Différends avec l’universel selon Francis Wolff

Dans un récent ouvrage ( décembre 2019 ), intitulé “Plaidoyer pour l’universel” ( Editions Fayard ), Francis Wolff prétend pouvoir “refonder une éthique de l’ égalité et de la réciprocité“, mais en prétendant toujours encore déduire une telle éthique de l'”être de l’homme” que Francis Wolff prétend trouver dans la “raison dialogique” :
Ce qu’il fallait seulement démontrer, c’est que le bien de l’homme et l’égalité de tous les êtres humains se déduisent de l’être de l’homme, animal dialogique
( p. 238 op. ci. ) )

Là encore, comme dans le débat avec Rousseau, avec Kant, avec Rawls, et bien d’autres, qui en effet “tournent autour” de la “même idée”, et que chaque personne humaine PEUT en effet reprendre et retravailler par sa propre pensée, sans être pour cela nécessairement spécialiste de philosophie, tous ces auteurs ont prétendu et, dans le cas actuel de Francis Wolff, prétendent encore pourvoir d’une façon ou d’une autre, “déduire” une obligation éthique, ou une normativité en général, d’une “connaissance” de l’ “être de l’homme” en général, ou d’un “propre de l’homme”, pourtant largement contesté par ailleurs par Francis Wolff dans le même ouvrage.
“Démontrer”, “déduire” … rien que cela !

Malgré une certaine proximité avec ces diverses versions d’ “humanisme universaliste” , la proposition que je fais sous l’expression “Égale Liberté Libre Égalité” , est dès le départ fondamentalement différente, non pas certes dans son premier membre où on reconnaît facilement la notion d’ “Égale Liberté” qui pourrait traduire aussi bien le point de vue rawlsien, que celui de la “raison pratique dialogique” avancée par Francis Wolff, mais bien évidemment dans son deuxième membre “Libre Égalité“, car ce que prétendent toutes ces supposées “déductions” ou “démonstrations” philosophiques, c’est précisément trouver une obligation éthique “universelle” qui comme telle échapperait à la liberté de la décision humaine, mais en serait l’encadrant “naturel”.
C’est précisément à cette “recherche” d’une “normativité universelle” qui “obligerait a priori” que j’ai depuis longtemps librement décidé de renoncer !

Autrement dit même si une idée candidate dans ce rôle de “valeur universelle” pouvait par exemple s’énoncer comme “Égale Liberté” ( ou “principe de réciprocité” selon Francis Wolff etc. ), et pouvait être diversement énoncée dans une certaine proximité des idées, je considèrerai toujours, car j’en ai ainsi librement décidé, qu’un tel principe normatif commun :

– a) Ne peut par définition reposer sur aucune “déduction” à partir d’un “être” quelconque, si ce n’est d’un mode d’être que nous nous sommes nous-mêmes librement donné et que nous continuons librement à vouloir nous donner.

– b) Ne peut être solidement accepté par des “esprits libres” que dans la mesure où ils en sont et savent être les libres auteurs : la valeur de la liberté et de l’ “Égale Liberté” ainsi mutuellement posée et reconnue, ne vaut comme “valeur” et comme “normativité” que pour les personnes ( ou “êtres raisonnables” ) qui en ont librement posé la valeur :
C’est précisément leur liberté ( et notamment leur “liberté naturelle” pour commencer ) qui PEUT poser leur “Égale Liberté” ( “formelle” ) en un “contrat” consécutif entre “personnes libres et égales” ( qui donc se veulent elles-mêmes librement comme telles ).

La seule chose qu’une telle décision “démontre” performativement par son existence même, c’est qu’il existe des personnes qui ont décidé et qui décident toujours encore d’ être des “personnes libres et égales“, et qui pour “justifier” une telle décision n’ont strictement besoin d’aucun autre fondement “normatif” que cette libre décision ELLE-MÊME.

Dans le cas de Rawls et de sa Théorie de la Justice, les principes de justice sont ainsi censément “découverts” par des interlocuteurs qui se considèrent comme … “personnes libres et égales” , donc dont le cercle constituant derrière le “voile d’ignorance” est déjà préconstitué de personnes qui donnent leur libre accord à la reconnaissance mutuelle de leur “Égale Liberté” !

S’il s’ agissait d’un problème de “déduction” ou de “démonstration” au sens logique, on se rend facilement compte du “cercle vicieux” d’une telle supposée “déduction” qui repose sur des “prémisses” que seule la “conclusion” pourrait “démontrer” ! Il ne s’agit donc, ni d’une “déduction”, ni d’une “démonstration”, mais bien d’une “pétition de principe”, ou d’un “axiome” qui ne vaut que pour ceux qui en posent l’axiomatique, pas plus que le fameux “ergo” cartésien ne “déduit” l’existence de la pensée (“Cogito ergo sum” … que Descartes n’a d’ailleurs jamais écrite en latin en ces termes … ! )

Alors pourquoi tant de “travail” à vouloir “démontrer” ou “déduire” ce qu’il suffirait de POSER , c’est à dire de PROPOSER en effet, … au libre examen de tout autre “esprit libre” en effet, mais en notant bien que si l’auteur d’une telle proposition “propose“, ses lecteurs eux, “disposent” , et peuvent être plus ou moins disposés à acquiescer et à adopter cette proposition pour eux-mêmes … en toute liberté . Ils peuvent donc AUSSI ne pas adopter une telle proposition, sans pour autant être ni “inhumains” ni “irrationnels” !

Mais c’est précisément un tel POUVOIR d’accepter ou de refuser que nos auteurs”philosophes” ne veulent pas reconnaître en prétendant “dériver” la “normativité” du simple examen de ce qui “est” :
Ils veulent que ce qui fait “loi” pour eux ( et de plus chacun sa version … ) fasse loi pour “tous”, en prétendant, comme Francis Wolff, déduire l’universalité de la “raison pratique dialogique” de l’ “être de l’homme” .

Pourtant, ils devraient tous avoir compris depuis longtemps, que “cela même” qui fait l’objet du débat, est la liberté “même” avec laquelle chacun prétend que la liberté des autres “devrait” aboutir aux mêmes “conclusions” que sa propre liberté … telle que lui-même la conçoit … librement.

Est-ce que pour autant, en posant moi-même comme “proposition” celle de l’ “Égale Liberté Libre Égalité”, je prétends à l’ “universalité” de cette proposition ou la dériver de façon quelconque de l’ “être de l’homme” ou de la “nature humaine” , ou d’une quelconque “vérité anthropologique” , “structure anthropologique”, ou “normativité originaire”, ou “constitution transcendantale”, etc.
Evidemment NON !

Si JE propose l’ “Égale Liberté Libre Égalité”, c’est en effet un fait :
il existe au moins un “être humain”, qui énonce cette proposition !
Et alors ? Qu’en résulte-t-il ?

Simplement que VOUS POUVEZ aussi adopter cette même proposition !
Mais d’aucune façon que vous le “DEVEZ”, en laissant entendre que si vous ne le faites pas, vous seriez moins “humains” ou moins “rationnels”, etc. !
Puisque, par définition, dans cette proposition même, se trouve énoncé que son adoption par VOUS présuppose votre plus entière, fondamentale et personnelle LIBERTÉ ( “Libre Égalité” ) et non pas une “vérité éthique” préalable à cette liberté.

C’est le sens de l’expression ironique que j’utilise fréquemment :
C’est VOUS qui voyez !” .

Autrement dit :
“Nous” pouvons réfléchir en commun en effet, à la proposition de Francis Wolff, comme à celle des innombrables philosophes ou penseurs humains ordinaires qui ont tourné autour du “même pot” ( … en ciel ) .

Mais le noyau d’indétermination et de pluralisme inévitable qui en résulte est directement lié à l’objet même du débat : notre commune “liberté” , qui est en même temps, l’outil et la valeur même que nous utilisons pour en débattre :

C’est librement que nous débattons de la liberté … ou alors :

– soit nous posons une définition non libre de la liberté : une définition qui nous vient d’ ailleurs … et que d’autres ont – peut-être – pensée … à notre place … sans vraiment nous demander notre avis, en pensant que leur interprétation du mot “liberté” avait forcément ou obligatoirement le même sens “pour tous”.

– soit nous parlons librement ( en un certain sens ) d’autre chose que de la liberté “même”…. comme bien des gens pensent savoir de quoi ils parlent sans savoir le penser. Nous sommes tous en partie dans ce cas, au moins un peu …
Et je le sais …

Mais c’est vous qui voyez .


Allocation Universelle, revenu universel, dotations initiales …

Des liens pour commencer :

L’universel et le revenu du même nom :
( Philippe Van Parijs et Guillaume Mathelier )

https://www.franceculture.fr/emissions/a-present/luniversel-et-le-revenu-du-meme-nom

L’égalité des dotations initiales : vers une nouvelle justice sociale

https://www.franceculture.fr/oeuvre/legalite-des-dotations-initiales-vers-une-nouvelle-justice-sociale

L’égalité des dotations initiales : vers une nouvelle justice sociale
( Texte pdf en ligne )

Querelles concernant l’universalisme

Un des thèmes qui signale une des fractures actuelles de la Gauche, est celui du débat entre certains tenants de l’ “universalisme républicain” et les tenants d’un certain “anti-racisme décolonial”.

Un épisode médiatique récent illustre cette problématique :

« Racée » vs « racisée » : Rachel Khan fait polémique, la Mairie de Paris s’en mêle

( Article du Point du 17 mars 2021 )

Liens concernant l’ Intelligence Artificielle et les neurosciences

CERVEAU ET CONSCIENCE :

Remarque : La “loi morale nouvelle”, dont il est question dans ce site, suppose, comme dans la plupart des philosophies morales modernes, que le “sujet moral”, l’ être qui se pose des questions “morales”, et analyse les situations vécues où il se trouve “impliqué” ou “concerné” en termes de “problème moral, éthique, juridique ou politique” , soit “conscient” des questions et des “réponses” potentielles qu’il cherche à poser. Il faut qu’il en ait une “représentation consciente”. Il n’ y a traditionnellement de “responsabilité morale” ou “responsabilité juridique” possible que pour une personne au moins consciente de ses actes, si ce n’est avec cette caractéristique supplémentaire que ces actes soient “volontaires” ou “intentionnels”.
Dans notre philosophie générale, une conscience quelconque n’est possible que s’il existe une organisation physique suffisamment complexe pour donner lieu à l’ émergence” d’une conscience en général (“consciousness” en anglais, “Bewusstsein ” en allemand) , dont la question d’une conscience morale ( “moral consciousness” ou “moral conscience”, “Gewissen” en allemand ) , n’est qu’une particularisation certes singulière, mais dont on suppose que la conscience psychologique est un fondement nécessaire.

Une telle “prise de conscience” en général ( au sens neuro-psychologique ) suppose au moins dans le cas des êtres humains actuels, l’existence d’un cerveau hautement différencié et organisé.

Une activité moralement “libre” suppose donc la capacité d’un tel organisme à se donner des représentations mentales de sa propre “liberté”, des situations dans lesquelles sa liberté et celle des autres peuvent être mises en question, être confrontées les unes aux autres, chercher à résoudre de tels conflits des libertés, etc.

D’où l’ importance de comprendre scientifiquement les conditions d’organisation complexe ( avec des niveaux d’organisation à de nombreuses échelles ) de telles “prises de conscience” individualisées en général.

Émission ARTE : La fabrique du cerveau

Émission ARTE : Les pouvoirs du cerveau – Déchiffrer la conscience

Cerveau : à la recherche des réseaux de la conscience :

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cerveau-cerveau-recherche-reseaux-conscience-65121/

Personne morale souveraine, libre et égale

Personne morale souveraine, libre et égale
( aux autres personnes souveraines, libres et égales )

L’ expression “personnes libres et égales” se trouve par exemple chez John Rawls. Elle y est en lien direct avec le type de Principes de Justice que Rawls a en vue lorsqu’il cherche de tels principes “derrière le voile d’ignorance”.

L’ expression “personne souveraine” a aussi été utilisée par certains auteurs, dans un sens différent de celui que nous proposons ici.

L’expression complète que nous utilisons est plus exactement :
Personne souveraine sur elle-même, également libre et librement égale à toute autre personne qui se déclare elle-même souveraine sur elle-même, et reconnaît de la même façon aux autres personnes posant le même acte de souveraineté sur elles-mêmes, exactement la même liberté et le même droit moral ( “loi morale nouvelle” ) qu’elle se donnent à elles-mêmes d’effectuer un tel acte de souveraineté “
On voit encore une fois qu’il s’agit toujours d’un acte qui est à la fois :
– radicalement libre, autonome et même souverain
– mais qui reconnaît en même temps, dans un même contrat réciproque, exactement la même légitimité morale à toute autre entité réelle capable de comprendre un tel contrat moral conscient et qui choisit librement d’entrer dans ce même contrat moral commun.

Les valeurs principielles au fondement de ce contrat moral conscient sont la Liberté et l’Égalité, ce qui semble relativement proche de nombreux “contrats sociaux” ou “contrats politiques” de “citoyenneté républicaine” .

Mais sous une forme précise :
– La Liberté dont il est question est considérée comme étant “également partageable” : – Formellement elle l’est par définition ( “Égale Liberté” )
– L’ Égalité dont il est question est toujours d’abord l’Égalité de cette Liberté et la Liberté du choix d’une telle Égalité de la Liberté.

D’un point de vue simplement formel, les deux termes axiomatiques de notre proposition sont placés en une relation d’interdéfinition réciproque :
La Liberté COMME “Égale Liberté” et l’ Égalité COMME “Libre Égalité“.

Du point de vue de toute “réalisation” future ou partiellement actuelle,
NouS visons une libre égalité d’accès à des conditions physiques de réalisation équivalentes du point de vue précisément de l’ “Égale Liberté et de la Libre Égalité” ainsi rendue effectivement possible à chaque “personne souveraine, libre et égale”.

La “liberté réelle” et l’ égalité réelle” sont donc non seulement formellement conditionnées par la libre décision des contractants de formuler ainsi leur “Loi Morale Nouvelle” commune, mais aussi par toutes les conditions physiques réelles présentes dans l’univers, actuelles ou futures, qui rendent ou rendront matériellement ( “physiquement” ) possible une telle ré- organisation partielle de la réalité de façon à passer de la simple déclaration formelle d’une virtualité utopique, à la coordination d’actions réelles régulées par ces principes de normativité formelle commune à ces personnes souveraines, libres et égales.

Ces conditions physiques ( à tous les niveaux d’organisation imaginables de la “complexité du réel”) peuvent être étudiées par toutes sortes de disciplines scientifiques , et donner lieu à toute sortes de propositions techniques.
L’étude objective de telles conditions peut parfaitement être commune à bien d’autres organismes qui ne se reconnaissent pas nécessairement dans un tel choix éthico-politique “Égal Libertaire et Libre Égalitaire”


L’ “Ultime Liberté” comme cas particulier concret de mise en œuvre critique de l’ “Égale Liberté Libre Égalité”

Par “Ultime Liberté” nous entendons ici la question du libre choix par une personne des modalités de sa propre mort biologique, et donc, dans les conditions technoscientifiques actuelles, également de son existence comme personne psychologique, sociale, politique …

En tant qu’individu à l’identité sociale et “nationale” définie comme “Armand STROH” ( né à Strasbourg le 29 septembre 1948, etc. ) , j’ai été amené à participer à la création d’une association spécifiquement dédiée à la mise en œuvre effective de cette “Ultime Liberté”, par les personnes qui librement adhèrent à cette association, dénommée précisément “Ultime Liberté”.

Il est facile de comprendre en quoi l’exercice de la liberté de choisir les conditions et le moment de sa mort et donc d’être l’arbitre ultime de ses propres raisons de continuer à vivre ou de mourir est une situation particulièrement exemplaire et symbolique de l’exercice de l’ “Égale Liberté Libre Égalité” qui fait l’objet de ce blog, et dont je défends la valeur dans tous les domaines de la “vie”.

La mise en œuvre de la régulation associative de l’ “Ultime Liberté” en lien avec la proposition de l’ “Égale Liberté Libre Égalité” se situe à deux niveaux notamment :

  1. La définition des objectifs de l’association, et de ses valeurs de référence fondamentales. En tant que membre fondateur de l’ association, en octobre 2009, avec deux autres personnes, dont l’une est ma compagne dans la vie ordinaire, et dont l’autre, est décédée un an après la fondation, j’ai pu mesurer sur cet exemple associatif concret, les difficultés du passage de la “libre proposition” faite par les “fondateurs”, à la “libre adhésion” des autres membres qui ainsi disent être en libre accord avec les objectifs d’une telle association …
  2. Le fonctionnement des interactions d’entraide entre les adhérents, en ce qui concerne l’ “Ultime Liberté” que chacun veut pouvoir exercer en toute liberté personnelle, tout en ayant suffisamment confiance en la liberté des autres à son égard, donc en se posant la question de l’ “Égale Liberté” de chaque personne participant à ce contrat associatif commun.
    Il s’agit notamment de l’ “Égale Liberté” de la personne qui “demande” à pouvoir “bénéficier” d’une telle liberté, et de celle des personnes ( “accompagnants” ) dont elle suppose qu’elles pourront lui apporter une “aide” dans la réalisation de cette liberté.