Une « Loi Morale Nouvelle » peut-elle être construite sans prétendre à son « universalité » ?

La plupart des « théories morales » énoncées par des « philosophes » prétendent trouver un moyen ( chaque « philosophe » prétend avoir trouvé son « truc » ) pour « fonder » une théorie morale universelle, ou du moins en établir le principe « universel ».

Il existe une grande variété de « théories morales philosophiques » ( sans parler de toutes les « morales » liées à telle ou telle culture, civilisation, communauté de convictions et de pratiques religieuses, classe sociale, « style de vie », etc. ).

Certains philosophes, avant de proposer la leur, essayent d’esquisser une classification des « autres philosophies morales » que la leur, ou essayent de se placer quelque part dans l’ « arbre généalogique » des théories morales.

De nombreuses thèses et mémoires universitaires essayent de distinguer toutes sortes de nuances et variations à l’intérieur de ces grandes « familles » .

Ainsi on peut lire par exemple dans un texte de Stelios Virvidakis :

( Virvidakis, S. (2001). Les arguments transcendantaux et le problème de la justification de la normativité morale. Philosophiques, 28(1), 109. https://doi.org/10.7202/004996AR )

 » On pourrait également soutenir que la conception et surtout l’application de tout principe contractualiste (comme ceux élaborés par John Rawls et Jürgen Habermas) présupposent une base morale qui renvoie à la notion kantienne du respect inconditionnel des personnes qui voudraient l’adopter.
Cependant, cette base morale est acceptée de façon plus ou moins contingente et pragmatique et n’a pas le caractère universel ou même nécessaire auquel on prétend souvent aspirer quand on entreprend la construction d’une théorie éthique « 

J’ai déjà expliqué dans plusieurs textes de ce site, en quoi ce que j’appelle « Loi Morale Nouvelle », tout en ressemblant en effet à diverses conceptions « contractualistes », renonce cependant, par définition, à toute prétention de « démontrer », de « déduire » , de « prouver » ou de « justifier universellement » une quelconque nécessité « rationnelle » ou « raisonnable » de l’adopter, puisque précisément c’est la liberté de penser elle-même qui Y est présupposée, à la fois au niveau individuel de chaque « personne libre et égale » ( « Libre Égalité » ) et à celui de l’ « Égale Liberté » que ces personnes peuvent alors chercher à « construire » en commun, dans un « nouveau contrat moral » ( et par la suite juridique, social ou politique ), pour autant que l’unité identifiable d’un tel « contrat », ne peut être construite que par la libre adhésion consciente et volontaire à un tel « contrat » :
Sa formulation linguistique commune ( ou sous quelque forme informationnelle que ce soit ) devant alors être traduisible pour chaque personne dans son propre « idiome » philosophique … pour autant qu’elle accepte que les autres fassent de même.

Ainsi, j’ai certes essayé ici d en donner une formule-type très condensée :
« Égale Liberté Libre Égalité » , que je suppose suffisamment interprétable et compréhensible, pour permettre à toutes sortes de « personnes libres et égales » réelles de s’en emparer pour en faire leur propre « MI-EL » philosophique, ou même simplement « culturel » , ( « esthétique / artistique » si certaines « oeufs aux nids » leur plaisent … ( Au nid soit qui mâle y panse) .

Du point de vue des interprétations de « philosophie morale et politique » que ma formule « Égale Liberté Libre Égalité » pourrait susciter, chaque lecteur ( puisque « c’est vous qui voyez » ) peut voir comment il peut lui-même Y trouver son propre nouage – nuage de la « Liberté » et de l’ « Égalité » qui tout en étant radicalement le « sien propre » est cependant connectable en quelque « contrat » intersubjectif et / ou « communicationnel » avec ce que « tous et chacun » PEUVENT ou POURRAIENT avoir de « proprement propre » … en toute « autonomie personnelle ».

Certes la piste conceptuelle analytique en termes de « langage philosophique » ( notamment éthico-juridico-politique ) peut être ici une piste privilégiée, car depuis longtemps balisée et verbalisée par les innombrables gloses autour de la « Liberté » et de l’ « Égalité » et de leur problématique « nouage -nuage » où toutes sortes de « Fraternités » croient pouvoir se reconnaitre ( NousEux NouSages ? )

Mais d’autres No-usages ( ne vous médusez pas ! ) sont oulipotentiels …
Car, comme de bien entendu, c’est Vous qui Voyez.

Différends avec l’universel selon Francis Wolff

Dans un récent ouvrage ( décembre 2019 ), intitulé « Plaidoyer pour l’universel » ( Editions Fayard ), Francis Wolff prétend pouvoir « refonder une éthique de l’ égalité et de la réciprocité« , mais en prétendant toujours encore déduire une telle éthique de l' »être de l’homme » que Francis Wolff prétend trouver dans la « raison dialogique » :
« Ce qu’il fallait seulement démontrer, c’est que le bien de l’homme et l’égalité de tous les êtres humains se déduisent de l’être de l’homme, animal dialogique« 
( p. 238 op. ci. ) )

Là encore, comme dans le débat avec Rousseau, avec Kant, avec Rawls, et bien d’autres, qui en effet « tournent autour » de la « même idée », et que chaque personne humaine PEUT en effet reprendre et retravailler par sa propre pensée, sans être pour cela nécessairement spécialiste de philosophie, tous ces auteurs ont prétendu et, dans le cas actuel de Francis Wolff, prétendent encore pourvoir d’une façon ou d’une autre, « déduire » une obligation éthique, ou une normativité en général, d’une « connaissance » de l’ « être de l’homme » en général, ou d’un « propre de l’homme », pourtant largement contesté par ailleurs par Francis Wolff dans le même ouvrage.
« Démontrer », « déduire » … rien que cela !

Malgré une certaine proximité avec ces diverses versions d’ « humanisme universaliste » , la proposition que je fais sous l’expression « Égale Liberté Libre Égalité » , est dès le départ fondamentalement différente, non pas certes dans son premier membre où on reconnaît facilement la notion d’ « Égale Liberté » qui pourrait traduire aussi bien le point de vue rawlsien, que celui de la « raison pratique dialogique » avancée par Francis Wolff, mais bien évidemment dans son deuxième membre « Libre Égalité« , car ce que prétendent toutes ces supposées « déductions » ou « démonstrations » philosophiques, c’est précisément trouver une obligation éthique « universelle » qui comme telle échapperait à la liberté de la décision humaine, mais en serait l’encadrant « naturel ».
C’est précisément à cette « recherche » d’une « normativité universelle » qui « obligerait a priori » que j’ai depuis longtemps librement décidé de renoncer !

Autrement dit même si une idée candidate dans ce rôle de « valeur universelle » pouvait par exemple s’énoncer comme « Égale Liberté » ( ou « principe de réciprocité » selon Francis Wolff etc. ), et pouvait être diversement énoncée dans une certaine proximité des idées, je considèrerai toujours, car j’en ai ainsi librement décidé, qu’un tel principe normatif commun :

– a) Ne peut par définition reposer sur aucune « déduction » à partir d’un « être » quelconque, si ce n’est d’un mode d’être que nous nous sommes nous-mêmes librement donné et que nous continuons librement à vouloir nous donner.

– b) Ne peut être solidement accepté par des « esprits libres » que dans la mesure où ils en sont et savent être les libres auteurs : la valeur de la liberté et de l’ « Égale Liberté » ainsi mutuellement posée et reconnue, ne vaut comme « valeur » et comme « normativité » que pour les personnes ( ou « êtres raisonnables » ) qui en ont librement posé la valeur :
C’est précisément leur liberté ( et notamment leur « liberté naturelle » pour commencer ) qui PEUT poser leur « Égale Liberté » ( « formelle » ) en un « contrat » consécutif entre « personnes libres et égales » ( qui donc se veulent elles-mêmes librement comme telles ).

La seule chose qu’une telle décision « démontre » performativement par son existence même, c’est qu’il existe des personnes qui ont décidé et qui décident toujours encore d’ être des « personnes libres et égales« , et qui pour « justifier » une telle décision n’ont strictement besoin d’aucun autre fondement « normatif » que cette libre décision ELLE-MÊME.

Dans le cas de Rawls et de sa Théorie de la Justice, les principes de justice sont ainsi censément « découverts » par des interlocuteurs qui se considèrent comme … « personnes libres et égales » , donc dont le cercle constituant derrière le « voile d’ignorance » est déjà préconstitué de personnes qui donnent leur libre accord à la reconnaissance mutuelle de leur « Égale Liberté » !

S’il s’ agissait d’un problème de « déduction » ou de « démonstration » au sens logique, on se rend facilement compte du « cercle vicieux » d’une telle supposée « déduction » qui repose sur des « prémisses » que seule la « conclusion » pourrait « démontrer » ! Il ne s’agit donc, ni d’une « déduction », ni d’une « démonstration », mais bien d’une « pétition de principe », ou d’un « axiome » qui ne vaut que pour ceux qui en posent l’axiomatique, pas plus que le fameux « ergo » cartésien ne « déduit » l’existence de la pensée (« Cogito ergo sum » … que Descartes n’a d’ailleurs jamais écrite en latin en ces termes … ! )

Alors pourquoi tant de « travail » à vouloir « démontrer » ou « déduire » ce qu’il suffirait de POSER , c’est à dire de PROPOSER en effet, … au libre examen de tout autre « esprit libre » en effet, mais en notant bien que si l’auteur d’une telle proposition « propose« , ses lecteurs eux, « disposent » , et peuvent être plus ou moins disposés à acquiescer et à adopter cette proposition pour eux-mêmes … en toute liberté . Ils peuvent donc AUSSI ne pas adopter une telle proposition, sans pour autant être ni « inhumains » ni « irrationnels » !

Mais c’est précisément un tel POUVOIR d’accepter ou de refuser que nos auteurs »philosophes » ne veulent pas reconnaître en prétendant « dériver » la « normativité » du simple examen de ce qui « est » :
Ils veulent que ce qui fait « loi » pour eux ( et de plus chacun sa version … ) fasse loi pour « tous », en prétendant, comme Francis Wolff, déduire l’universalité de la « raison pratique dialogique » de l’ « être de l’homme » .

Pourtant, ils devraient tous avoir compris depuis longtemps, que « cela même » qui fait l’objet du débat, est la liberté « même » avec laquelle chacun prétend que la liberté des autres « devrait » aboutir aux mêmes « conclusions » que sa propre liberté … telle que lui-même la conçoit … librement.

Est-ce que pour autant, en posant moi-même comme « proposition » celle de l’ « Égale Liberté Libre Égalité », je prétends à l’ « universalité » de cette proposition ou la dériver de façon quelconque de l’ « être de l’homme » ou de la « nature humaine » , ou d’une quelconque « vérité anthropologique » , « structure anthropologique », ou « normativité originaire », ou « constitution transcendantale », etc.
Evidemment NON !

Si JE propose l’ « Égale Liberté Libre Égalité », c’est en effet un fait :
il existe au moins un « être humain », qui énonce cette proposition !
Et alors ? Qu’en résulte-t-il ?

Simplement que VOUS POUVEZ aussi adopter cette même proposition !
Mais d’aucune façon que vous le « DEVEZ », en laissant entendre que si vous ne le faites pas, vous seriez moins « humains » ou moins « rationnels », etc. !
Puisque, par définition, dans cette proposition même, se trouve énoncé que son adoption par VOUS présuppose votre plus entière, fondamentale et personnelle LIBERTÉ ( « Libre Égalité » ) et non pas une « vérité éthique » préalable à cette liberté.

C’est le sens de l’expression ironique que j’utilise fréquemment :
«  C’est VOUS qui voyez ! » .

Autrement dit :
« Nous » pouvons réfléchir en commun en effet, à la proposition de Francis Wolff, comme à celle des innombrables philosophes ou penseurs humains ordinaires qui ont tourné autour du « même pot » ( … en ciel ) .

Mais le noyau d’indétermination et de pluralisme inévitable qui en résulte est directement lié à l’objet même du débat : notre commune « liberté » , qui est en même temps, l’outil et la valeur même que nous utilisons pour en débattre :

C’est librement que nous débattons de la liberté … ou alors :

– soit nous posons une définition non libre de la liberté : une définition qui nous vient d’ ailleurs … et que d’autres ont – peut-être – pensée … à notre place … sans vraiment nous demander notre avis, en pensant que leur interprétation du mot « liberté » avait forcément ou obligatoirement le même sens « pour tous ».

– soit nous parlons librement ( en un certain sens ) d’autre chose que de la liberté « même »…. comme bien des gens pensent savoir de quoi ils parlent sans savoir le penser. Nous sommes tous en partie dans ce cas, au moins un peu …
Et je le sais …

Mais c’est vous qui voyez .


Personne morale souveraine, libre et égale

Personne morale souveraine, libre et égale
( aux autres personnes souveraines, libres et égales )

L’ expression « personnes libres et égales » se trouve par exemple chez John Rawls. Elle y est en lien direct avec le type de Principes de Justice que Rawls a en vue lorsqu’il cherche de tels principes « derrière le voile d’ignorance ».

L’ expression « personne souveraine » a aussi été utilisée par certains auteurs, dans un sens différent de celui que nous proposons ici.

L’expression complète que nous utilisons est plus exactement :
« Personne souveraine sur elle-même, également libre et librement égale à toute autre personne qui se déclare elle-même souveraine sur elle-même, et reconnaît de la même façon aux autres personnes posant le même acte de souveraineté sur elles-mêmes, exactement la même liberté et le même droit moral ( « loi morale nouvelle » ) qu’elle se donnent à elles-mêmes d’effectuer un tel acte de souveraineté « 
On voit encore une fois qu’il s’agit toujours d’un acte qui est à la fois :
– radicalement libre, autonome et même souverain
– mais qui reconnaît en même temps, dans un même contrat réciproque, exactement la même légitimité morale à toute autre entité réelle capable de comprendre un tel contrat moral conscient et qui choisit librement d’entrer dans ce même contrat moral commun.

Les valeurs principielles au fondement de ce contrat moral conscient sont la Liberté et l’Égalité, ce qui semble relativement proche de nombreux « contrats sociaux » ou « contrats politiques » de « citoyenneté républicaine » .

Mais sous une forme précise :
– La Liberté dont il est question est considérée comme étant « également partageable » : – Formellement elle l’est par définition ( « Égale Liberté » )
– L’ Égalité dont il est question est toujours d’abord l’Égalité de cette Liberté et la Liberté du choix d’une telle Égalité de la Liberté.

D’un point de vue simplement formel, les deux termes axiomatiques de notre proposition sont placés en une relation d’interdéfinition réciproque :
La Liberté COMME « Égale Liberté » et l’ Égalité COMME « Libre Égalité« .

Du point de vue de toute « réalisation » future ou partiellement actuelle,
NouS visons une libre égalité d’accès à des conditions physiques de réalisation équivalentes du point de vue précisément de l’ « Égale Liberté et de la Libre Égalité » ainsi rendue effectivement possible à chaque « personne souveraine, libre et égale ».

La « liberté réelle » et l’ égalité réelle » sont donc non seulement formellement conditionnées par la libre décision des contractants de formuler ainsi leur « Loi Morale Nouvelle » commune, mais aussi par toutes les conditions physiques réelles présentes dans l’univers, actuelles ou futures, qui rendent ou rendront matériellement ( « physiquement » ) possible une telle ré- organisation partielle de la réalité de façon à passer de la simple déclaration formelle d’une virtualité utopique, à la coordination d’actions réelles régulées par ces principes de normativité formelle commune à ces personnes souveraines, libres et égales.

Ces conditions physiques ( à tous les niveaux d’organisation imaginables de la « complexité du réel ») peuvent être étudiées par toutes sortes de disciplines scientifiques , et donner lieu à toute sortes de propositions techniques.
L’étude objective de telles conditions peut parfaitement être commune à bien d’autres organismes qui ne se reconnaissent pas nécessairement dans un tel choix éthico-politique « Égal Libertaire et Libre Égalitaire »


L’ « Ultime Liberté » comme cas particulier concret de mise en œuvre critique de l’ « Égale Liberté Libre Égalité »

Par « Ultime Liberté » nous entendons ici la question du libre choix par une personne des modalités de sa propre mort biologique, et donc, dans les conditions technoscientifiques actuelles, également de son existence comme personne psychologique, sociale, politique …

En tant qu’individu à l’identité sociale et « nationale » définie comme « Armand STROH » ( né à Strasbourg le 29 septembre 1948, etc. ) , j’ai été amené à participer à la création d’une association spécifiquement dédiée à la mise en œuvre effective de cette « Ultime Liberté », par les personnes qui librement adhèrent à cette association, dénommée précisément « Ultime Liberté ».

Il est facile de comprendre en quoi l’exercice de la liberté de choisir les conditions et le moment de sa mort et donc d’être l’arbitre ultime de ses propres raisons de continuer à vivre ou de mourir est une situation particulièrement exemplaire et symbolique de l’exercice de l’ « Égale Liberté Libre Égalité » qui fait l’objet de ce blog, et dont je défends la valeur dans tous les domaines de la « vie ».

La mise en œuvre de la régulation associative de l’ « Ultime Liberté » en lien avec la proposition de l’ « Égale Liberté Libre Égalité » se situe à deux niveaux notamment :

  1. La définition des objectifs de l’association, et de ses valeurs de référence fondamentales. En tant que membre fondateur de l’ association, en octobre 2009, avec deux autres personnes, dont l’une est ma compagne dans la vie ordinaire, et dont l’autre, est décédée un an après la fondation, j’ai pu mesurer sur cet exemple associatif concret, les difficultés du passage de la « libre proposition » faite par les « fondateurs », à la « libre adhésion » des autres membres qui ainsi disent être en libre accord avec les objectifs d’une telle association …
  2. Le fonctionnement des interactions d’entraide entre les adhérents, en ce qui concerne l’ « Ultime Liberté » que chacun veut pouvoir exercer en toute liberté personnelle, tout en ayant suffisamment confiance en la liberté des autres à son égard, donc en se posant la question de l’ « Égale Liberté » de chaque personne participant à ce contrat associatif commun.
    Il s’agit notamment de l’ « Égale Liberté » de la personne qui « demande » à pouvoir « bénéficier » d’une telle liberté, et de celle des personnes ( « accompagnants » ) dont elle suppose qu’elles pourront lui apporter une « aide » dans la réalisation de cette liberté.

ELLE et l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien

La « Loi Morale Nouvelle » que nous proposons à toute personne qui voudrait librement y participer, et dont la proposition fondatrice principale s’ énonce comme « Égale Liberté Libre Égalité », est sur bien des points proche d’une conception morale comme celle de l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien, avec cependant des différences théoriques importantes qui pourront être examinées par la suite.

Le site « https://ethique.xyz » de Guillaume Gallais permettrait de servir de point de départ à une telle comparaison.
Il se peut que je me confronte à cette tâche …

D’une façon générale d’ailleurs bien des adversaires de ma proposition considèreront sans doute que cette proposition – comme celle de l’ éthique minimale de Ruwen Ogien –  est dans la grande tradition du « libéralisme politique » et que celui-ci se fonderait nécessairement à son tour sur une certaine conception du « droit naturel ».
Si certains critiques  tiennent à continuer à parler à ce sujet de « tradition du libéralisme politique », qu’ils notent au moins que nous ne cherchons plus à nous appuyer sur aucun « droit naturel », mais bien sur la liberté créatrice de son propre « droit », c’est à dire des conditions formelles et « réelles » de sa propre généralisation égalitaire … à tout organisme conscient de l’ univers qui voudrait librement en accepter cette même « Égale Liberté ».

Le projet de Ruwen Ogien était semble-t-il de trouver un noyau de consensus minimal entre les grandes philosophies morales traditionnellement opposées.
Cette démarche se rapproche alors de celle de Rawls dans le domaine de la philosophie politique, dans la recherche d’une « consensus par recoupement », mais  il y a probablement des différences importantes du fait de la différence non seulement des domaines, mais aussi des références philosophiques préférentielles de ces deux auteurs.

C’est peut-être plus sur le terrain des « applications concrètes » à des situations réelles que le relatif accord entre l’ « Éthique minimale » d’ Ogien et notre propre proposition apparaîtra plus que sur le terrain des principes théoriques respectifs.
En effet je constate, de façon purement « empirique », que sur beaucoup de « questions de société », mes réactions « morales » sont très proches de celles de Ruwen Ogien, que beaucoup qualifieraient de « libertaires » .
Ainsi en ce qui concerne des grandes questions de débat de « bioéthique », la maîtrise de la fécondité et de la reproduction,  des conditions de la fin de vie, des choix sexuels , ou de transformations corporelles,  ou encore de « moeurs » comme la prostitution ou la pornographie, mes orientations sont proches de celles de l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien.

Du point de vue théorique formel cependant, il existe une différence considérable entre l’approche de l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien et celle que je propose sous l’ expression  de « Loi Morale Nouvelle ». Elle apparaît de façon manifeste à propos du « principe d’indifférence morale du rapport à soi« .

Tout se passe comme si l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien n’était en effet que la réduction au degré « minimal » des formes classiques anciennes de « théories morales », par une forme d’érosion progressive de toute la part d’ « hétéronomie » qui existe encore dans ces « lois morales anciennes », jusqu’au point où il n’existerait plus une telle asymétrie hétéronome propre aux anciennes morales, que dans la relation de l’agent moral aux « autres », et donc que la notion de « morale » aurait définitivement  perdu tout  sens possible dans le rapport du sujet à lui-même.

L' »éthique minimale » d’Ogien m’ apparaît donc comme un point où le « degré zéro » de l’ ‘ »hétéronomie » morale pour le sujet moral se rapportant à lui-même – ce que Ogien qualifie de « principe d’ indifférence morale du rapport à soi » , se transforme radicalement – pour moi –  en « autonomie » , où la liberté du sujet moral se « justifie » entièrement par et pour elle-même :

Ce qui apparaît comme « degré zéro » des anciennes morales hétéronomes, quand il s’agit du rapport du sujet moral à lui-même, est en réalité , dans notre propre perspective de « Loi Morale Nouvelle« , le point même d’auto-fondation de la Loi Morale Nouvelle dans et par la « personne souveraine sur elle-même », dans sa Liberté d’ « autonomie radicale » :

Ce n’est donc pas l’ absence de toute considération de « moralité » dans la sphère personnelle propre, mais la marque même de la « nouvelle moralité » autonome auto-référentielle, mais qui par là même se propose comme également revendicable par toute autre personne qui effectue cette même « révolution  morale » d’ auto-référence de l’autonomie morale.


Faut-il pour autant considérer qu’en réalité ma proposition d’ « Egale Liberté Libre Egalité » n’a plus rien à voir avec une quelconque question « éthique » ou « morale » , mais serait entièrement résorbée dans d’autres modalités étrangères à l’éthique, comme par exemple une sphère « juridique » formellement autonome, ou encore la sphère proprement « politique », sphères dont la cohérence interne aurait par ailleurs évacué à l’extérieur tout questionnement « moral » ou « éthique » ?

Ou encore, faudrait-il considérer que ma position, contrairement à celle de Ruwen Ogien, qui accepte encore le terme d' »éthique minimale » ( ou de « morale minimale ») quant il s’agit du rapport aux autres, consisterait purement et simplement à rejeter toute signification possible de la notion de « morale », ou à renvoyer purement et simplement toutes les discussions « éthiques » dans la même catégorie générale des conceptions purement « subjectives »  que les croyances religieuses ou autres de toutes sortes, qui certes peuvent faire l’objet de débats passionnés pour certains, mais ne peuvent plus, dans une société pluraliste, démocratique et laïque, être considérés comme « normatives » ou « prescriptives » pour le « citoyen » de cette société ?

Quel est l’ élément COMMUN à tout questionnement « éthique » ou « moral » , aussi bien dans les différentes « morales anciennes », en particulier dans une théorie morale « kantienne », que dans l’ « éthique minimale » de Ruwen Ogien, et également dans ma propre proposition ?
C’est la LIBERTÉ.  Là où une « loi morale » quelconque prétendrait exclure tout rapport à la LIBERTÉ des personnes dont elle prétend « réguler » les actions, une telle « loi morale » se contredirait elle-même dans sa qualité  « morale » . Elle serait encore une « loi » sans doute, par exemple « juridique », « politique », « religieuse », « sociétale », « économique »ou tout ce qu’on voudra, mais pas une loi « MORALE ».

Ceux qui voudraient exclure la question de la LIBERTÉ des acteurs qui sont « sujets de la loi morale », de leur questionnement et pourtant continuer à qualifier leurs propositions de « lois » comme « morales » ou « éthiques » peuvent alors être assurés qu’ils ne parlent pas de la même chose, sous ce mot  de « morale » ou d’ « éthique » que ce dont je parle,  et non seulement de ce dont je parle, mais de ce dont parlent une grande partie des « théories morales » qui impliquent un rapport , certes variable, mais incontournable, à la question de la Liberté.

Et quand l’éthique minimale de Ruwen Ogien prétend exclure le « rapport à soi » de tout questionnement « moral », c’est en réalité parce qu’il considère la LIBERTÉ comme « allant de soi » dans le domaine strictement « personnel » du rapport à soi. Mais tout se passe comme si son « éthique minimale » opposait encore ce domaine du rapport à soi de la personne à l’ ensemble des rapports « moraux » avec les autres personnes.  Tout se passe donc comme si la notion de « loi morale » venait encore d’un quelconque « ailleurs » ou d’un « Grand Autre » ( à la manière de Lévinas par exemple ) , donc en transformant la simple DIFFÉRENCE entre le rapport à soi et le rapport aux autres ( que bien sûr j’admets comme lui ) en une opposition de deux domaines totalement distincts, basés sur d’autres critères et d’autres justifications.

Je soupçonne donc cette « éthique minimale » de ne s’être pas encore réellement affranchie de l’ « hétéronomie » propre à toutes les « anciennes morales », où le principe ou le fondement de la « loi morale » proviennent précisément d’ailleurs que de la seule considération de la LIBERTÉ des personnes concernées.


 Il faudra ici voir de plus près pourquoi Ruwen Ogien continue de revendiquer le mot « éthique » ou le mot « morale » pour sa propre proposition philosophique, du moins dans la « relation aux autres ».
 Comment cette exclusion de la relation à soi du domaine d’une morale possible  peut-elle, dans son système, rester compatible avec son autre principe de l’ « éthique minimale » à savoir le « principe d’égale considération » ?  Pourquoi la personne elle-même se considèrerait-elle comme non « également considérable » par elle-même, alors même qu’elle prétend que cette « égale considération » s’étend à tous les « autres » ???
Je trouve qu’il y a là une parfaite incohérence logique dans la position simultanée de ces deux principes !
( Sauf si le « soi-même » était entièrement différent et incompatible avec le « soi-même » des autres. Mais si les « autres » sont aussi, si peu que ce soit, des « alter ego » , chacun de ces « alter ego » peut revendiquer précisément cette même « indifférence morale du rapport à soi » , et décider que désormais, puisque « NouS » rejetons toute ingérence prescriptive et normative hétéronome externe ( les « morales anciennes »)  dans notre « propre domaine personnel », NouS partageons cependant la même exigence, que NouS NouS donnons à NouS-Mêmes, à savoir de respecter en chacun cette même « indifférence morale du rapport à soi« , qu’on peut aussi bien appeler « Autonomie personnelle ou liberté morale personnelle radicale » ou comme je le suggère aussi « Souveraineté de la personne sur elle-même » et dans ce cas NouS voyons bien sûr facilement en quoi un équivalent du « principe d’ égale considération » en découle immédiatement pour autant qu’on le restreigne à toutes les autres personnes qui acceptent librement de se considérer réciproquement comme de telles « personnes souveraines sur elles-mêmes » : Ce que j’ appelle « Égale Liberté » n’est rien d’autre que la proposition de l’ « Égale considération » … en tant qu’elle est librement acceptée par toute personne qui voudrait aussi être ainsi librement « considérée » par les autres., et bien sûr en tant que cette Égalité considère chacune de ces personnes comme fondamentalement « souveraine sur elle-même », c’est à dire, au moins aussi libre dans ces choix personnels que la personne l’est l’ éthique minimale de Ruwen Ogien quand il propose que le « rapport à soi-même » ne soit plus concerné par les questions de « moralité ».

Autrement dit : La proposition d’ Égale Liberté Libre Égalité propose une aussi grande autonomie de la liberté personnelle pour tout ce qui ne concerne que la personne elle-même, que le propose le « principe d’indifférence morale du rapport à soi »  de Ruwen Ogien, sauf que l’ « indifférence morale » est entendue par rapport à toute ingérence morale hétéronome, et pas par rapport à ce que j’ appelle désormais la « Loi Morale Nouvelle », dont la « nouveauté » est précisément fondée sur la LIBRE reconnaissance mutuelle réciproque d’une telle « indifférence morale ( ancienne ) du rapport à soi » . Reconnaissance réciproque explicite qui institue du même coup un nouveau « rapport moral aux autres », au point qu’il n’y ait plus besoin d’autre principe proprement « moral », que cette reconnaissance réciproque pour en « fonder » la légitimité morale commune.


Je vois bien une des « raisons » pour lesquelles Ruwen Ogien pense que la dénomination de « morale » ou d’ « éthique » est parfaitement « indifférente » dans le « rapport à soi » : C’est qu’il suppose que notre rapport à nous-mêmes est « par définition » ( du « soi-même » ) toujours en parfaite coïncidence et accord avec nos propres valeurs personnelles dont nous jugeons par nous-mêmes, ou que les problèmes de désaccord « intérieurs » au sujet qui peuvent subsister, ne peuvent être que d’une autre nature ou ne peuvent se traiter que par d’autres moyens  que le questionnement « éthique » ou « moral ».  ( ou relever précisément de la seule « souveraineté de la personne sur elle-même » considérée comme « autonomie morale personnelle » : c’est moi ( A.S. ) qui précise ainsi cette « indifférence morale » )
Bref, au nom de l’idée, que je partage avec lui, de l’ « autonomie personnelle », il s’agit de rejeter toute pression normative ou prescriptive d’une morale collective HÉTÉRONOME de provenance sociale ou culturelle partout où la relation aux autres n’est pas  directement concernée.

Mais pourquoi cette relation que nous entretenons avec « nous-mêmes » dans le cadre d’une telle « autonomie personnelle » que nous voulons garantir contre toute ingérence prescriptive ou normative d’une norme sociale ou culturelle prescriptive externe, en cherchant précisément à transformer en ce sens plus « libertaire » les institutions juridico-politiques des sociétés où nous vivons, ne serait-elle pas justement, partagée par un grand nombre de nos contemporains, au point précisément de devenir le fondement même de la relation « éthique » ou « morale » que nous entretenons avec eux ?

Il reste une « raison » sans doute que Ruwen Ogien cherche à préserver dans sa propre conception morale d’une « éthique minimale », c’est sa « prétention à une validité universelle« . Il pense probablement encore, que ce qu’il appelle « éthique » ou « morale » – même aussi « minimale » qu’il faudra, peut encore faire l’objet d’une validité universellement reconnue, et que cette « validité universelle » peut être au moins philosophiquement « argumentée » à défaut de pouvoir être « démontrée » ou « prouvée ».
Mais du moment qu’il extrait le « rapport à soi » du domaine d’une telle validité « éthique » et ne le réserve plus qu’au rapport entre les personnes , cette « prétention à une validité universelle » est déjà très sérieusement entamée ! Et se coupe en plus de toute possibilité de chercher à fonder une telle « validité » au coeur même de la relation de la personne à elle-même.

Pour que Ruwen Ogien fasse le pas décisif d’une « Loi Morale Nouvelle », il aurait dû renoncer à cette « prétention à la validité universelle » propre à l’ ensemble des anciennes « théories morales » et « lois morales », y compris donc la sienne, comme « éthique minimale ».
Et donc accepter une forme de « relativisme moral » qu’il n’ a jamais voulu assumer.

C’est ce que je fais bien sûr, en  incorporant explicitement le principe de la « Libre Égalité » comme membre symétrique de l’ « Égale Liberté » dans l’ énoncé – devise résumant  ma propre proposition de « Loi Morale Nouvelle » :
La « prétention à la validité universelle » des « théories morales anciennes » est alors par définition rabattue à la seule « communauté virtuelle » des PERSONNES LIBRES ET ÉGALES QUI SE CONSIDÈRENT ELLES-MÊMES ET MUTUELLEMENT COMME TELLES.
De cette « communauté morale virtuelle », tout organisme conscient PEUT, – s’il a les moyens empiriques  réels ( biologiques notamment ) d’une telle prise de conscience psychologique – décider d’en être un membre, très exactement dans la mesure où il comprend et accepte exactement ce même « droit moral » ( « nouveau » ) pour tout autre organisme conscient qui fait ou ferait une démarche similaire d’appartenance en s’engageant librement  comme lui  à ce même respect de leur Égale Liberté et de leur Libre Égalité.

Il n’y a donc plus de « relation éthique ou morale » ( au sens NOUVEAU ) pensable comme « universalisable » en dehors de la LIBRE ADHÉSION PERSONNELLE à une telle relation éthique.
Libre adhésion … dont le modèle même peut être trouvé dans cette « autonomie personnelle » même par laquelle nous définissons et exigeons nous-mêmes notre propre autonomie de « personne » et que nous acceptons que d’ AUTRES PERSONNES fassent de même en ce qui les concerne.

Alors en effet, du point de vue de la plupart des « anciennes éthiques », une telle position est sans doute considérée théoriquement, comme « non éthique »  … parce qu’elle renonce à sa propre « hégémonie universelle ».
Il ne manque pas cependant, de prétentions « morales » qui ne prétendent pas à une telle universalité …
Mais dans la réalité, comment se concrétise cette « prétention à la validité universelle » d’un certain nombre des « anciennes théories morales » et des anciennes « lois morales »  ? Sinon par la prétention de chaque auteur, philosophe ou pas, de dire que l’ « éthique » ou la « morale » telle que LUI-MEME la conçoit ou telle qu’il y adhère par tradition … devrait être adoptée par les autres ! 

Mais par ailleurs, dans sa pratique proprement philosophique du débat philosophique, n’accepte-t-il pas, pragmatiquement, que les autres philosophes puissent effectivement proposer, dans l’ espace public de la discussion, des « théories morales » et des « lois morales » différentes de la sienne ? Il pratique alors, de fait, une prescription implicite  librement acceptée de reconnaissance mutuelle de la liberté de conscience et d’ expression de chacun, et donc prouve par là-même qu’il est possible, de fait, entre « personnes de bonne volonté » de faire cohabiter, dans certaines circonstances et situations du moins, des expressions personnelles très différentes … de la MÈME ÉGALE LIBERTÉ.

Il prouve aussi « performativement » que, contrairement à ce qu’il croit sans doute, il est possible de constituer ainsi des espaces d’une « pratique éthique »  ( rendue possible par la libre acceptation au moins implicite de cette égale liberté de penser et de s’exprimer ) , sans avoir besoin d’une « théorie morale » à « prétention à la validité universelle » supplémentaire , puisque chacun peut se contenter de « défendre la sienne » en permettant à tous les autres de « défendre la leur », sans qu’on soit le moins du monde parvenu à un « accord minimal » sur une de ces théories morales proposées !

Une telle remarque concernant la position implicite performative d’un « principe d’égale liberté » dans les procédures du « débat démocratique » ou du « dialogue philosophique »  a déjà été faite par de nombreux auteurs ( Jurgen Habermas, Marcel Conche, etc… ) avec l’ idée qu’il suffirait ensuite d’ étendre consciemment aux autres sphères de la vie humaine, l’application de ce principe dont on a expérimenté la possibilité dans le dialogue conversationnel entre personnes de « bonne volonté ».
SAUF QUE , d’une part, tous les « débats démocratiques » ou toutes les discussions philosophiques réelles, ne se passent pas nécessairement aussi « bien » ( en se conformant à l’égale liberté librement acceptée des esprits participants   … ) ; et d’autre part, un très grand nombre des autres aspects et conflits de la vie humaine ( hors « conversation polie » ) mettent bien sûr en jeu d’autres « intérêts » que le seul agrément commun d’une conversation partagée …
Une telle volonté de transfert généralisé fondamental du principe d’ Égale Liberté librement accepté à l’ ensemble des problématiques éthiques, juridiques, politiques, économiques, etc. suppose précisément selon moi, une volonté explicite consciente d’effectuer un tel transfert, non pas une « volonté générale », mais d’abord une volonté personnelle des personnes qui veulent effectivement le réaliser – aussi progressivement qu’elles le voudront – mais en effet « effectivement ».

Et « pour commencer », la chose la plus simple et la plus facile, SI ON EST LIBREMENT EN ACCORD AVEC UN TEL IDÉAL, c’est de le « dire » ou de le déclarer publiquement.
C’est ce que j’ai commencé à faire depuis un certain temps déjà …
Absolument rien ne VOUS empêche de faire « la même chose » … à votre façon.
C’est VOUS qui voyez .















Place prépondérante de la Liberté dans la « Loi Morale Nouvelle »

En quoi la « Loi Morale Nouvelle » ( centrée sur la Proposition de l’ « Égale Liberté Libre Égalité » ) est-elle « nouvelle », par rapport aux « lois morales anciennes », tout en continuant à utiliser le terme de « Loi Morale » ?

La différence provient du rôle différent qu’y joue désormais la Liberté, comme auto-fondatrice de sa propre « valeur morale ».

1. La plupart des « morales anciennes » – et ceci d’autant plus qu’elles se revendiquent comme « modernes » – , donnent une place importante à la Liberté personnelle dans l’exercice de l’ « obéissance » du « sujet moral » à la « loi morale« .
Les lois MORALES se distinguent précisément des autres types de LOIS auxquelles une personne peut être « soumise », par  leur appel à la Liberté du « sujet moral ». 
Les autres sens du mot « LOI » se trouvent notamment :
– Soit dans une expression comme « loi de la nature » et / ou « loi de la physique », loi logico-mathématique, etc. Dans ce cas la forme de « soumission » de la personne à ce type de lois, en tant que la personne est aussi en même temps une partie de la réalité ( un « corps » physique, biologique, un organisme vivant appartenant à l’ espèce homo sapiens, un agent économique, le membre individuel d’une société politique, d’une classe sociale, etc… ), est en général appelée « nécessité« , et la place et la fonction de cet « objet » dans le réel est décrite comme la composition plus ou moins complexe d’un certain nombre de facteurs de « causalité« , dont l’ étude fait l’objet de toutes sortes de disciplines « scientifiques », soit de « sciences de la nature », soit de « sciences humaines et sociales », etc…
– Soit dans un sens « juridico-politique », où la personne, comme membre d’une société donnée et notamment comme citoyen « justiciable » d’un « état de droit », est soumise aux « obligations légales » du système juridico-politique en question, qui peuvent devenir « légalement » aussi des  contraintes exercées sur la personne par le système juridico-politique.
( Ce qu’on appelle souvent l’exercice du « monopole de la violence légitime dans un état de droit » )
Évidemment, ce deuxième sens du mot « loi »est très important, car il fait déjà une place à la valeur de la notion de « liberté », mais la « liberté » individuelle  du membre d’un « état de droit » au sens actuel est cependant soumise à la coercition physique possible du « pouvoir exécutif » réalisant « physiquement » ( en utilisant des contraintes physiques des « lois de la nature » ) sur la personne physique des « sanctions » définies par un « jugement » opéré par le « pouvoir judiciaire ».

Dans toutes les « lois morales« , qui se distinguent à la fois des « lois de la nature » ( règne de la « nécessité » ) et des lois juridico-politiques ( règne de la « contrainte légale » ) , la « loi morale » se rapporte à une « obligation » ou à un « devoir » supposés ( et décrits plus ou moins précisément par cette loi ou des « règles » qui en dérivent ) , qui certes « obligent » le « sujet », mais sans le contraindre, ni par une quelconque « nécessité naturelle », ni par une « obligation juridico-politique », mais simplement en faisant appel à sa « raison » ou à sa « libre volonté personnelle ».
Même les « lois morales » religieuses liées à la croyance d’une origine divine de la « loi morale », et où l’ « auteur divin de la loi » est supposé en plus doté d’une « toute-puissance », sont présentées par leurs « théologiens » comme faisant appel à la LIBERTE de la « créature humaine » : « Dieu a voulu que l’être humain soit libre, tout en souhaitant que les décisions de cette liberté soit conformes à la volonté divine inscrite dans la « loi divine ».

De même , toutes sortes d’autres « lois morales », tout en présentant un « encadrement de la liberté » externe à cette liberté elle-même ( donc « hétéronomes » en ce sens ), ne se présentent elles-mêmes comme « MORALES » que parce qu’elles supposent un « libre consentement » de la personne elle-même à cette restriction instituée par la « loi », donc au minimum sans exercer de contrainte physique a priori ou de violence sur la personne « sujet moral ».
Sans cette liberté personnelle minimale, toutes ces « lois morales » et les « théories morales » qui cherchent à les justifier se sont rendu compte qu’elles risquaient fortement de perdre  leur propre qualificatif de « MORALES » .

En proposant le principe d’une « Loi Morale Nouvelle », nous reconnaissons donc  qu’une certaine place est déjà intrinsèquement accordée à la Liberté dans ce qui constitue toute « Loi Morale » comme distincte à la fois d’une « Loi de la nature » ou d’une « Loi de la nécessité causale  réelle en général  » ( lois sociologiques ou psychologiques ou économiques par exemple, etc. alléguées par ces disciplines scientifiques), et distincte d’autre part de toutes les « lois de la société » instituées comme contraintes jurico-politiques collectives pouvant finalement faire appel à une forme de « violence politique légitime » dans un « état de droit ».

Un moment particulièrement significatif d’une évolution plus importante de la notion et de la valeur de la Liberté s’est faite philosophiquement dans la conception kantienne du « sujet moral » capable d’ « autonomie de la volonté », et du point de vue juridico-politique dans la reconnaissance rousseauiste du citoyen comme participant à la formation même de la loi ( ou du contrat social ) à laquelle il est par ailleurs soumis par sa propre volonté intégrée dans la « volonté générale ».
Ce moment philosophico-politique a aussi été signalé par certains auteurs comme passage de la « liberté des Anciens » à la « liberté des Modernes » dans le rapport individu / société .

2. En plus de la présence du libre consentement du « sujet moral » à l’ « obéissance » à la « loi morale », les « lois morales anciennes » comportent un contenu spécifique qui ne se  limite pas à la liberté elle-même ou aux conditions de son universalisation possible. C’est en quoi toutes ces « lois morales » différentes se distinguent les unes des autres, même si elles supposent toutes une « libre obéissance ».
Autrement dit il subsiste dans ces « lois morales » une forme d’ « hétéronomie » du contenu de ces lois par rapport à l’ autonomie de la volonté de la personne qui s’y soumet librement.
Remarque : une telle hétéronomie du contenu de la loi est toujours présente lorsqu’une « volonté générale », même librement acceptée par un « citoyen » ayant participé à son élaboration, s’impose à ce citoyen à travers la coercition spécifique de l’ ordre « juridico-politique » de l’ « état de droit ».
Mais dans ce cas nous ne sommes plus dans le cas d’une « loi morale » qui ne peut, comme telle ( comme strictement « morale ») , jamais s’imposer par une quelconque coercition.

Mais dans toutes les « lois morales anciennes », une telle hétéronomie du contenu reste également présente, car la « loi morale » n’y est pas identifiable à la simple proposition d’une « Égale Liberté » : elle prétend en plus savoir, à la place des personnes elles-mêmes, en quoi consiste le rapport entre leur liberté personnelle propre et le contenu général des « droits et devoirs » proposé par la loi à tous les sujets moraux qui la reconnaissent.

Remarque : Kant a été le philosophe qui a le plus remarquablement essayé de définir la « moralité pure », comme étant purement « formelle » au sens où la « loi morale » qu’il propose n’est pas définie par un contenu particulier mais seulement par une « forme a priori »de la moralité, qui déjà dans la proposition kantienne, a un rapport étroit avec l’ « autonomie de la volonté » et donc avec la Liberté.

3. La « Loi Morale Nouvelle » que nous proposons sous les termes d’ « Égale Liberté Libre Égalité » est en un sens aussi « formelle » que la « Loi Morale » kantienne, mais elle ne prétend à aucune « universalité a priori », puisqu’ elle fait dépendre la VALEUR de cette « forme » supposée « universalisable » mais non pas « universelle » (  nommée « Égale Liberté »  ), uniquement de la Liberté personnelle des personnes qui choisissent « librement » de la partager … entre toutes les personnes qui font le même choix et seulement si  elles font ce même libre choix.
On comprend d’ailleurs alors assez rapidement que le critère essentiel de la « moralité » ne devient plus comme chez Kant celui de l’ universalisation a priori ( dont on sait d’ailleurs à quelles dérives absurdes les essais d’application concrète ont donné lieu de la part de Kant lui-même et de nombre de ses supposés « disciples » ). Le critère de cette  nouvelle « moralité formelle » n’est pas la forme générale d’une « Loi » qui se rapprocherait du sens de ce terme lorsqu’il est question de l’ « universalité et de la nécessité des lois de la nature », mais bien la LIBERTE elle-même, en tant qu’elle est à la fois Librement et Également « partageable » entre toutes les « personnes » qui font le libre choix de vouloir ainsi la partager … entre elles.

La « Liberté » et l’ « Égalité » dont il est question dans notre proposition de l’ « Égale Liberté Libre Égalité » ne sont donc des « valeurs » essentielles et fondamentales que pour les personnes qui font le libre choix de les considérer comme telles … 
Eet les personnes qui pourraient un jour se réclamer de la « protection » des « Droits » ( d’un « Nouvel ordre juridico-politique » ) institués à partir de telles valeurs, ne peuvent, par définition le faire « légitimement » ( suivant cette légitimité nouvelle ) que si elles reconnaissent elles-mêmes aux autres personnes faisant comme elles ce libre choix, la jouissance du nouveau « droit moral » qu’elles posent ainsi pour elles-mêmes. Et s’ « imposent » donc à elles-mêmes les mêmes conditions générales de « devoirs » – s’il existe et aussi longtemps que subsistent de telles conditions – pour que ces « droits égaux » à l’ « Égale Liberté » soient et deviennent autre chose qu’une simple « incantation verbale » que chacun PEUT en effet énoncer.

Le critère d’ « universalisation » ne vaut donc lui-même que par et pour les personnes qui veulent ainsi librement se donner un tel critère commun ( entre elles ) .
Et en particulier, dans le cas de la « communauté virtuelle » de toutes les personnes qui choisissent librement de participer à l’ énoncé commun de cette proposition d’ « Égale Liberté Libre Égalité » et aux essais que chacune de ces personnes peut faire d’en traduire l’énoncé abstrait dans des situations concrètes vécues ( dans l’ amélioration des conditions réelles de cette « égale liberté » formellement reconnue de chacune de ces personnes  par chacune de ces personnes), l' »universalisation » ne s’étend qu’aussi loin que la liberté personnelle de chaque participant VEUT en réaliser l’ extension commune partageable.

Bien sûr, certaines personnes le voudront plus que d’autres, et chercheront davantage à en trouver ou à en construire ou créer les conditions réelles favorables, générales ou locales. Mais quel que soit le degré qualitatif ou quantitatif  de « participation » à ce « travail », de « collaboration » formelle ou informelle, chacune sait que PAR DÉFINITION de cette « Loi Morale Nouvelle », elle ne peut pas exiger « légitimement – moralement », au sujet de ces conditions réelles de l’ Égale Liberté, PLUS des autres personnes qu’elle n’est elle-même personnellement prête à fournir comme part personnelle de « travail » nécessaire.
  C’est ce que signifie l’ « ÉGALITÉ » de la « LIBERTÉ ».
Mais simultanément, également PAR DÉFINITION ( de la « LIBERTÉ » de cette « ÉGALITÉ » ) , une telle participation « équivalente » à l’ Égale Liberté, à la découverte et à la construction progressive des « conditions réelles » de sa « réalisation effective » , ne peut pas être en général évaluée à l’ aune d’une quelconque mesure comptable définissable a priori, même si chaque personne concernée s’engage ( par DÉFINITION , sa propre « Égale Liberté »  fondamentale Y est en cause ) à participer à ce Projet d’ Égale Liberté Libre Égalité dans une « mesure » au moins « équivalente » à ce qu’elle attend … des autres.

De très nombreux « contrats partiels » sont d’ailleurs librement envisageables, dans tous les sens imaginables de cette « partialité » et du pluralisme inhérent à cette « liberté », à condition que les créateurs de ces contrats se demandent réellement en quoi leur travail « collectif » organisé par un tel « contrat partiel » ( politique, juridique, social, culturel, économique, etc. ) est réellement compatible avec le Projet d’ Égale Liberté Libre Égalité et donc en quoi ce contrat partiel n’est pas intrinsèquement contraire à l’ Égale Liberté d’autres personnes voulant établir d’autres contrats partiels censés rester également compatibles avec le Projet Idéal Commun à toutes les « Personnes également libres et librement égales ».









Loi Morale Nouvelle, amoralité, immoralité

La Loi Morale Nouvelle définit sa propre valeur du « Bien » comme étant en dernière instance, pour une personne supposée capable de comprendre ce dont il s’agit, de chercher à suivre et à réaliser  la « Proposition de l’ Égale Liberté Libre Égalité« ,  c’est à dire de rendre possible de plus en plus la réalisation universalisable ( ne pas confondre avec « universelle » )  de l’ Égale Liberté de toute personne qui veut cette Égale Liberté, à la fois pour elle-même et donc également pour toute autre personne qui aurait cette même volonté.
En termes « éthico-politiques », il s’agit de travailler à la réalisation universalisable de la Liberté ( individuelle de chacune de ces personnes ) et de l’ Égalité fondamentale de cette Liberté, donc des droits et libertés qui incarnent juridiquement cette Liberté et  des « devoirs » qui résultent de la défense de ces droits et libertés.

Par rapport aux nombreuses « autres morales » possibles, la Loi Morale Nouvelle peut donc être jugée comme « immorale » ( par rapport aux injonctions, aux droits et aux devoirs formulés par ces autres morales ) ou du moins comme « amorale », en tant qu’elle ne reconnait plus la légitimité universelle  a priori de toutes ces « anciennes morales ».  Ces « anciennes morales » sont d’ ailleurs sur de nombreux points  contradictoires entre elles, mais même souvent à l’ intérieur de leurs propres systèmes prescripteurs respectifs.

Le « propre » de la Proposition de l’ « Égale Liberté Libre Égalité » par rapport à la plupart des autres propositions de « Loi Morale » mais aussi de principes fondamentaux du Droit est d’inclure dans son deuxième volet ( « Libre Égalité » )  un abandon libre et volontaire de l’ habituelle « universalité » que la plupart des propositions de « lois morales » prétendent établir … à leur profit respectif, la plupart du temps d’ailleurs en prétendant accéder à une « vérité morale » qui serait soit démontrable, soit à admettre comme postulat « catégorique ».

En un sens donc, celui qui s’ énonce dans le deuxième volet « Libre Égalité », la « Loi Morale Nouvelle » peut donc être considérée comme un « relativisme moral », suivant lequel chaque personne, suivant son parcours de vie  empirique et les circonstances de son « environnement », se fait sa « propre morale » ( une « sagesse personnelle » ), qui ne peut en aucun cas « valoir a priori » pour toute autre personne, sauf à lui demander son accord ou son libre consentement à un tel « contrat moral commun ».
La « Loi Morale Nouvelle » est donc  proche aussi des « éthiques minimales » comme celle proposée par  Ruwen Ogien.

Cependant, précisément à partir de cette  liberté individuelle de construire des contrats éthiques avec d’autres personnes ( « Libre Égalité » ), il est facile d’imaginer qu’un grand nombre de personnes peuvent choisir librement de considérer qu’une telle Liberté personnelle peut plus facilement être construite, notamment si on veut en faire des « libertés réelles » et non pas seulement se contenter de « libertés formelles », si on choisit « en même temps » de reconnaître aux autres personnes exactement la même Liberté fondamentale que celle qu’on veut pouvoir mettre en œuvre pour soi-même.
Autrement dit, si on pose librement leur « Égale Liberté ».

Qui sont donc ces « Égaux devant la Loi », devant cette « Loi Morale Nouvelle » ? Ce sont toutes les personnes, qui, comme moi, et VOUS peut-être ( « C’est VOUS qui voyez « ), choisissent en effet librement de se considérer aussi fondamentalement libres les unes que les autres, pour la simple « raison » que telle est leur libre volonté … qui devient alors aussi leur « volonté générale » – entre elles – , non pas par un renoncement à leur propre « liberté naturelle », mais parce que la nouvelle « liberté civile » ou « liberté conventionnelle » ainsi librement construite reste le libre prolongement et développement d’une telle  « liberté naturelle, mais librement pensée et voulue comme compatible avec celle des autres « contractants ».

Et non plus « obligatoirement » parce que leur « nature humaine », ou la « Nature », ou une loi divine, ou une « loi anthropologique », ou une « structure transcendantale du sujet », ou le « visage » lévinasien d’un Grand Autre  quelconque les contraindraient ou les obligeraient a priori à établir un tel « contrat humain de Liberté, d’ Égalité et de Fraternité ».
( Différence capitale notamment avec la « Loi Morale » kantienne )

Ni non plus parce qu’un ordre politique empirique, incarnant la « loi du plus fort, justifierait « a posteriori », en tant que « souveraineté collective », « souveraineté du peuple », « souveraineté de l’ État ou de la Nation » ou « souveraineté internationale des Nations-Unies » , ou « souveraineté divine déléguée à une communauté religieuse », la soumission à un système juridique de « droit positif » dont l’ « état de droit » serait lui-même juridiquement auto-justifié.

Bien sûr chaque personne, qui choisit librement de s’inscrire dans un tel cadre de « Loi Morale Nouvelle », garde toute sa liberté fondamentale de choisir – en plus – pour elle-même – mais en ne l’imposant pas aux autres personnes – ses références à un « Droit Naturel » ou au « Droit positif » ou à un « Droit communautaire » de son choix, pour autant que ces autres références morales et/ou juridico-politiques ne s’imposent pas aux autres personnes participant au même libre contrat moral  d’ « Égale Liberté Libre Égalité », et ne contiennent pas une obligation ou une contrainte visant à interdire aux personnes de s’associer  sur la base d’un tel contrat moral d’ « Égale Liberté Libre Égalité » :

On ne peut pas logiquement prétendre vouloir librement s’associer avec d’autres personnes sur la base d’une « Égale Liberté Libre Égalité » et en même temps vouloir interdire à soi-même ou à d’autres une telle liberté !
Une telle prétention serait bien sûr à la fois contraire à la Liberté et à l’ Égalité  à laquelle on prétendrait adhérer !
Et prouverait simplement que la personne en question ne sait pas ce qu’elle veut. Quant à VOUS, c’est VOUS qui voyez.

 

La « Loi Morale Nouvelle » ici proposée ( « Égale Liberté Libre Égalité » ) ne présuppose aucune « éthique de la vulnérabilité » comme celle proposée par Corine Pelluchon

Dans le cadre du principe d’ « Égale Liberté Libre Égalité » ici proposé, il est bien sûr possible en plus d’adhérer librement à tout autre cadre « éthique » ou « moral », ou « politique », si ou pour autant que ces adhésions ne mettent pas  elles-mêmes en cause l’ Égale Liberté des autres personnes d’ adhérer à leurs propres cadres éthiques ou politiques personnels.

Les propositions philosophiques de Corine Pelluchon, par exemple, peuvent rester compatibles avec les nôtres, aussi longtemps qu’elles restent de l’ ordre de l’ « éthique personnelle », ou  librement partagées par de nombreuses autres personnes dans divers cadres associatifs, mais aussi longtemps seulement qu’elles ne cherchent pas à s’imposer aux autres, à moi-même par exemple, sous prétexte d’une « universalité » que Corine Pelluchon ou ses épigones pourraient vouloir instituer pour leur « éthique de la vulnérabilité » ou leur « éthique de la considération »  et qui en viendraient demander aux autres de s’y soumettre dans un cadre institutionnel politique juridique commun.

Si je reconnais à Corine Pelluchon, comme à toute personne, la même liberté de pensée, de communiquer et d’agir  conformément à ses propres convictions,  que celles  dont j’exige la reconnaissance pour moi-même,  une telle obligation ne vaut pour moi  que pour autant qu’ elle est réciproquement reconnue :
En particulier je serai particulièrement attentif au respect de l’égale liberté individuelle de penser de chaque personne et de chaque citoyen et d’avoir sa propre « éthique » de référence pour ses choix personnels.

Si d’une façon ou d’une autre le type d’ « éthique de la vulnérabilité » ou d’ « éthique de la considération » défendu par Corine Pelluchon en venait à remettre en cause le principe général d’ « autonomie personnelle » dans un combat juridique et/ou politique de type « anti-lumières », « anti-modernité », etc. alors bien évidemment il serait clair que nous ne partageons pas le même idéal éthique commun d’ « Égale Liberté« , et donc j’ en tirerais librement la conclusion de ma propre opposition juridico-politique à une telle tentative d’ emprise idéologique « anti-lumières » sur nos institutions juridiques et politiques actuelles ou futures.

Si j’ évoque ici une telle perspective, c’est qu’ en effet un certain nombre d’ écrits de Corine Pelluchon ou de ses commentateurs peuvent laisser craindre que leur libre critique philosophique de la notion d’ « autonomie personnelle » pourrait se transformer  un jour en volonté coercitive
( juridico-politique ) d’imposer leur vision du monde à tous,
donc à prétendre que LEUR « monde commun », c’est à dire LEUR vision idéologique commune  du « monde », devrait être LE « monde commun » non seulement de tous les êtres humains, mais même de tous les animaux et êtres vivants, auxquels bien évidemment Corine Pelluchon ne demande pas leur libre vision sur la question … car elle pense savoir à leur place, en bonne écolo-maternaliste, ce qui est « bon pour eux ».

Le « monde commun de tous les vivants » c’est le monde pensé PAR l’ « éthique de la considération » et l’ « éthique de la vulnérabilité » de Corine Pelluchon … POUR et à la place de tous ces êtres vivants, qui, comme ils sont tous très « vulnérables« , ne peuvent bien sûr pas penser par eux-mêmes … et doivent donc, en toute « humilité« , se soumettre à la sollicitude, aux soins maternels et attentifs, ressentis et bichonnés pour eux par l’ empathie naturelle des  phénoménologues « éco-féministes ».

La nouvelle « éthique animaliste » n’a pour le moment pas beaucoup à craindre que les vrais « sujets » concernés, les animaux eux-mêmes, se mettent, à titre individuel, à réclamer leur autonomie morale personnelle.
Il est donc facile pour cette « éthique de la considération », de chercher à « prendre soin » d’eux, comme les « citoyens » masculins libres et égaux prenaient naguère soin de leurs femmes et de leurs enfants …  ou les maîtres de leurs esclaves ( car il y  a toujours eu de « bons maîtres » qui prenaient soin et même tenaient en haute « considération » leurs esclaves, ou des patrons leurs ouvriers, et des dominants « protecteurs et considérants » pour leurs « considérés » ) .

L' »humilité » comme méthode … méthode bien connue de tous les prêchiprêchas visant à obtenir l’obéissance  à la loi du « monde commun » entre les dominants et les dominés, en démontrant aux « dominés » qu’ils ne peuvent s’en sortir, « vulnérables qu’ils sont », qu’en acceptant la protection paternelle des « bons dominants »  contre les « vilains dominants ».
Pourquoi prendre ses ressources philosophiques pour construire de futures institutions morales, juridiques et politiques chez des prédicateurs cisterciens  ?

 » Autonomie personnelle » ?  « Égalité des droits et libertés »  ?
Vous n’y pensez pas, c’est la porte ouverte à toutes les exploitations …
Soyez attentifs aux « vrais besoins des gens et des animaux »  …
Ils comptent sur VOUS, comme les petits enfants sur leurs « parents » !

Certes ce n’est plus « Dieu » qui est aux « commandes », nous dit Corine Pelluchon, comme pour nous rassurer sur sa conception éthique « transdescendante ».
Mais à la place de Dieu, il y a le « monde commun » ( « Harmonia mundi ? » ) … et Corine Pelluchon est son professeur de vertu.

Extrait de l’interview au Figaro :
 » Je suis allée chercher dans les lettres que Bernard de Clairvaux a envoyées au pape Eugène III alors en exil l’inspiration première de ce livre. Il souligne l’importance d’une réforme intérieure aidant les individus à rechercher et à garder la mesure en échappant à la tentation de la domination. La première étape est l’humilité, dont les morales antiques ne parlent pas et qui est liée au rappel de sa condition d’être engendré. Enfin, alors que pour Aristote le critère de l’action bonne est l’homme prudent, pour Bernard de Clairvaux le rapport à soi qui fonde l’unité des vertus traditionnelles (prudence, courage, tempérance, justice) passe par un rapport à l’incommensurable qu’il identifie à Dieu et que, pour ma part, j’identifie au monde commun. Ce dernier est composé des générations passées, présentes et futures, et du patrimoine naturel et culturel ; il constitue une transcendance dans l’immanence et donne une épaisseur à mon existence. La considération est l’expérience de l’incommensurable et, dans mon livre, elle ne désigne pas un mouvement ascendant vers Dieu, une transcendance, mais une transdescendance. C’est, en effet, en approfondissant la connaissance de moi comme d’un être charnel que j’éprouve réellement mon appartenance au monde commun et que la conscience du lien m’unissant aux autres, humains et non humains, devient un savoir vécu. Ma manière de me percevoir et de percevoir le monde change. La considération est le fait d’avoir le monde commun comme horizon de ses pensées et de ses actes. Je passe alors du «vivre de» au «vivre avec» et au «vivre pour» et à l’engagement en faveur du monde commun. Loin de conduire au mépris du monde présent, elle permet au sujet qui la pratique de prêter attention à chaque chose. « 

Pour autant, il y a bien des analyses  concernant les insuffisances des philosophies morales et politiques classiques par rapport aux défis contemporains et futurs que je peux partager avec Corine Pelluchon.

Une présentation du parcours de Corine Pelluchon par elle-même peut être trouvée sur son site personnel.

A suivre ….

Remarque :

J’ai déjà proposé un autre article concernant la prise de position de Corine Pelluchon au sujet de la législation sur la « fin de vie »,  où elle se dit à titre personnel opposée à la légalisation du suicide assisté .
Sur ce thème aussi, l’ « éthique de la vulnérabilité » est particulièrement appelée en référence par les adversaires de la légalisation de l’euthanasie volontaire et du suicide assisté : où l’ on voit bien comment le lobby « catho-médical de droite », proche de la mouvance « sens commun » et de la « manif pour tous » cherche à instrumentaliser les conceptions philosophiques de Corine Pelluchon …

 

 

« Libre Égalité » et « Loi Morale Nouvelle »

La « Loi Morale Nouvelle » dont nous parlons ici se définit elle-même dans le résumé de sa formulation comme  » Égale Liberté Libre Égalité« .

Ceci signifie :

  1.   Comme « Égale Liberté« , ELLE se veut comme un cadre de légitimité morale possible, autrement dit une forme d’ « Égalité devant cette Loi », qui demande à chaque personne concernée de respecter la Liberté des autres personnes comme elle veut que la sienne soit respectée par les autres.
    En cela la proposition est très proche en apparence de nombreux autres essais de formulation d’une « Loi Morale » à prétention  « universalisable » et bien sûr de la plus connue d’entre elles, la « Loi Morale » kantienne et son « impératif catégorique« .
    Si notre proposition se limitait à une « nouvelle » formulation de cette très ancienne et bien connue tentative  de définir une « Loi Morale universelle », je n’aurais pas parlé de « Loi Morale Nouvelle« , mais simplement de « nouvelle formulation » de la « Loi Morale », en présupposant, après beaucoup d’autres, qu’il y aurait une sorte de « fond commun » humaniste implicite entre toutes les « morales » particulières, d’origines religieuses ou laïques « anthropologiques », etc… et j’aurais encore une fois essayé, vainement en effet, de dire une « nouvelle » fois, à ma manière, ce que d’autres philosophes se sont déjà de nombreuses fois essayés à formuler, et notamment le plus caractéristique d’entre eux à ce sujet, à savoir Kant.
  2.  OR, une remarque toute simple à ce sujet, que peut faire n’importe quel lecteur de ces philosophes ou de tout autre penseur moraliste, ou de textes traditionnels divers concernant la ou les morales et leur plus ou moins grande universalité possible ou leur relativisme culturel ou individuel, c’est que toutes ces propositions philosophiques de « Loi Morale » à prétention « universelle », sont en fait toujours très fortement marquées par la personnalité philosophique de leur auteur et / ou par des « considérations morales » propres à leur contexte culturel, social, historique, etc.;
    Plutôt que de parler de « Loi Morale », même s’il existe apparemment une problématique commune, il vaudrait mieux parler à chaque fois de « la loi morale de Kant« , « la loi morale chez Aristote« , « la loi morale chez Épicure« , etc. En remarquant bien combien cette prétention universalisante est toujours celle d’une liberté de pensée personnelle particulière, qui énonce « sa propre morale », ou encore ne fait que répéter explicitement une référence dogmatique religieuse ou philosophique antérieure ou existante ou socialement et juridiquement déjà admise.
    Mais cette remarque n’est pas « nouvelle » non plus !
    Le soupçon philosophique,  esthétique ou politique concernant ces prétentions à l’ « universalité » d’une « Loi Morale » est depuis longtemps aussi à l’oeuvre : Marx, Nietzsche, Freud, les sciences humaines, et tout ce qu’on peut trouver dans la littérature comme formes de « relativisme moral » , de « déconstruction », de « post-modernité », ou toute critique qu’on voudra d’une telle prétention « universalisante ».
    En un certain sens, je souscris évidemment aussi à ce questionnement critique et donc à une forme de « relativisme moral ».
  3.  Mais précisément, malgré toutes leurs différences critiques, les auteurs, à la fois de multiples nouvelles formulations d’une supposée « Loi Morale » universelle introuvable, ou au contraire d’une réfutation relativiste systématique de toute tentative de définir une quelconque « Loi Morale », s’entendent en fait la plupart du temps pour pratiquer leur propre « liberté d’esprit » ou « liberté de pensée » personnelle à ce sujet, et acceptent d’en débattre avec d’autres, sans s’entre-tuer …
    Certains de ces auteurs  ont d’ailleurs pensé y trouver un moyen détourné de refonder sur ce simple constat « pragmatique » ou « performatif » du dialogue entre pensées divergentes, un « fondement » méthodologique d’une forme morale « universalisable » qui n’arrivait plus à se fonder autrement d’un point de vue « théorique ».
    ( Voir par exemple Marcel Conche, ou encore Habermas, etc. ).
    Ou encore la question du « débat démocratique » qui serait une forme de moralité politique en acte …
    Récemment, le débat avec la critique venue d’une une certaine « ultra-gauche » ( « décoloniaux », « féminisme intersectionnel », etc. ) contre l’ universalisme, a relancé la problématique théorique à ce sujet :
    Ainsi Francis Wolff en fait une analyse précise dans son ouvrage de 2019 : « Plaidoyer pour l’universel » ( Ed. Fayard ), et prétend retrouver après d’autres, un « propre de l’homme », dans la faculté de dialoguer …
  4.  En conséquence de cette reconnaissance « post-moderne » d’un pluralisme et d’un relativisme des valeurs, je propose donc que toute nouvelle tentative de définir une « Loi Morale » quelconque comme « Égale Liberté » ainsi instituée par cette « Loi de Liberté », soit explicitement accompagnée dans sa formulation, de l’indication qu’une telle « Loi » ne peut ELLE-MEME être légitimement auto-posée que sous l’expresse condition de la libre adhésion des personnes qui y souscrivent.
    La « circularité » entre la liberté personnelle « naturelle-culturelle » qui choisit d’entrer dans le contrat social de cette »Loi Morale Nouvelle » et le type d’ « obligation morale » qui résulte en retour d’une telle adhésion est donc explicitement reconnue et formulée dans l’ expression même « Égale Liberté Libre Égalité« :
    Toute formulation de l’institution d’une  « Égale Liberté » comme « Loi Morale Nouvelle » reconnaît explicitement en même temps sa relativité pleine et entière au libre choix personnel de la personne qui s’y engage( donc sa « Libre Égalité »).

    Il n’ y a donc dans ce cadre aucun « renoncement » rousseauiste où la personne individuelle abandonnerait sa « liberté naturelle » pour se soumettre entièrement à la « volonté générale » ( désormais »politique » collective ) qui serait seule capable de garantir à chaque « contractant » sa nouvelle « liberté civile » égalitaire. Ce n’est donc pas une « volonté générale » distincte de chaque volonté particulière qui est chargée de la « régulation » de l’ « Égale Liberté » nouvelle, mais bien chaque personne elle-même, pour autant qu’elle VEUT que d’autres personnes puissent bénéficier de la même « Égale Liberté » dont elle voudrait se garantir elle-même  l’usage légitime, et se charge donc librement elle-même d’une telle participation à sa mesure dans ce Projet Idéal Commun.

    Libre à toutes les autres personnes de continuer à se débrouiller avec leurs « appartenances » collectives …. plus ou moins librement choisies … et avec les « citoyennetés »  libres et égales que leurs communautés ou leurs collectifs ( États, Nations, peuples, etc. ) de « volonté générale » sont censés leur garantir, en échange de leur « obéissance à la loi commune ».

    Libre à chaque personne aussi de choisir de n’entrer dans ce nouveau contrat de « Loi Morale Nouvelle » qu’à son propre rythme et suivant sa propre « liberté naturelle » maîtrisée, si elle respecte alors en conséquence l’ « Égale Liberté » des autres de faire comme elle, c’est à dire de « mesurer » de la même façon  la progressivité de leur adhésion formelle théorique et / ou de leur adhésion concrète réelle pratique à une telle « Loi Morale Nouvelle » définie par la « maxime » d’ Égale Liberté Libre Égalité ».