui-même réel et d’une certaine façon ancré dans le territoire dont il utilise la carte. Ainsi l’organisation de nos “cartes neuronales” est à la fois formellement “auto-organisée” ( en termes de “traitement récursif de l’information”), mais aussi très fortement entrelacée avec les dynamiques auto-organisationnelles physiques, chimiques et biologiques du “support” neuro-cérébral qui “implémente” l’auto-organisation proprement “formelle” du “traitement de l’information et du signal”. Précisément parce que le tout est “auto-organisé” et non pas construit par un super-ingénieur qui chercherait à “fabriquer” une telle “conscience artificielle” en imposant ses propres “plans” de l’extérieur.

Notre position “matérialiste émergentiste” s’apparente ici à celle de Francisco Varela et de la notion de l’ “énaction“, où la polarisation habituelle du “sujet” et de l’ “objet”, est une résultante dynamique de la complexité des interactions dans certaines circonstances de la conservation rétroactive de ces systèmes d’interactions.

Notes :

On peut aussi rapprocher ma position de celle de John Searle :
Comme lui je pense que la traditionnelle “distinction du corps et de l’ esprit” est un faux-problème …

De même les questions traditionnellement posées concernant le “problème difficile de la conscience” ( Chalmers ) me semblent mal posées, en ce sens qu’elles cherchent à résoudre des difficultés qui résultent précisément de la distinction artificielle préalable de la “réalité objective extérieure” et de la “conscience intérieure subjective” . ( On tombe alors sur les questions typiquement cartésiennes d’une “articulation” entre “substances” distinctes ).


Voir aussi la problématique traditionnellement discutée à partir de Locke :
Le prince et le savetier
Mission impensable

Voir l’article