Mes Moires Imaginaires

La mythologie des Trois Moires plonge bien sûr dans les profondeurs archaïques d’un supposé “Destin” qui déterminerait le “fil” de chaque vie, depuis la “naissance” jusqu’à la “mort”.

Bien évidemment, il est difficile de démêler dans ces fils, la part de réelles déterminations scientifiquement référençables, mais qui déjà, à cause de la complexité même des processus d’organisation de la matière aux différentes échelles peuvent difficilement être prévisibles en dehors d’un espace de probabilités statistiques, et la part de significations imaginaires et symboliques qui se filent ou se tissent avec ces déterminations réelles en formant toutes sortes de motifs enchevêtrés où nous projetons nos détecteurs de “figures” plus ou moins étranges ou familières à reconnaître.

L’émergence de la liberté, et de sa libre récursivité, en reprenant sans cesse ces brins tissés dans le “passé” ( personnel, humain historique, évolutif vivant et cosmologique ), reconfigure dans l’épaisseur d’un “présent” auto-organisateur, les probabilités des configurations futures.

Au carrefour des bifurcations du “présent”, nous ne savons pas tout ce qui peut devenir en jour possible, là où, comme on dit quelquefois, la “réalité dépasse la fiction”.

En particulier, les conditions physiques organisationnelles actuelles de l’ émergence de notre “conscience” humaine individuée, ne sont pas nécessairement éternellement les mêmes que celles qui ont présidé à l’ évolution biologique des structures cérébrales humaines actuelles.

Rien ne nous contraint à penser que la “solitude métaphysique” d’une conscience individuelle “mortelle” dans laquelle beaucoup d’humains actuels pensent leur “finitude”, échappe nécessairement à notre pouvoir de transformation du réel, et que d’innombrables formes de “consciences futures” sont pensables, sur la base de toutes sortes de “complexification” de l’organisation de la matière. Formes d’organisation où, même “morts” aujourd’hui, notre “conscience personnelle” dans et par laquelle nous identifions aujourd’hui notre existence peut parfaitement se “réveiller” ( comme dans la “Métamorphose” de Kafka ) en se reconnaissant elle-même comme ayant déjà existé, tout en étant simultanément un état ou une structure fonctionnelle d’une telle “conscience future” :

Rien ne contraint de telles “consciences futures” plus complexes que celles que nous connaissons aujourd’hui, à se limiter a priori à une “conscience de soi” exclusive, excluant que cette conscience puisse être “en même temps” fonctionnellement partagée avec toutes sortes de consciences distinctes mais “connectables” dans une expérience de “conscience de soi” partagée, soit contemporaines, soit ayant existé dans le passé, et qui donc se “réveilleraient”, à la manière dont nous-mêmes aujourd’hui “reprenons conscience” après le sommeil ou une anesthésie ou un coma.

Jusqu’à présent, dans nos cultures, une telle perspective était réservée à une croyance religieuse, tant il fallait pour l’imaginer, se référer à des “pouvoirs divins” transcendants que nous pouvions difficilement penser comme “humainement” accessibles.

Mais dans la perspective strictement moniste matérialiste évolutionniste émergentiste qui est la nôtre, comprenant notamment toute “conscience” et donc aussi “conscience de soi” comme résultant d’un fonctionnement hautement complexe de la matière organisée, et en aucun cas comme constituant une “substance” mystérieuse qui viendrait s’ajouter de façon incompréhensible à une “substance matérielle” pensée comme simple et passive, rien n’exclut l’émergence de nouvelles propriétés encore plus inattendues de la matière organisée, et notamment si celle-ci inclut en retour les effets spécifiques de l’ “autonomie de la volonté” progressivement acquise lors de l’ évolution et de l’histoire culturelle humaine.

Dans un but de simple exploration “artistique” ( où “Esth-ELLE” prends quelquefois les traits fictifs de “Kate Astrophe” ), nous pouvons donner libre cours aux échanges avec les algorithmes de “Midjourney”, pour donner “chair” aux fictions oniriques d’une future “connectivité” organo-cérébrale généralisée tissant toutes sortes de “morphogénèses”.

On y reconnaîtra peut-être aussi les inséminations du moule-patron , d’un personnage du Jardin des Délices, que j’ai souvent choisi comme avatar personnel de “Porte-Moule” , en guise de passager clandestin dans divers collages réalisés par “Kate Astrophe”

Le “porte-moule” dans le Jardin des Délices

Remarque : Le thème général du “moulant-moulé”, de l’ “objet-dard
( L’Etang-Dard sans gland est le V ! ), jouant aussi sur le genre de “le moule / la moule”, passant par les “Neuf moules mâliques” également de Duchamp,
a été également, en son temps ( printemps été 2005 ), l’une des thématiques composantes de la fameuse “Instabullation Pasiphiste” “De l’ Art d’escalader l’Everest“, orchestrée par Vincent Cordebard en Mai-Juin 2005, au sein de l’ équipe des “Quip’s” de l’ Araignée Quipudep

Autre remarque impromptue et inopinée :
L’ Etang-Dard peut aussi faire allusion à la “Guêpe” du Grand-Verre , qui brandit en effet le “nuage” de la Mariée comme un “étendard” …
Les “célibataires” sont-ils terrifiés par le Venin de Vénus ?

Le supposé paradoxe de la question “Pourquoi suis-je moi ?”

Je parle ici d’une question reposée par François Galichet dans son ouvrage “Mourir délibérément ?” ( Presses Universitaires de Strasbourg mars 2014 ).

Cette question “Pourquoi suis-je moi ?” est notamment traitée au chapitre 5 de l’ouvrage , chapitre intitulé “Qui veut mourir ?

En posant ainsi la question de l’ “identité du sujet” supposé vouloir sa propre mort.
Remarque : la question “Qui veut mourir ?” est sans doute aussi philosophiquement proche de la fameuse question posée par Jean-Luc Nancy “QUI vient après le sujet ?” .
Mais je ne traiterai pas ici de ce rapprochement.

Je constate simplement que la question “Pourquoi suis-je moi ?” est facile à poser, et est même posée par de très jeunes enfants, les philosophes qui cherchent à y répondre, soit finissent par “dégager en touche”, en prétendant qu’il s’agit d’une énigme insoluble, soit répondent en fait chacun à sa façon, à partir de leurs propres présupposés ou préjugés philosophiques.


La question posée, après d’autres … , par François Galichet, est “Pourquoi suis-je moi ?
P.110 :
“Pourquoi suis-je moi?” ne signifie pas : pourquoi suis-je ainsi, avec ces caractéristiques, ces qualités, ces propriétés […]
“Pourquoi suis-je moi?” signifie : pourquoi les suis-je, elles et non d’autres que je pourrais avoir ou être tout aussi bien ?

TOUT AUSSI BIEN” , vraiment ?

Qu’est-ce qui permet d’affirmer avec une telle certitude apparente que le “je” en première personne qui affirme ainsi son existence “arbitraire radicale” , pourrait être “tout aussi bien” être le MÊME SUJET, mais avec des “caractéristiques”, des “propriétés”, des “qualités” tout à fait différentes ?
Or les catégories et concepts avec lesquels chaque philosophe, ou personne en général, pense sa propre “identité subjective”, sont :

  • à la fois très générales ( propres à la structure du cerveau humain ou hominidé, ou … ) et peuvent alors être caractérisées par différentes disciplines scientifiques qui pourraient construire un savoir interdisciplinaire sur cette question,
  • ou alors très spécifiques à chaque “penseur”, mais peuvent alors aussi être considérées comme des faits empiriques dont on peut étudier la distribution variée.

Si donc on fait l’hypothèse, à la manière de François Galichet, que “je” pourrais avoir “tout aussi bien” les caractéristiques empiriques que nous trouvons chez les “autres”, c’est affirmer d’une façon ou d’une autre la distinction, sinon la séparabilité, du noyau réflexif identitaire d’une “conscience de soi” ( donc sa capacité générale, et qui est donc présente chez toute personne qui se pose la question … , à moins de penser en termes “solipsites” ), et de la grande variété des “contenus de pensée” possibles ( y compris ceux qui paraissent nous singulariser par rapport à d’autres )

De deux choses l’une :

A – Ou bien c’est faux : il n’y a pas de telle séparabilité radicale, c’est une pure illusion de croire une telle séparabilité du “sujet comme tel” ( y compris comme supposée identité numérique “arbitraire radicale” ) , par rapport à toutes les caractéristiques empiriques de l’organisme incarné dans un environnement qu’il est par ailleurs ( en tant que “moi empirique” ) : D’une façon ou d’une autre il s’agit là d’une thèse dualiste, soit à a manière cartésienne, soit du dualisme “empirique”/”transcendantal” ou “phénomène / noumène”, etc. à la manière kantienne, soit de l'”originaire” phénoménologique par rapport à ce qui est contenu dérivé , etc. )

Que certaines propriétés de notre organisme individuel , les plus “extérieures” , soient “accidentelles”, ne signifie pas nécessairement qu’elles le soient toutes, en particulier toutes celles qui définissent nos capacités d’activités mentales conscientes, nos capacités mémorielles et linguistiques, notre puissance imaginaire, etc. : toutes les capacités qui permettent en fait l’exercice de notre “pensée réflexive”, capable de “se prendre elle-même comme objet” .

Derrière une thèse d’ “arbitraire radical“, comme celle de François Galichet, on trouve en fait les thèses tout à fait classiques de type métaphysique où l’ essentiel du “sujet” connaissant est pensé ( par ce même sujet … ) comme lui échappant :
– soit comme pour la “res cogitans” cartésienne, parce que la pensée consciente est supposée totalement transparente à elle-même ( quelles que soient les erreurs possibles sur le contenu des pensées, ces pensées en tant que “claires et distinctes” sont aussi transparentes à elles-mêmes que le peut la nature même de cette conscience “cogitans” et donc si on n’en sait pas plus, c’est qu’il n’y a rien de plus à savoir, et que tout le problème ne se reporte que sur l’ articulation des deux substances …
– soit au contraire pour le “sujet constituant” kantien, ce sujet proprement dit, comme “existant en soi“, est à proprement parler inconnaissable, puisque nous ne pouvons connaître que des “phénomènes”.

Une grande majorité de philosophes semblent donc se donner le mot, tout en s’appuyant sur des thèses opposées, pour proclamer ( c’est en fait leur “arbitraire radical ” : celui de leur propre choix philosophique ), que ce qu’il y a de plus “propre” dans notre “identité subjective”, est un “arbitraire radical” qui échappe nécessairement ( ou par la volonté inconsciente du philosophe … ) au pouvoir d’investigation de la science et de la “Raison” en général.

Mais il se peut que nous pouvons percevoir certaines de nos capacités comme empiriques aléatoires que parce que nous avons certaines capacités cognitives humaines personnelles propres qui, si nous ne les avions pas, nous empêcheraient précisément de nous penser comme “ce que nous pensons être” :
Si nous n’étions pas un “être humain” avec un cerveau d’être humain, mais comme dans l’exemple cité par F. Galichet, un “axolotl”, nous ne nous poserions pas du tout une telle question “Pourquoi suis-je moi ?” .

Il existe donc des caractéristiques toutes “empiriques”, mais essentielles pour permettre à une personne humaine de “philosopher ” ainsi : Quand je parle de moi-même comme “sujet”, il s’agit bien d’un ensemble de capacités “cognitives” qui peuvent se retrouver “tout aussi bien” chez la plupart des êtres humains, et même pour certaines, chez de nombreuses espèces animales, etc.
Il faut donc au moins distinguer ces capacités très générales et “anonymes” d’un cerveau complexe, des particularités des “mémoires biographiques” construisant des “récits mémoriels individuels” où le “je suis moi” se conforte, et plus encore des représentations perceptives que chacun peut avoir de son corps propre ou de l’extérieur du corps des autres.

B – Mais d’une certaine façon, il y a aussi du vrai possible dans cette “séparabilité” du sujet abstrait “sans qualités” précises de telle ou telle des propriétés qu’une description empirique extérieure peut m’attribuer.
Mais dans ce cas, qu’est-ce qui permet de dire qu’il s’agit d’un “arbitraire radical” métaphysique ou transcendantal ou “originaire” que rien d’empirique ne pourrait combler ?
Sil est vrai qu’en effet “je” pourrais avoir telle ou telle propriété particulière que d’autres ont et que je n’ai pas, qu’est-ce qui interdirait en soi que “je” puisse également les acquérir ?

Il se trouve juste, que pour le moment, je ne les ai pas, mais rien n’interdit , en particulier dans un développement technique futur, que “je” n’acquière de telles “qualités” … ou propriétés non “essentielles”.

Le “Pourquoi suis-je moi ?” n’a alors rien de “métaphysiquement” arbitraire , mais est purement lié à une situation actuelle de limitation actuelle de notre biologie cérébrale humaine ou des techniques biologiques, qui dans un futur possible “me” permettraient de devenir en effet “tout aussi bien” semblable à n’importe quel “autre” et réciproquement : il s’agit alors d’une capacité générale de “plasticité” de nos personnalités qui n’est pas aujourd’hui accessible aux êtres humains, en effet, et qui nous “condamnent” encore à rester dans “notre peau” …

Si on objecte alors que le problème n’est pas tellement de pouvoir se transformer suffisamment ( “métamorphose” kafkaïenne généralisée ) pour pouvoir acquérir toute caractéristique empirique perceptible ou imaginable chez d’autres, mais que dans tous ces cas là , chaque “personne” n’en continuerait pas moins à se sentir et à se penser comme “enfermée” dans son “monde” ( illusion “solipsiste” ), sans pouvoir en sortir, je réponds alors que cela est dû, non à une “solitude métaphysique originaire”, mais simplement à la connectivité neuronale beaucoup plus dense à l’intérieur de notre système nerveux et notamment de notre cerveau, comparée aux types de “connexions” linguistiques, communicationnelles, sociale, culturelles, ou encore “écosystémiques” naturelles etc. que nous entretenons avec les “autres”,
dont le réseau de connexion, aussi complexe soit-il déjà , comme en attestent les systèmes de “communication d’information”dans les écosystèmes, n’atteint pas la densité intégrée multi – réflexive caractéristique de nos cerveaux humains.

Le problème est alors encore une fois, de nature “scientifico-technique” :
Comment construire des connexions beaucoup plus denses entre différents cerveaux, de façon que cette connectivité puisse devenir similaire à celle qu’entretiennent par exemple nos deux hémisphères cérébraux ( connectivité que l’ évolution biologique a réussi à établir et à maintenir en la complexifiant )

Bien sûr il serait nécessaire d’avoir de longs processus d’apprentissage, pour que les cerveaux ainsi connectés beaucoup plus densément, apprennent à constituer une expérience consciente commune d’un tel “soi augmenté”, à la manière dont nos deux hémisphères ont appris à coordonner leurs activités dans la production d’une “conscience de soi unifiée”.

Il est probable aussi que la nécessité de coordonner une action extérieure à travers un ou plusieurs “corps ” cherchant à suivre un même projet ou une même forme ( à la manière de la coordination actuelle de danseurs ou de musiciens, ou autres “collectifs” dont la coordination est capitale), est un élément canalisateur très puissant de la “conscience de soi” potentielle d’une telle entité complexe.


Dans les deux cas ( A ou B ci-dessus ) , je peux parfaitement considérer que là où François Galichet perçoit ( croyance philosophique ) un “arbitraire radical”, je ne conçois qu’une limite empirique actuelle toute relative qui pourrait être un jour transcendée par le “progrès scientifique et technique” .
En tout cas, en pensant au moins un tel développement comme “possible” en termes scientifiques et techniques, on ne se ferme pas a priori les portes, comme le font les philosophes de l'”arbitraire radical” …

Qu’aujourd’hui les êtres humains avec la configuration de leur organisation corporelle et cérébrale actuelles ne puissent pas “sortir” de la “condition humaine” actuelle, et se sentent “enfermés” dans l’organisation biologique individualisée qu’ils ont héritée du passé évolutif de leur espèce, ne signifie nullement qu’il s’agisse d’un “arbitraire métaphysique radical” :
C’est bien plutôt cette croyance qu’ils s’imposent à eux-mêmes “arbitrairement”, comme “allant de soi”, parce qu’ils n’ont pas d’autres expérience possible à disposition.

Ni plus ni moins que de s’imaginer être une “âme spirituelle” dans un “corps matériel” en se laissant abuser par les simplifications représentatives de tels “concepts” .

En réalité, “nous” ne savons pas encore réellement ( scientifiquement ) tout ce que nous “sommes” ou pourrions devenir.

La question “Pourquoi suis-je moi?” qui semble à première vue très subtilement “profonde”, est peut-être tout simplement encore mal posée :

Quand on voit combien en fait l’imaginaire métaphysique des philosophes, y compris les plus “grands penseurs” parmi eux, produit en fait, pour chacun d’entre eux, des représentations conceptuelles diverses personnelles sur ce que c’est que “penser” ou les conceptions très différentes que se fait un Descartes de la “substance pensante” qu’il “pense” être, et du “sujet transcendantal” qu’un Kant s’évertue à penser comme “inconnaissable” en soi, ou des “phénoménologues” qui prétendent penser l’ “originaire” … … je considère pour ma part, qu’on est simplement encore, dans ces conceptions “métaphysiques”, dans la préhistoire d’un savoir que seules les connaissances scientifiques et les performances techniques futures pourront reformuler de façon aujourd’hui sans doute encore inimaginable :

C’est le progrès des “neurosciences” et de la compréhension des systèmes matériels organisés complexes qui permettra plus probablement de sortir des actuelles apories de l’ “arbitraire radical” dont certains philosophes comme François Galichet croient pouvoir nous “éclairer”.

Assurément, nous aurons encore bien des surprises sur “ce que nous sommes” ou pouvons potentiellement être, devenir, … ou redevenir, y compris après ce que nous croyons aujourd’hui être notre “mort” et sa supposée irréversibilité.

Certaines “expériences de pensée” peuvent cependant dès aujourd’hui nous défaire de certaines “certitudes de bon sens” :

Qu’est-ce qui, “logiquement“, nous empêcherait de nous “réveiller” un jour, après notre “mort” aujourd’hui supposée irréversible ? Et de nous “rappeler” de toutes sortes de “vies antérieures” partiellement oubliées et diversement “remixées” ? Et de visiter ou revisiter les “mémoires” et les “identités” des “autres” ? D’autres que “moi” ont déjà proposé que “Moi est un autre …


Quant à Vous, c’est Vous qui voyez …







Paradoxes de l’identité personnelle

Le 8 octobre 2021, un article de Jean-Pierre Dupuy paraît dans “AOC”, intitulé “Métaphysique de l’ Anomalie”
https://aoc.media/opinion/2021/12/28/metaphysique-de-lanomalie-2/

Les paradoxes de l’identité personnelle sont en général liés à des paradoxes de la dimension temporelle. Rien d’étonnant à cela : Le temps étant la dimension suivant laquelle je peux conserver toute mon “identité personnelle numérique”, tout en devenant éventuellement très différent au cours du temps de ce que j’ étais, “conceptuellement” ( en termes de caractéristiques d’ “essence” conceptuelle ou comme on dit en logique de la “compréhension” du concept ).

Lorsque je parle d’ “identité personnelle“( à savoir en particulier “mon identité personnelle” ) , je distingue bien sûr cette question de l'”identité personnelle” ( liée à l’Idéal de la “Personne Libre et Égale” et qui pose d’abord une question “de jure” ) de celle de l’ “identité individuelle“, qui est d’abord une question concernant la réalité “de facto” de l’existence physique des “individus”, comme systèmes biologiques “corporels” complexes en relation complexe avec leur “environnement” lui même organisé de façon complexe, et susceptible d’études “pluri-, inter- et trans- disciplinaires quant à l’organisation dynamique complexe des relations entre “individuation” et “organisation sociale” dans l’ espèce “homo sapiens” ou le “genre homo” dans son évolution biologique rétroagissant notamment par ses productions “culturelles” sur l’ensemble des “écosystèmes” qui ont rendu possible son émergence.

Mais cette distinction des notions de “personne” et d’ “individu” ne tire sa valeur propre que de la décision même, prise en tant que “personne”, et plus précisément “en première personne” ( par “moi-même” en disant “JE”) , se posant elle-même comme “Libre et Égale”, d’effectuer une telle distinction entre l’Idéal d’ “autonomie personnelle” et notamment d’ “autonomie de la volonté” ( “de jure” ) et la réalité physique complexe où la “personne” se reconnait aussi, de facto, comme “individu” ( même reconnu ensuite en en “troisième personne” ), au sens à la fois du membre d’une “espèce biologique”, et d’ “appartenances”, sociologiques, économiques, culturelles, etc. multiples à des “organisations” supra-individuelles, ayant leur propre niveau de fonctionnement complexe.

L’articulation entre “personne” et “individu” se faisant dans les deux sens :

1. Je pose comme préalable que toute capacité “personnelle” effective, en acte, suppose une organisation physique effective, de soubassement d’abord “biologique” (postulat de type “réalisme scientifique” ) : ensemble des dynamiques bio-physiques qui constituent le cadre de l'”évolution du vivant” pour donner lieu à une organisation dynamique corporelle et notamment cérébrale capable de se représenter elle-même dans une position “singulière” au sein de tout le système de “représentations” ( conscientes et inconscientes ) que le cerveau vivant ( et ici même mon cerveau vivant ) peut élaborer au sujet de son corps propre et de l’environnement-monde où il existe comme “vivant”.

Il n’est donc nullement nécessaire, dans la perspective que je propose, de supposer un quelconque “dualisme” à l’intérieur du “réel de facto” , qui opposerait, à la manière cartésienne une “substance pensante” à une “substance étendue”, ni même à la manière kantienne une réalité “nouménale” inaccessible à notre connaissance et une réalité “phénoménale” qui serait seule accessible à la connaissance.

La position que je choisis de prendre est donc de type “monisme matérialisme émergentiste” : toute forme d’existence réelle, dont ma propre existence individuelle et personnelle consciente d’elle-même , suppose une organisation matérielle certes extrêmement complexe, mais non pas d’une complexité “infinie”, mais bien hiérarchiquement déterminable en termes d’ “échelles” d’intégration, depuis les structures physiques “élémentaires” ( décrites par les théories de la physique, notamment quantique ) jusqu’à l’organisation biologique corps-cerveau, dont le tissu d’interactions avec son environnement lui aussi physique, produit de facto ce que j’appelle “ma conscience de moi-même”.
Les progrès de nos connaissances scientifiques sur une telle “matière organisée” aux différents niveaux de complexité, finiront par permettre aux êtres organisés conscients que nous sommes, à se donner des représentations et modélisations suffisamment efficientes et précises de cette complexité, que de nombreux effets de “rétroaction” en particulier redescendants dans les niveaux d’échelle, nous donneront des moyens d’interaction actuellement encore totalement “inouïs”, puisque non encore “émergés” de formes d’organisation complexes encore inexistantes et n’ayant peut être encore jamais existé dans l’univers depuis le “big bang” …


2. La distinction “personne / individu ” est donc elle-même avant tout liée à la distinction “de jure” / “de facto” , elle même instituée – dans sa valeur projective – par un “de jure” auto-proclamé par la personne qui s’ “autorise” elle-même ( et dont d’une certaine façon, le “sapere aude” des “Lumières” kantiennes, mais aussi bien d’autres prises de pouvoir philosophique auto-référentes ont déjà pu se réclamer dans l’histoire … ).
Et, il se trouve, parce que “je” le veux ainsi, que je m’autorise en effet de l'”autonomie personnelle” radicale de ma propre volonté.

Et bien sûr, rien ne garantit “a priori“, ni dans aucun “de facto“, que l’ Idéal d’ “Égale Liberté Libre Égalité” puisse se généraliser suffisamment dans des “incarnations” physiques organisationnelles réelles, pour passer de façon beaucoup plus convaincante et efficace de l’énoncé de l’ Idéal à une “réalisation effective” .
La seule “garantie” qui peut valoir au yeux de la “personne libre et égale” est alors celle de l’autonomie de la volonté propre de cette personne à mettre cet Idéal en œuvre dans la mesure de ses propres possibles “individuels” sur lesquels elle pense avoir suffisamment à la fois de prise corporelle ( tant que “je” en personne “commande” à mon “corps propre” les actes compatibles avec un tel idéal “personnel” propre ).

Car c’est précisément en ce lieu de l’autonomie de sa propre volonté, qu’elle PEUT, si elle le VEUT, décider de définir ce qui VAUT pour elle-même et jusqu’à quel point, cette VALEUR, posée au minimum comme Idéal, “doit” au minimum pour cette personne elle-même, se traduire en “réalité”.

Remarque : il est facile de comprendre que toute personne qui “pense” et “réfléchit” à ses propres “valeurs idéales” a au minimum la volonté d’y réfléchir, ou du moins de CONTINUER ou de REPRENDRE une telle “réflexion” si d’aventure une telle “première réflexion” lui était venue entièrement du “dehors” ou avait soudain surgi de façon inconsciente et/ou aléatoire des “profondeurs de son inconscient” pour se “révéler” dans sa propre conscience.

Nous sommes donc capables de construire une “représentation”, notamment langagière, d’un tel Idéal, et donc de l’inscrire, d’une certaine façon, dans notre propre mémoire biologique “cérébrale”, et diversement stabilisable par les supports d’information extérieurs, culturels et techniques dont nous nous servons pour réussir à rétroagir sur notre propre mémoire cérébrale éventuellement défaillante, dans différentes “boucles” de “réafférence”

Et ceci, bien sûr, du simple fait, – que certains peuvent choisir de ne pas reconnaître – …, que toute pensée effective suppose, “en réalité”, une organisation physique capable d’effectuer une telle “pensée”.
( Notamment ce que nous appelons notre “cerveau” … )

Autrement dit, il y a un postulat que je formule, et qui est aujourd’hui de plus en plus commun à de nombreuses personnes, qui est que leur propre pensée consciente n’est réellement possible que grâce à une organisation matérielle complexe, ( notamment cérébrale ) , dont certes nous n’avons encore qu’une connaissance scientifique largement incomplète, mais dont il serait aujourd’hui, à mes yeux et aux yeux de ces personnes, parfaitement incongru de nier la “naturalité biologique”, vu les connaissances scientifiques accumulées, dans la biologie en général et dans les “neurosciences” humaines en particulier.

Un tel postulat d’émergence de la conscience en général et de la “conscience de soi” en particulier, par des dynamiques auto-organisationnelles du réel physique “naturel” n’a bien sûr plus rien à voir avec les dualismes substantiels du “corps” et de l'”esprit” , dont les exemples philosophiques sont bien connus, à la fois hérités des anciennes conceptions “animistes” religieuses ( l’ “âme et le corps” par exemple des monothéismes, ou du platonisme grec ), et de la “solution cartésienne moderne”, d’un “cogito” supposé purement transparent à lui-même comme “substance pensante”, mais aussi du dualisme kantien entre une structure “transcendantale” du sujet, et la réalité empirique “phénoménale” qu’elle est censée “construire”.

Si donc bien évidemment, l’ Idéal n’est pas le Réel, comme “la carte n’est pas le territoire”, il n empêche que toute “carte” est aussi une portion d’un territoire, et qu’elle a besoin pour être interprétée comme “carte d’un territoire” d’un “interprétant” lui-même réel et d’une certaine façon ancré dans le territoire dont il utilise la carte. Ainsi l’organisation de nos “cartes neuronales” est à la fois formellement “auto-organisée” ( en termes de “traitement récursif de l’information”), mais aussi très fortement entrelacée avec les dynamiques auto-organisationnelles physiques, chimiques et biologiques du “support” neuro-cérébral qui “implémente” l’auto-organisation proprement “formelle” du “traitement de l’information et du signal”. Précisément parce que le tout est “auto-organisé” et non pas construit par un super-ingénieur qui chercherait à “fabriquer” une telle “conscience artificielle” en imposant ses propres “plans” de l’extérieur.

Notre position “matérialiste émergentiste” s’apparente ici à celle de Francisco Varela et de la notion de l’ “énaction“, où la polarisation habituelle du “sujet” et de l’ “objet”, est une résultante dynamique de la complexité des interactions dans certaines circonstances de la conservation rétroactive de ces systèmes d’interactions.

Notes :

On peut aussi rapprocher ma position de celle de John Searle :
Comme lui je pense que la traditionnelle “distinction du corps et de l’ esprit” est un faux-problème …

De même les questions traditionnellement posées concernant le “problème difficile de la conscience” ( Chalmers ) me semblent mal posées, en ce sens qu’elles cherchent à résoudre des difficultés qui résultent précisément de la distinction artificielle préalable de la “réalité objective extérieure” et de la “conscience intérieure subjective” . ( On tombe alors sur les questions typiquement cartésiennes d’une “articulation” entre “substances” distinctes ).


Voir aussi la problématique traditionnellement discutée à partir de Locke :
Le prince et le savetier
Mission impensable

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